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LES JESUITES (suite), leur activité de loups ravisseurs. La Réforme en Suisse et les réfugiés réformés (2ème partie)

By 3 mars 2015Lève-toi !

 

À la différence de Zwingli et de Luther, Calvin ne fut pas un des instigateurs de la Réforme. Il y avait 19 ans que Luther avait affiché ses thèses à Wittenberg et que Zwingli se revendiquait du texte authentique de la Bible lorsqu’il publia son Institution chrétienne (1536). Il n’en fut pas moins l’un des réformateurs dont l’œuvre exerça l’influence la plus profonde, non seulement en Suisse, sa patrie d’adoption, mais dans tout le monde protestant.

Jean Calvin (forme francisée du latin Calvinus, traduction de Chauvin) était né à Noyon en Picardie, le 10 juillet 1509, d’une famille de petite bourgeoisie. Son père, à la fois procureur fiscal et secrétaire de l’évêque, était chargé des affaires civiles et ecclésiastiques. Il reçut sa première instruction au collège des Capettes (du latin cappa) de sa ville natale ; ses heureuses dispositions lui valurent la faveur de suivre les leçons des enfants de Montmort. Il les accompagna à Paris, en 1523, où il fit ses études classiques, d’abord sous la direction d’un excellent maître, Cordier, qui devait plus tard le rejoindre à Genève, puis au collège Montaigu. Il y subit les influences de Lefèvre et d’Olivétan, humanistes distingués et précurseurs de la Réforme française, et fit la connaissance de Farel, plus âgée que lui et formé au mouvement protestant.

En 1527, son père décida qu’il étudierait le droit. Il se rendit donc à Orléans pour suivre les leçons de Pierre de l’Étoile, puis à Bourges pour écouter André Alcial. Dans cette dernière ville, Melchior Wolmar, originaire de Rottweil sur le Neckar, lui apprit le grec et lui fit connaître les œuvres de Luther.

Calvin avait embrassé la carrière du droit pour obéir à son père. Celui-ci étant mort en 1531, il résolut de se consacrer à la théologie. Il prit son grade de docteur à Orléans, puis revint à Paris. Son ami, le recteur Nicolas Cop, ayant à prononcer le discours d’usage, pria Calvin de l’écrire. Celui-ci en fit une sorte de profession de foi protestante où il représentait le salut comme un don gratuit et non la récompense des bonnes œuvres. Le discours fit scandale et une enquête fut ordonnée. Cop s’enfuit à Bâle. Calvin quitta Paris. Nous ne le suivrons pas dans ses pérégrinations à travers la France. En 1534, il résigna sa cure de Pont-l’Evêque et se rendit à Strasbourg puis à Bâle où il publia son fameux traité de l’Institution chrétienne (1536) dans lequel il exposait sa doctrine.

Après un court séjour à la cour de Ferrare, il revenait à Strasbourg lorsque son ami, Guillaume Farel, le retint à Genève où se déroula dès lors la majeure partie de sa destinée.

Farel, Français et lui aussi originaire de Gap, était le type de l’orateur populaire. Il avait déjà parcouru la Suisse romande annonçant l’Évangile ; chassé une première fois de Genève en 1832, il y revint l’année suivante et recommença sa prédication avec un succès croissant. Une dispute eut lieu en 1535 où Farel et son disciple Pierre Viret eurent le dessus. Des troubles éclatèrent dans la ville. Les Genevois menacés par l’évêque furent secourus par Neuchâtel, et les Bernois occupèrent la ville. Le 21 mai 1536, le Conseil rendait un arrêt instituant la religion évangélique comme obligatoire.

Il s’agissait d’organiser la nouvelle Église. Ce fut l’œuvre de Farel et plus encore celle de Calvin. Elle n’alla pas sans difficultés. Les Genevois, fiers et turbulents, se montrèrent d’abord peu disposés à tolérer les ingérences du nouveau pouvoir religieux dans leur vie privée. Les Libertins, parmi lesquels figuraient les anciens Eidguenots, engagèrent la lutte contre les partisans de Calvin et réussirent en 1538 à élire les syndics. Ceux-ci intimèrent au prédicateur l’ordre de s’en tenir désormais à la religion et de ne pas se mêler de politique. Calvin et Farel ayant refusé de se soumettre, des troubles se produisirent le jour de Pâques 1538. Les deux réformateurs furent bannis. Ils se rendirent ensemble à Bâle d’où Farel gagna Neuchâtel et Calvin Strasbourg.

Leur départ ne mit pas fin aux dissensions. Tout au contraire, les luttes s’envenimèrent. Les partisans de Calvin, ayant repris le dessus et sentant la nécessité d’une énergique direction, rappelèrent leur prédicateur. Après des hésitations, Calvin se décida à revenir à Genève. Le jour de sa rentrée, le Petit Conseil désigna six de ses membres qui furent chargés d’établir l’ordre nouveau de concert avec les ministres. L’avant-projet de Calvin, remanié et amendé, fut ratifié par le Conseil général le 20 novembre, date à laquelle les ordonnances entrèrent en vigueur. Elles établissaient les quatre « offices » : les pasteurs, les docteurs, les anciens et les diacres. Les pasteurs formaient avec les anciens le Consistoire, chargé du gouvernement spirituel de l’Église. Aux diacres incombait la tâche de distribuer les aumônes et d’administrer l’hôpital. Les docteurs composaient « l’ordre des écoles ».

Calvin s’efforça dès lors d’assurer l’application des ordonnances. Il poursuivit rigoureusement les récalcitrants et quiconque attaquait sa doctrine. De ce nombre furent Pierre Ameaulx, Jacques Gruet, Jérôme Bolsec, la famille Favre et le médecin espagnol Michel Servet, brûlé sur le bûcher en 1553 à cause de ses attaques contre le baptême des enfants et la Trinité.

Tous les Suisses n’approuvaient pas ses rigueurs. Le chancelier de Berlin, Nicolas Zurlinden, ami de Calvin lui écrivait : « Je vous avouerai librement que je suis, moi aussi, de ceux qui, par ignorance ou par timidité, voudraient restreindre le plus possible l’usage du glaive pour la répression des adversaires de la foi, même de ceux dont l’erreur est involontaire ». Il opposait à la sévérité des juges de Genève la tolérance du Sénat de Bâle « qui n’a pas voulu prononcer une seule peine capitale pour cause de religion ». « Je doute, écrivait-il encore, que les verges et la hache soient un bon moyen pour réprimer les écarts des esprits. L’homme est ainsi fait qu’il cède plus sûrement à la persuasion qu’à la force, et tel s’est roidi contre le bourreau qui n’eut pas résisté au langage de la douceur. »

À Genève même, les Libertins ou Perrinistes, ainsi appelés parce qu’ils avaient à leur tête le Genevois Ami Perrin, opposaient aux réformateurs une résistance plus ou moins ouverte. Ils s’élevaient en particulier contre l’admission de trop nombreux étrangers, Français réformés pour la plupart, qui venaient chercher à Genève un refuge et grossissaient le parti de Calvin. En 1555, à la suite d’une bagarre, les Perrinistes furent jugés par un tribunal composé en majeure partie de leurs adversaires. Plusieurs d’entre eux, parmi lesquels Daniel Berthelier, fils d’un patriote justement estimé, furent condamnés à morts et exécutés. Ami Perrin réussit à s’enfuir.

A dater de cette époque, Calvin ne rencontra plus d’opposition sérieuse. Il put poursuivre son œuvre et réaliser son plan de gouvernement théocratique. Son parti se fortifia de tous les étrangers dont les admissions devinrent plus nombreuses (65 du 1er octobre 1555 au 1er février 1556 – 84 du 5 mars 1556 au 5 février 1557 – et il ne s’agit, dans ces chiffres, que les admissions à la « bourgeoisie », le nombre des « réfugiés » admis à l’habitation dut être beaucoup plus élevé).

Sous la direction de Calvin, Genève devint une ville puritaine. La vie privée des citoyens faisait l’objet d’une étroite surveillance. La réglementation s’étendait jusqu’aux détails de la vie quotidienne : habillement, repas, jeux, etc. Calvin surveillait lui-même l’application de ses ordonnances. Doué d’une puissance de travail extraordinaire, se vouant tout entier à sa mission, il trouvait le temps de prêcher chaque jour, d’enseigner la théologie à l’Académie qu’il avait fondée, d’écrire des traités, des œuvres de polémiques, d’entretenir avec tout le monde protestant une abondante correspondance. Car son action ne se limitait pas à Genève : il guidait et soutenait dans leur lutte des protestants de France. La doctrine se répandait en Écosse, aux Pays-Bas, plus tard au Canada, aux États-Unis, en Australie.

Il avait réussi, à la fin de sa vie, à faire de Genève la « Rome protestante ». Il s’éteignit le 27 mai 1554, « ayant pu parler intelligiblement jusqu’à la fin, dit Théodore de Bèze, en plein sens et jugement, paraissant plutôt endormi que mort. Il fut porté, à la manière accoutumée, comme il l’avait ordonné, au cimetière commun appelé Plain-Palais, sans pompe ni appareil quelconque ». Son collaborateur et ami Farel mourut l’année suivante à Neuchâtel où il avait été appelé comme pasteur lors de son exil de Genève.

Calvin eut pour successeur Théodore de Bèze, Français lui aussi, mais d’un caractère tout différent. Sa tolérance lui gagna la sympathie des Genevois. Il fut le premier recteur de l’académie de Genève et mourut en 1505.

À l’époque de Calvin, Pierre Viret, réformateur vaudois, organisait à Lausanne l’Église réformée, partageant son temps entre ses fonctions de pasteurs et celles de professeur à l’Académie. Des difficultés avec Berne l’obligèrent en 1559 à quitter Lausanne pour se réfugier à Genève. Jeanne d’Albret, mère d’Henri IV, l’appela en 1567 à Orthez où il enseigna la théologie jusqu’à sa mort survenue en 1571.

L’année même de la mort de Calvin, les Bernois concluaient avec la catholique Savoie le traité de Lausanne qui restituait à celle-ci le Chablais occidental et le pays de Gex mais réservait le pays de Vaud.

Les événements de France (Nuit de la Saint-Barthélemy, 1572) eurent ensuite un pénible retentissement. Les réformés français vinrent en grand nombre chercher refuge dans la Suisse protestante. Celle-ci n’était pas à l’abri de la réaction. On a vu à propos de la Réforme en Italie quelle action exerça Charles Borromée (affaire de la Valteline). Ce fut lui qui fit introduire à Lucerne et à Fribourg l’ordre des Jésuites. Les cantons catholiques conclurent, deux ans après sa mort, la « Ligue Borromée » ou « Ligue d’or » (1586) par laquelle ils s’engageaient à protéger la foi catholique. Pour éviter dans l’Appenzell une lutte sanglante, on dut procéder à un partage en deux demi-cantons (Rhodes extérieurs qui comprenaient les protestants, et Rhodes intérieurs, les catholiques, 1597).

Malgré le traité de Lausanne, le duc de Savoie n’avait pas renoncé au pays de Vaud. En 1588, sous le règne du duc Charles Emmanuel, une conspiration fut ourdie à Lausanne dans laquelle figurait le bourgmestre, les magistrats de la ville et quelques nobles. Elle fut découverte à temps par un gentilhomme vaudois dévoué à la Réforme : Claude de Cronzac. Quelques-uns des conjurés furent arrêtés et mis à mort. Berne et Genève entrèrent en lutte avec la Savoie. La paix ne fut rétablie qu’en 1601 grâce à l’influence d’Henri IV favorable aux protestants et à Genève. Une nouvelle tentative fut faite en 1602 par le duc de Savoie pour s’emparer de Genève par surprise (l’Escalade). La ville fut sauvée par la vigilance et l’héroïsme de ses habitants. Elle reçut des secours de Berlin et de Zurich, et trouva la sympathie de toutes les puissances protestantes. L’intervention de Zurich força le duc à conclure, en 1603, la paix de Saint-Julien qui garantissait l’indépendance des Genevois et leur assurait des avantages commerciaux.

La lutte entre catholiques et protestants se poursuivit au cours du XVIIe siècle. Dans le Valais, les réformés durent revenir au catholicisme ou quitter la contrée. Dans le canton de Schwytz la loi punissait de mort les propagateurs de la Réforme. Des familles du bourg d’Arth, qui pratiquaient en secret le culte protestant, furent dénoncées au gouvernement qui fit occuper la localité. On arrêta les protestants et quatre d’entre eux furent exécutés. On confisqua les biens de ceux qui s’étaient enfuis à Zurich.

Cette confiscation fut l’occasion d’une guerre entre Schwytz d’un côté et Zurich et Berne de l’autre. Les troupes protestantes peu disciplinées furent défaites à Villmergen en 1656. Une paix conclue peu de temps après attribua à chaque canton la souveraineté en matière religieuse. Une seconde lutte eut lieu au siècle suivant, à Villmergen, entre catholiques et protestants. Les démêlés des habitants du Toggenbourg avec l’abbé de Saint-Gall en furent la cause. Les protestants lui reprochaient en particulier son intolérance. Zurich et Berne se rangèrent du côté des protestants du Toggenbourg tandis que Lucerne et les petits cantons appuyèrent l’abbé de Saint-Gall. La bataille décisive se livra en 1572 à Villmergen. Elle fut sanglante et se terminera à l’avantage des protestants.

Ceux-ci regagnèrent le terrain qu’ils avaient perdu depuis Kappel. Les habitants du Toggenbourg continuèrent, il est vrai, de relever de l’abbé de Saint-Gall, mais ils obtinrent la liberté religieuse.

Le nombre des protestants suisses s’était accru au XVIIe siècle des nouveaux réfugiés français chassés par la révocation de l’Édit de Nantes. On estime à 60 000 ceux qui vinrent se fixer à Genève, dans le pays de Vaud et à Neuchâtel. Ils appartenaient pour la plupart aux classes intelligentes et laborieuses. En retour de l’hospitalité qui leur était offerte, ils apportaient l’appoint de leur activité et contribuèrent à développer le commerce et l’industrie de leur pays d’adoption.

 

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