Image : Char américain aux mains des milices chiites ou Hezbollah irano-irakien. Bloomberg a pourtant publié une photo récupérée sur Facebook et montrant un milicien chiite, debout sur un tank américain de type Abrams drapé des couleurs du Hezbollah, le mouvement politique islamique et chiite libanais considéré comme une « organisation terroriste » par le gouvernement américain.
Opinion |
Les Kurdes ont-ils raison de s’inquiéter de l’implication iranienne en Irak?
Depuis les tout débuts du combat contre l’Etat Islamique, l’Iran se retrouve sur les lignes de front en Irak. Téhéran fournit des armes aux forces irakiennes. Des conseillers militaires iraniens sont présents auprès des milices et de l’armée irakienne, dessinent les plans de bataille et mènent le combat sur le terrain. De façon plus importante, l’Iran a été à l’orignie de la création des milices chiites modelées sur le schéma des forces des Bassijis et du Hezbollah. Les responsables iraniens n’hésitent pas à revendiquer cette initiative.
L’un des plus importants généraux d’Iran, Hamid Taqavi a été tué à Samarra en décembre. On a aperçu le Général Qassem Souleimani marchant au milieu de l’armée irakienne et des milices, aux portes de Tilrit, cette semaine. Et, en décembre, le groupe Mujahedin-e-Khalq (opposition anti-Mollah) a affirmé que 7.000 Iraniens combattent actuellement en Irak.
On peut faire différentes interprétations de cette implication de grande envergure de l’Iran, sur des terres qui, historiquement ne sont pas les siennes. Certains affirment que ce serait juste pour repousser l’Etat Islamique loin de ses propres frontières. D’autres ont dit que l’Iran veut aider ses frères chi’ites. Pourtant, d’autres appelle cette intervention une compétition entre les USA et l’Iran pour l’influence sur la totalité de l’Irak.
Tout cela peut être vrai, à la fois. Mais, il y a une autre raison majeure de cet investissement iranien dans cette guerre, qui consiste à préserver l’intégrité territoriale et d’éviter son morcellement. Les responsables iraniens eux-mêmes attestent de cette idée. Le conseiller du Président d’Iran et ancien Ministre des renseignements a déclaré, la semaine dernière, que l’Irak fait partie de l’Iran et que ce pays ne peut être divisé. Le commandant principal iranien Hossein Hamadani a dit, l’été dernier qu’il n’y avait que l’Iran qui empêchait la partition de l’Irak et de la Syrie.
Même l’ancien chef des renseignements militaires irakiens, Wafiq al-Samarrai a déclaré cette semaine, que l’Iran était, désormais devenu très populaire en Irak, parce qu’il combat pour cette intégrité territoriale de l’Irak. « Si l’Iran continue de préserver l’Irak de sa désintégration en différentes régions, je jure devant Allah que même les Baathistes et les Nationalistes finiront par nous soutenir », a déclaré Samarraï devant la TV Al-Arabiya (saoudienne). « Ce qui est important, c’est l’unité de l’Irak ».
Cette idée de la partition de l’Irak est sur la table depuis de nombreuses années, aussi la question qu’on doit formuler est : pourquoi l’Iran s’en inquiète autant, à présent? La première réponse, c’est l’Etat Islamique. Plus longtemps l’Etat Islamique demeurera en Irak, plus ce pays sera proche de la partition. En fait, dès que Daesh s’est emparé d’une partie du coeur du pays, l’an dernier, la question de la division de l’Irak en trois états a, de nouveau, été soulevée et de façon plus sérieuse que jamais.
Les Kurdes se sont rendus compte que l’Irak se trouvait, pratiquement, divisé en trois Etats. Ils ont affirmé qu’il leur était impossible de rester partie intégrante de l’Irak, alors qu’en réalité, ils se trouvaient séparés de cet Etat par le surgissement de ce groupe terroriste. Le Président kurde Barzani a évoqué un référendum sur l’Indépendance et il semblait que tout le monde (au Kurdistan) était d’accord avec ce projet. Il devenait techniquement impossible de demeurer partie intégrante de l’Irak, alors que vous ne pouviez que prendre l’avion pour survoler le territoire de l’Etat Islamique.
Aussi la présence de Daesh dans le centre de l’Irak rendait la partition inévitable, plus proche de la réalité et c’est à ce moment-là que l’Iran a commencé à sentir le danger. La guerre des Kurdes contre l’Etat Islamique a, en définitive, mis un terme (provisoire?) à ce projet de Référendum, mais elle ne l’a pas définitivement tué. Les dirigeants kurdes et les gens ordinaires ont dit que, lorsque leur guerre contre Daesh serait terminée, ils relanceront cette idée d’Indépendance.
Mais actuellement, l’Iran semble travailler très dur pour faire avorter ce plan. Les Kurdes veulent seulement expulser Daesh de leur territoire, mais l’Iran veut le chasser de tout l’Irak, de telle façon que les Kurdes n’aient plus cette excuse du risque que cela représente. Si l’Etat Islamique s’en va, les Kurdes ne seront plus en mesure de dire qu’il est temps qu’ils se séparent de l’Irak. De façon plus importante, Bagdad a offert sa reconnaissance pleine et entière à ces milices chi’ites, de telle façon que, si elles apparaissent (comme c’est le cas) aux frontières du sud de la Région du Kurdistan, les Kurdes ne puissent pas dire qu’ils ne négocient ni de parlent à des milices illégales.
On comprend donc que l’une des cibles de l’Iran, ce sont les Kurdes, au moins autant que l’Etat Islamique. C’est Téhéran qui remet sur pieds Bagdad et dans une position de marchandage bien meilleure qu’auparavant. En cas d’expulsion de Daesh, Bagdad ne sera plus disposé à discuter de quoi que ce soit en matière d’indépendance du Kurdistan : déjà, puisque la tendance semble s’inverser dans les provinces de Diyala et Sallahadin, les dirigeants irakiens ont renié tous leurs accords avec Erbil.
Kurdes de Syrie (Rojava) dans les contreforts de Tal Tamis, après la reconquête de Tal Hamis.
Dans un tel scénario, où l’Iran est claiurement en train de devenir le maître de l’Irak pour de très nombreuses années, la plus forte monnaie d’échange dont disposent les Kurdes, c’est leur unité. Les Peshmergas continuent de s’attirer le respect du monde et la guerre contre l’Etat Islamique les a revigorés. Mais les cercles dirigeants kurdes doivent transformer cette force en une armée nationale rattachée à un commandement central. Pour traiter en bonne position avec Bagdad, après l’Etat Islamique, les Kurdes doivent marquer leurs nouvelles frontières, conserver Kirkouk (que les milices chiites voudraient récupérer) et toutes les zones qu’ils ont reconquises et ne jamais céder un pouce de territoire kurde dans n’importe quelle négociation avec Bagdad.
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Souleimani, chef des forces Al Qods iraniennes, sur le terrain avec Abu Azra’il, ou “Le père de l’Ange de la MORT” (à DROITE):
Ammar al Hakim, chef du Conseil Suprême Islamique d’Irak avec Hadi al Ameri, chef des Brigades Badr (Hezbollah irakien) en train de palnifier la bataille deTikrit.