Amoureux déclaré d’Israël, observateur attentif de la vie politique, Gilles-William Goldnadel a accepté de répondre à nos questions sur la prochaine élection israélienne.
Gilles-William Goldnadel, vous suivez les élections israéliennes. Pour quelle raison ?
Un personnel politique qui n’est même pas à la hauteur du personnel politique français…
J’ai toujours porté un jugement sévère sur le système politique israélien et principalement le mode de scrutin à la proportionnelle intégrale. Il débouche sur le recrutement d’un personnel politique qui n’est même pas à la hauteur du personnel politique français…
Tout ce qu’on demande à un futur député à la Knesset, c’est de savoir se placer dans le haut de la liste, ce qui requiert davantage de compétence d’apparatchik, souvent servile, que de qualités intellectuelles ou morales. Tant que le vivier politique était principalement puisé au sein des kibboutzim et de l’armée, ce n’était pas grave. Depuis la professionnalisation de la vie politique, on arrive à un recrutement rien moins que médiocre.
C’est sur cette base sévère d’observation, que je juge aujourd’hui l’offre politique israélienne.
Dans ce paysage selon moi dévasté, seul à mon sens, en tout cas principalement, la figure de l’actuel premier ministre israélien se dégage.
Benjamin Netanyahou me parait le seul au sein de cette offre médiocre, qui présente au regard de la culture politique, du caractère et de l’expérience, les garanties nécessaires à ce que Israël soit défendu à la fois avec pugnacité et intelligence.
Je sais bien que le jugement de valeur que je viens de porter, n’est pas majoritaire au sein du public français, tant le Netanyahou bashing, pour reprendre une expression galvaudée, est général au sein de la classe politique et médiatique française. Il est vrai aussi qu’en Israël, la presse largement dominée par le gauche, et en raison de l’usure fatale de l’exercice du pouvoir, n’est pas la plus amène à l’égard de Benjamin Netanyahou.
Je ne prétends au demeurant pas être totalement objectif puisque j’entretiens avec lui des relations amicales anciennes.
Il n’en demeure pas moins que si je veux bien m’essayer à l’objectivité, le bilan de Benjamin Netanyahou est relativement flatteur compte tenu de l’équation impossible qui est la sienne, et pour laquelle je pose pêle-mêle, les rapports avec le monde arabe, les rapports avec la Maison Blanche, les rapports avec un peuple israélien difficile, le système politique et médiatique israélien sur lequel je vous ai dit précédemment comment je le vois, et peut-être surtout, la détestation pathologique d’Israël en Europe notamment, où tous les premiers ministres israéliens qui se sont succédés et dont la marge de manœuvre est finalement extrêmement étroite, ont connu le dénigrement systématique.
On a évidemment en France la mémoire courte, mais après la signature d’Oslo qui a valu à Yitzhak Rabin 15 jours de popularité en Europe, son devoir de lutter contre les attentats du Hamas lui a valu une impopularité totale. Quand la presse expliqua qu’il fallait « comprendre » qu’Arafat ne pouvait décevoir les Palestiniens, j’ai été obligé d’écrire un article, « SOS Rabin », pour rappeler à l’opinion qu’on devait au moins autant de compréhension à Rabin qu’à monsieur Arafat.
Comment expliquer que l’apparent succès de son mandat se termine par une chute dans le derniers sondages, au point que Isaac Herzog est crédité de quatre sièges de plus que lui ?
Netanyahou est un pragmatique, il l’a prouvé dans son discours de Bar Ilan, dans lequel il avait reconnu la légitimité et la nécessité d’une Palestine à deux Etats
Contrairement à ce que beaucoup pensent, Netanyahou est un pragmatique, il l’a prouvé dans son discours de Bar Ilan, dans lequel il avait reconnu la légitimité et la nécessité d’une Palestine à deux Etats.
Ce qu’il a fait dans le cadre de sa récente visite aux États-Unis est particulièrement remarquable, et il faut être la presse française pour ne pas l’avoir reconnu et avoir même masqué les compliments qu’il a reçu, tant du Washington Post que du New York Times.
Pour répondre à votre question, je vous l’ai dit, l’usure de l’exercice du pouvoir est une réalité dans tous les pays. Churchill et de Gaulle l’ont connue, je ne vois pas pourquoi Benjamin Netanyahou dérogerait à cette triste règle.
Ceci posé, je pense que c’est une grande tentation qu’ont les peuples, en ce compris le peuple israélien, de s’imaginer qu’ils ont la possibilité de changer les choses par leurs propres actions. Or la réalité de la question israélo-palestinienne telle que je la vois, c’est qu’en l’absence d’un partenaire palestinien sérieux, un règlement actuel dans le cadre d’un Proche-Orient en feu serait ni plus ni moins que suicidaire, et les travaillistes que je ne considère tout de même pas comme des insensés, ne le savent pas moins que les autres.
Selon vous, à l’issue du vote, que la gauche ou la droite – Netanyahou ou le duo Herzog Livni – arrive au gouvernement, cela n’aura pas grand effet sur la politique étrangère, la Judée Samarie, la division de Jérusalem, la situation du Golan, voire même la sécurité intérieure ?
Les gouvernements de gauche, que ce soit Rabin, Perez, Barack ou Olmert, se sont tous heurtés à l’irrédentisme palestinien
Je vous l’ai dit, la marche de manœuvre de tout gouvernement israélien est plus qu’étroite. Au demeurant, vous observerez que les gouvernements de gauche, que ce soit Rabin, Perez, Barack ou Olmert, se sont tous heurtés à l’irrédentisme palestinien. En conséquence, je n’ai aucun doute sur ce sujet, et j’irai même plus loin. Le seul qui aurait pu, ou qui pourrait peut-être négocier en position de force, en position crédible, serait un Israélien à la fermeté indiscutable.
Obama est généralement considéré comme n’étant pas le meilleur ami qu’Israël ait connu parmi les présidents américains ces dernières années. Il a clairement demandé qu’Israël se retranche derrière les frontières qui existaient avant 67. Il a demandé la division de Jérusalem. Beaucoup pensent que seul Netanyahou à l’expérience et la stratégie pour contrer les avancées de Obama. Obama ne s’y trompe pas, puisqu’il a envoyé ses équipes électorales de l’organisation V15 pour peser sur l’élection, et faire échouer Netanyahou. Dans ce contexte, le parti Union sioniste ne serait-il pas plus perméable aux demandes d’Obama ?
La politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient aurait été fatale à Israël s’il n’y avait pas eu quelqu’un pour lui tenir tête
Vous avez le sens de l’euphémisme ! La politique étrangère d’Obama, et notamment au Proche et Moyen-Orient est calamiteuse. Elle a failli être fatale à l’Égypte, elle l’a été en Syrie et en Libye, en Irak, et elle le serait également, et de manière dramatique et sans doute mortelle, en Israël s’il n’y avait pas eu quelqu’un pour lui tenir tête, même si c’était pour Netanyahou loin d’être un plaisir, car aucun premier ministre israélien ne tient tête sans raison au président d’un pays qui a tant de liens avec l’Etat juif.
Cela étant, je pense qu’il était nécessaire et sans doute existentiel de le faire, quoi qu’en disent les travaillistes, et j’attire votre attention sur le fait que contrairement avec ce qui s’écrit avec distraction et légèreté dans une certaine presse, ce n’est pas la première fois qu’un premier ministre israélien est contraint de dire non à un président américain.
D’autre part il s’agit, dans la présente espèce, d’un président américain qui n’a plus sa majorité parlementaire derrière lui.
Par conséquent dire que le premier ministre israélien tient tête aux États-Unis, est politiquement et juridiquement inepte.
Je veux, avec logique et objectivité relativiser ma crainte, parce que je pense encore une fois que ni Herzog ni Livni, ne sont prêts non plus à sacrifier l’Etat d’Israël. Donc je ne crois pas que si, comme je le regretterai, ils étaient portés au pouvoir, ils saborderaient les intérêts d’Israël. Mais je leur reproche simplement de faire croire à une partie de l’électorat israélien naïf, qu’avec eux, ça sera plus facile, que ça sera mieux. Je pense que ça sera malgré tout, pire.
La gauche a amené l’élection, le cœur de l’élection, sur le sujet du coût de la vie et de ce qui semble apparemment en être la cause, c’est à dire les monopoles que Netanyahou avait promis de démanteler. De toute évidence, il n’y est pas arrivé. Est-ce que la gauche a des chances ou des vraies volontés de s’en prendre aux monopoles et aux cartels qui sont aux mains de familles dont les appartenances et les amitiés à gauche ne sont un secret pour personne ?
Je ne prétends pas être un grand spécialiste de l’économie israélienne et de ses problèmes sociaux. Je veux bien donner acte à la critique de la gauche israélienne, et d’une grande partie de la population, que la politique sociale du gouvernement de Netanyahou soit critiquable, puisque les problèmes de logement et de disparité sont réels, et il est de bonne guerre pour la gauche de le faire valoir, d’autant plus, comme je viens de vous le dire, elle ne peut prétendre à changer véritablement la donne en matière de politique sur le terrain israélo-palestinien.
Donc toutes les critiques à l’égard de la politique étrangère de Benjamin Netanyahou, que ce soit avec les Palestiniens et même avec l’Iran, sont à mes yeux assez irresponsables.
Sur le terrain social, j’attire votre attention sur le fait que Benjamin Netanyahou doit penser en son for que les scories de cette situation sont le lourd prix à payer de la politique libérale qu’il a menée, et qui a débouché, si l’on veut être honnête, sur une réussite économique et financière israélienne indubitable qui ferait rougir de jalousie et de honte les actuels amis français de monsieur Herzog.
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