Michel Garroté — On se souvient de la chanson « Allô Papa Tango Charlie » qui s’achève dans le triangle des Bermudes. Ce matin, mardi 13 janvier 2015, une historienne, spécialiste entre autre de l’islam, m’écrit le message que voici : « Toutes les victimes n’eurent pas la même couverture, l’antisémitisme également fut peu évoqué ainsi que ses victimes. On a l’impression que toute cette farce granguignolesque fut faîte pour réconforter la communauté musulmane, l’assurer de la sollicitude de la nation et se protéger du terrorisme par la présence de ses promoteurs ». Dans ce message, l’historienne en question résume exactement ce que pensent toutes celles et tous ceux qui ne sont pas tombé dans le panneau « Je Suis Charlie ».
Maintenant que la baudruche Charlie se dégonfle tout doucement, des questions restent posées. 1- Au nom de quel groupe terroriste les tueurs djihadistes à Paris ont-ils perpétrés leurs crimes ? L’Etat islamique ? Al-Qaïda ? Est-ce si important que cela de savoir au nom de quel groupe terroriste islamique ils ont tué ? 2- Quel est l’avenir des Juifs de France après les prises d’otages et les tueries récentes en région parisienne ? 3- Les catholiques français vont-ils continuer de se voiler la face (sans jeu de mot islamique) face à la dimension violente et conquérante d’une certaine forme d’islam hermétique à toute réforme ?
Au nom de quel groupe terroriste ?
Dans une vidéo diffusée par le forum djihadiste en langue arabe alptaformmedia.com le 20 décembre 2014, un combattant de l’Etat islamique en cagoule appelait, en français, à « exploser la France ». Extraits : « Faites exploser la France. Réduisez la France en miettes, explosez la tête de ces kouffar. De la même manière qu’ils se permettent de frapper nos sœurs, de la même manière qu’ils se permettent de rendre illicite ce qu’Allah a rendu licite, de la même manière qu’ils empêchent nos sœurs de mettre le niqab, explosez leurs têtes, explosez leurs têtes, que ce soit avec une pierre ou quoi que ce soit. Si t’arrives pas à te procurer un pistolet, y’a des pierres, y’a des couteaux, y’a tout ce qu’il faut. Prenez exemple sur notre frère Mohamed Merah, prenez exemple sur lui et faites exploser leurs têtes, tuez-les. Tuez-les. Où qu’ils soient, tuez-les. Ne les laissez pas vivre en paix ».
De son côté, l’Institut MEMRI signale que le 9 janvier 2015, le compte Twitter « Bakhsarof Al-Yaman » (@ba_yman), affilié à Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), a publié une série de tweets sur la fusillade à Charlie Hebdo à Paris. Selon les tweets, la fusillade a été perpétrée sur les instructions et sous la supervision d ‘AQPA, et la revendication officielle de l’attaque aurait tardé pour des raisons de sécurité. D’après le compte, la France a été choisie comme cible en raison de son rôle manifeste dans la guerre contre les musulmans, et AQPA poursuivra sa politique consistant à « frapper la tête du serpent » – à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.
Bakhsarof Al-Yaman se félicite du succès du magazine en anglais d’AQPA, Inspire, qui encourage les moudjahidines à mener des attaques et à viser des cibles particulières. Le compte mentionne ainsi qu’Inspire avait publié une affiche « Wanted » [recherché] où figurait l’un des caricaturistes tués [le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, alias Charb], et avertit l’Occident de nouvelles catastrophes. Extraits des tweets : Certains partisans s’interrogent sur le lien entre ceux qui ont mené l’attaque de Charlie Hebdo et Al-Qaïda. Un lien direct existe, l’attaque ayant été menée sous la supervision d’AQPA, et les instructions la concernant ayant été délivrées par le siège de l’AQPA.
Ce sont les dirigeants d’AQPA qui ont soigneusement choisi les cibles pour venger l’insulte au Prophète, en particulier en France, au regard de son rôle manifeste dans la guerre contre l’islam et contre les peuples opprimés. L’action se voulait une mise en œuvre de la menace du Cheikh Oussama ben Laden, qui avait averti l’Occident que ses affronts continus aux valeurs sacrées de l’Islam auraient des conséquences, disant : Si votre liberté d’expression est illimitée, vous devriez élargir votre vision pour inclure nos actions punitives.
L’organisation AQPA a tardé à revendiquer sa responsabilité dans l’action suite à des considérations sécuritaires liées à ses auteurs. Cette action transmet de nombreux messages implicites à tous les pays occidentaux : Le premier message est qu’insulter les saintetés de l’Islam et défendre ceux qui se moquent de l’islam coûtera très cher à ces pays et la punition sera sévère et dissuasive. Le deuxième message est que les crimes des pays occidentaux, dirigés par l’Amérique, la Grande-Bretagne et la France, auront un effet boomerang et provoqueront un désastre en leur cœur même. Le troisième message est qu’Al-Qaïda sous Ayman Al-Zawahiri continue de soutenir la politique consistant à frapper la tête du serpent et cette politique continuera de poursuivre son objectif jusqu’à ce que l’Occident se retranche sur lui-même. Le quatrième message est que la politique informative d’Al-Qaïda de motivation des moudjahidines, notamment par le biais du magazine Inspire, a brillamment réussi à déterminer les objectifs et à coordonner les capacités.
Inspire a publié le nom et la photo de l’un des dessinateurs [Stéphane Charbonnier], mentionnant qu’il était recherché mort ou vif par les moudjahidines. Par conséquent, les gouvernements occidentaux doivent s’attendre à d’autres catastrophes et calamités, avec l’aide d’Allah. Enfin, Bakhsarof demande aux frères de traduire ces tweets et de les diffuser au plus grand nombre, conclut l’Institut MEMRI.
Quel est l’avenir des Juifs de France ?
De son côté, le politologue Emmanuel Navon, sur i24news, écrit : Les Juifs français n’ont pas manqué de remarquer que la campagne Je suis Charlie a rassemblé bien plus de hashtags et de manifestants que la campagne Je suis Juif. Pourtant, tant les journalistes de Charlie Hebdo que les clients du supermarché cacher de la Porte de Vincennes ont été assassinés parce que décrétés ennemis de l’Islam, et donc cibles légitimes. Les récents attentats terroristes à Paris n’ont pas seulement rappelé aux Juifs que, lorsqu’il s’agit d’indignation et de rationalisation, toutes les victimes du terrorisme sont égales mais certaines sont plus égales que d’autres. Ces attentats ont également ravivé la vieille controverse entre les dirigeants israéliens et européens sur l’immigration juive (Aliya) en Israël.
En réalité, cette politique ouverte d’Israël d’encourager l’Aliya a toujours provoqué des tensions avec les pays où vivent d’importantes communautés juives. La Déclaration d’indépendance d’Israël stipule que l’État d’Israël sera ouvert à l’immigration juive et au rassemblement des Exilés. Nous lançons un appel au peuple juif à travers la Diaspora pour qu’il s’unisse autour d’Israël et pour qu’il immigre vers la patrie. La Loi du retour d’Israël fait de tout Juif à travers le monde un citoyen israélien potentiel. C’est pourquoi de nombreux pays ont accusé et continuent d’accuser Israël d’ingérence dans leurs affaires intérieures. Pendant la Guerre froide, les appels d’Israël à laisser les Juifs russes partir irritaient les dirigeants soviétiques. Dans les pays libres tels que les Etats-Unis et la France, les Juifs étaient soudains soupçonnés de double allégeance.
Mais quelque chose a changé dans le statut et dans l’avenir des Juifs français et européens. En 2006, le Juif français Ilan Halimi fut sauvagement assassiné par le gang des barbares. En 2012, des élèves de l’école juive de Toulouse furent tués à bout-portant par un islamiste. En 2013, des Juifs furent abattus par un djihadiste au Musée juif de Bruxelles. En 2014, les fidèles de la Synagogue de la rue de la Roquette à Paris échappèrent de justesse à un pogrom. La semaine dernière, des Juifs ont été assassinés dans une épicerie casher à Paris par un terroriste de l’État islamique. C’est un fait qu’au 21e siècle la vie des Juifs est en danger en France et que la cause de ce danger est l’Islam radical. Alors que le gouvernement français fait de son mieux pour protéger physiquement les citoyens juifs, les officiels et intellectuels français refusent d’appeler un chat un chat.
Plutôt que de reconnaître que les Juifs français sont ciblés par l’Islam radical, que l’État français est incapable d’endiguer le terrorisme islamique sur son territoire, et qu’il n’y a qu’en Israël que les Juifs peuvent se défendre contre le Djihad, les intellectuels français conseillent aux Juifs de rester, et accusent même de trahison ceux qui partent. En juin 2014, par exemple, Marek Halter publia une chronique dans Le Monde dans laquelle il affirmait que les Juifs qui quittent la France capitulent devant leurs ennemis.
L’article le plus révélateur et le plus stupéfiant fut cependant celui publié par Christophe Barbier en août 2008 dans L’Express. Barbier y qualifiait l’Aliya des Juifs français de trahison envers la France. Les Juifs, par conséquent, doivent rester en France – mais à condition qu’ils prennent résolument leurs distances avec ce va-t-en-guerre de Benjamin Netanyahou. Autrement dit, les Juifs français qui craignent pour leur vie mais qui partagent les opinions de Netanyahou ne peuvent ni partir ni rester.
Non moins révélatrice est la réaction hystérique et pavlovienne de l’intelligentsia française au nouveau roman de Michel Houellebecq, Soumission. Alors que le livre a le mérite d’aborder l’attrait de l’Islam dans une société décadente qui abandonne progressivement les idées des Lumières, il a été allégoriquement brûlé sur l’autel du politiquement correct. C’est un triste fait que l’intelligentsia française refuse d’aborder le sujet de l’incompatibilité entre l’Islam et les Lumières alors même que les djihadistes éliminent les « infidèles » en plein Paris. Lorsque seuls les Juifs étaient la cible des djihadistes, les Français blâmaient « la politique du gouvernement israélien ». Mais maintenant que la France elle-même est la cible du Djihad, les Français ont le choix entre faire face à la vérité et faire taire ceux qui la disent.
Les Juifs français ne peuvent pas se permettre d’attendre de voir si la France va capituler ou se battre (l’histoire récente indique que ce pays sophistiqué est capable de faire les deux à la fois, tout affirmant n’être que du bon côté). Les Juifs français doivent partir avant qu’il ne soit trop tard. Manuel Valls a raison : la France ne sera plus la France et la République aura échoué si les Juifs français quittent la France. Mais ce sera le problème de la France, et la République sera la seule responsable de son échec, conclut Emmanuel Navon.
Les catholiques français vont-ils continuer de se voiler la face ?
De son côté, le militant catholique Bernard Antony écrit : C’est un immense détournement qui est médiatiquement réalisé, systématiquement et massivement, à l’échelle nationale et occidentale. Comme nous, l’immense majorité de nos concitoyens a été révoltée par les assassinats de ceux de Charlie-Hebdo, de policiers et par ceux encore plus cruels, avec les affres d’une longue angoisse, de ceux de nos compatriotes juifs pris en otages.
Et pour l’immense majorité de cette majorité, c’est évidemment contre le terrorisme djihadiste qu’ils ont marché hier. Ont-ils marché pour faire désormais de Charlie-Hebdo le journal officiel d’un nouvel ordre républicain ? Bien sûr que non ! Beaucoup, sans nul doute, malgré un matraquage historiquement sans précédent, s’apercevront vite de la manipulation. La « manip », c’est Fleur Pellerin, ministre de la culture, qui en a fait l’aveu : « Le gouvernement, a-t-elle dit, s’apprête à débloquer des millions d’euros pour que Charlie-Hebdo, jusqu’ici de plus en plus déficitaire, puisse continuer. » Somme toute nouvel organe officiel de la République plus digne de soins que le vieux J. O. qui désormais ne paraît plus sur papier.
L’hétérotélie, c‘est un phénomène classique de l’histoire. C’est au sens strict le détournement de direction, le détournement d’un mouvement, d’un projet, d’un enthousiasme ou d’une colère collective. Le parfait phénomène hétérotélique auquel nous assistons aura consisté à détourner un immense mouvement contre le terrorisme djihadiste en un coup d’état idéologique visant à imposer « l’esprit Charlie », c’est-à-dire le blasphème comme valeur fondamentale de la République. Car il n’est plus seulement question d’assurer la liberté du blasphème. Il est question d’imposer le culte du blasphème.
Somme toute, le blasphème laïque et obligatoire ; mais pas gratuit, car payé par l’impôt de tous ! Avec, dès l’école maternelle, l’apprentissage des dessins tels que les plus superbes de la meilleure sélection d’obscénités, d’immondices, de graveleux, de pédo-pornographique et scatologique. On y reproduira cette communion selon Charlie-Hebdo : une hostie présentée au bout d’un membre viril… On y reproduira le dessin de ce nu féminin au vagin largement ouvert, avec la légende « la grotte de Lourdes ». Et restons-en là dans un vaste choix des délicats dessins de l’esprit Charlie, fondateur de l’idéologie de la nouvelle République.
Et faut-il oublier le soutien aux groupes de rap d’appel aux viols et aux meurtres ? Mais voilà que désormais, il ne saurait y avoir de liberté d’expression que pour les adeptes de la liberté d’expression selon Charlie ! La liberté, c’est Charlie ou rien ! Eh bien, nous, notre liberté d’expression, c’est de dire le mot de Cambronne à la pseudo-liberté de cette nouvelle dictature totalitaire. On transmettra aussi bien sûr aux petits enfants les articles de soutien aux textes si beaux des groupes de rap appelant au viol et au meurtre.
Mais cependant que les adeptes de droite et de gauche de l’esprit Charlie imposent leur nouvel ordre moral, voilà qu’en réaction aux crimes de « l’islam mains rouges », les frères musulmans et autres salafistes artistes de la taqqiya étendent doucereusement les vastes zones de « l’islam pattes blanches », celui d’une application « modérée » de la charia, lentement mais sûrement, conclut Bernard Antony.
Michel Garroté, Lesobservateurs.ch, 13 janvier 2015
Sources :
http://lagrif.fr/communiques/actualites/415-ni-charlie-ni-charia-coup-d-etat-ideologique