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Shoah : Les affirmations de Poutine « complètement fausses », selon les historiens

By 26 janvier 2020Le mot du jour

L’affirmation faite par le président russe à Jérusalem que 40 % des Juifs morts lors de la Shoah étaient citoyens de l’Union soviétique est “ridicule”, ont clamé les experts

Le président israélien Reuven Rivlin escorte son homologue russe Vladimir Poutine à son siège lors du cinquième Forum mondial sur la Shoah au musée mémorial de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem, le 23 janvier 2020. Derrière eux se trouve Moshe Kantor du Forum. (Abir SULTAN / POOL / AFP)

Le président israélien Reuven Rivlin escorte son homologue russe Vladimir Poutine à son siège lors du cinquième Forum mondial sur la Shoah au musée mémorial de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem, le 23 janvier 2020. Derrière eux se trouve Moshe Kantor du Forum. (Abir SULTAN / POOL / AFP)

JTA — L’intervention majeure du président russe Vladimir Poutine lors d’un événement de commémoration de la Shoah qui a eu lieu cette semaine à Jérusalem faisait déjà controverse avant même que le dirigeant ne monte à la tribune. Et les propos qu’il a tenus, jeudi, lors de l’événement qui commémorait le 75è anniversaire de la libération d’Auschwitz par l’armée rouge n’a pas apaisé les polémiques.

S’exprimant au musée de la Shoah de Yad Vashem, Poutine a clamé que 40 % des Juifs morts pendant le génocide étaient des citoyens de l’Union soviétique. Une affirmation qualifiée d’absurde par les historiens.

« C’est complètement faux », déclare Jan Grabowski, historien à l’université d’Ottawa, à la JTA au cours d’un entretien.

Jelena Subotic, professeure de sciences politiques à l’université de l’Etat de Georgie et auteure du livre « Yellow Star, Red Star: Holocaust Remembrance After Communism », qualifie ces propos de « ridicules et non basés sur des faits historiques », notant que le « consensus » parmi les historiens est qu’environ un million sur les six millions de Juifs assassinés étaient originaires de l’Union soviétique.

Des prisonniers à la libération du camp Auschwitz-Birkenau en janvier 1945. (Crédit : gouvernement russe/domaine public)

Ces derniers mois, Poutine s’est engagé dans une guerre portant sur la complicité apportée par les habitants des pays environnants aux atrocités commises pendant la Shoah avec la Pologne dont le président, Andrzej Duda, a refusé de venir à la cérémonie qui était organisée à Jérusalem, offusqué de ne pas avoir été sollicité pour une prise de parole publique.

Poutine accuse la Pologne d’avoir coopéré avec l’Allemagne en 1938 tandis que Duda clame que la Russie ne cesse de minimiser son propre rôle dans l’invasion en 1939 de sa nation d’Europe de l’est aux côtés des nazis.

« Je pense que ce chiffre de 40 % peut – et qu’il doit – être envisagé dans le contexte de la guerre de mémoire qui oppose actuellement la Pologne et la Russie », commente Havi Dreifuss, historien à l’université de Tel Aviv.

Plus de 40 dirigeants étrangers ont assisté à l’événement de jeudi, organisé par le président Reuven Rivlin, Yad Vashem et le ministère des Affaires étrangères en coopération avec le chef du Congrès juif européen Moshe Kantor.

L’invitation faite à Poutine de s’exprimer – et l’absence de discours prévu pour Duda – a été considérée par certains comme le signal qu’Israël se permettait de se laisser entraîner dans le conflit en cours en Europe orientale et centrale sur l’héritage de la guerre. Un responsable israélien a fait savoir, mercredi, qu’une « plateforme d’intervention » avait été offerte à Duda s’il acceptait de venir.

Le président polonais Andrzej Duda (à droite) et le président israélien Reuven Rivlin (à gauche) arrivent à Oswiecim le 12 avril 2018 lors de la Marche des vivants, une marche annuelle de commémoration de l’Holocauste entre les anciens camps de la mort d’Auschwitz et de Birkenau (Janek Skarzynski / AFP)

« C’est de la realpolitik, cela n’a malheureusement rien à voir avec la moralité », estime Grabowski. « La commémoration de la Shoah est utilisée et réutilisée avec abus par le gouvernement israélien, tout comme le font très exactement les gouvernements polonais ou hongrois ».

Les experts clament que les affirmations souvent non basées sur l’histoire sont entraînées par le jeu politique international actuel.

La Russie, qui risque actuellement des sanctions de la part des Occidentaux pour ses agressions contre l’Ukraine et autres méfaits commis à l’international, tenterait de mettre en avant son capital moral en tant que libératrice d’Auschwitz pour se dépeindre comme étant du bon côté de l’Histoire.

Ses voisins, pour leur part, qui craignent une Russie en pleine résurgence et tentent de faire face à leurs propres mouvement nationalistes qui ne cessent de gagner de l’assurance, refusent de laisser la Russie redorer son passé sans rien faire.

Un grand nombre d’anciens pays communistes, qui recherchent à unifier les identités nationales après des décennies de gouvernance communiste, utilisent également la Shoah pour légitimer leurs narratifs – en revoyant souvent le récit historique en leur faveur et en mettant en exergue des personnalités nationalistes qui avaient souvent collaboré avec les nazis dans la résistance contre l’autorité soviétique.

Les propos de Poutine ont fortement contrasté avec ceux du président allemand, Frank-Walter Steinmeier, qui a non seulement reconnu la responsabilité de son pays dans les atrocités de la Shoah au cours de son discours à Yad Vashem mais qui a également détaillé l’échec de l’Allemagne à tirer les leçons du passé.

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier prononce un discours lors du cinquième Forum mondial sur la Shoah au mémorial de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem, le 23 janvier 2020. (RONEN ZVULUN / POOL / AFP)

« Je me tiens devant vous, reconnaissant pour le miracle de la réconciliation, et j’aimerais pouvoir dire que notre souvenir nous a immunisés contre le mal, » a dit Steinmeier. « Oui, nous, les Allemands, nous nous en souvenons. Mais il semble parfois que nous comprenions mieux le passé que le présent. Les esprits du mal apparaissent sous une nouvelle forme, présentant leur pensée antisémite, raciste et autoritaire comme une réponse pour l’avenir, une nouvelle solution aux problèmes de notre époque. »

« J’aimerais pouvoir dire que nous, les Allemands, avons appris de l’histoire une fois pour toutes. Mais je ne peux pas dire cela alors que la haine se répand », a-t-il ajouté.

A LIRE : Texte intégral du discours du président allemand au Forum mondial sur la Shoah

S’exprimant devant les dirigeants internationaux, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a exprimé sa gratitude pour la guerre menée par les Alliés contre les nazis, clamant que le monde avant néanmoins « largement » abandonné les Juifs pendant le génocide. Notant que la leçon d’Auschwitz devait amener à « toujours prendre au sérieux les menaces de ceux qui cherchent notre propre destruction », Netanyahu a évoqué une inquiétude politique actuelle que, selon lui, le monde ne parvient pas à prendre en compte.

« Je m’inquiète que nous n’avons pas encore adopté de positionnement uni et résolu contre le régime le plus antisémite de la planète – un régime qui cherche ouvertement à développer des armes nucléaires et à annihiler le seul et unique Etat juif », a dit Netanyahu, se référant à l’Iran.

Netanyahu a raillé pendant des années les efforts livrés par les Etats-Unis et d’autres puissances internationales majeures de conclure un accord avec la république islamique sur son programme d’armement nucléaire. En 2018, le président américain Donald Trump a retiré les Etats-Unis du pacte sur le nucléaire qui avait été signé trois ans auparavant.

« Israël salue le président Trump et le vice-président Pence pour avoir affronté les tyrans de Téhéran qui soumettent leur propre peuple et menacent la paix et la sécurité du monde entier », a déclaré Netanyahu.

« Ils menacent la paix et la sécurité de tout le monde au Moyen-Orient et de tous ceux qui se trouvent au-delà. J’appelle tous les gouvernements à se joindre à l’effort vital de confrontation de l’Iran », a-t-il ajouté.

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