Le glas financier américain a sonné
Pékin entend bien ne pas en démordre avec la création d’un système monétaire international censé renverser la suprématie bancaire américaine.
Aujourd’hui ce primat de Washington repose sur le fameux pétrodollar qui reste la seule entité viable dans un monde d’après Bretton Woods. Une autre réalité est celle du redoutable SWIFT, virement interbancaire transitant par les systèmes de gestion des bases de données du Nouveau-Monde. Cela veut dire que toutes les transactions de la planète Terre se trouvent aujourd’hui sous la férule américaine.
Les Chinois, avec la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), en passe de devenir opérationnelle, ont décidé de renverser cette situation en créant un autre système des virements ce qui, bien évidemment, est fermement soutenu par moult pays faisant partie de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS).Comme toujours, en bon secouriste, Jacques Sapir est là pour décrypter les pensées hermétiques de la nébuleuse de la haute finance planétaire.
Sputnik. Saurait-on s’émanciper du système imaginé et peaufiné par les Américains ou on sera éternellement obligé de vivre dans la pax americana financière états-unienne?
Jacques Sapir. Je pense qu’il y a là deux problèmes majeurs. Le premier, et vous l’avez bien dit, c’est l’utilisation d’un nouveau système de paiement qui sera basé sur une grande banque que la Chine vient de constituer; Cette banque d’investissement pour les pays alliés et autour de laquelle va se développer un système de paiement qui est une alternative aux Américains.
Oui, cela est un progrès extrêmement important pour l’ensemble de transactions internationales, car cela va permettre à tous les pays de ne plus dépendre d’un système qui est, certes, pas américain, mais qui est largement dominé par les intérêts anglais et américains.
Maintenant peut-on dire que la mise en place d’un système alternatif à SWIFT va être une réforme générale du système monétaire international? Je pense que c’est aller un peu vite en besogne et que, en réalité, le système monétaire international repose essentiellement sur le fait que c’est le dollar qui reste encore aujourd’hui la principale monnaie de réserve.Tout le monde est d’accord pour dire qu’aujourd’hui ce système monétaire international qui fonctionne avec cette dominante qui est le dollar, n’est pas un bon système.
Mais aujourd’hui aussi il faut reconnaître que l’euro n’a pas réussi sa percée au niveau international, car il se situe au niveau de 22-24% des réserves des banques centrales. Le dollar est très largement au-dessus de 60%. Et ce qu’on appelle les petites monnaies ou les nouvelles monnaies comme, par exemple, le dollar canadien ou celui de Singapour, le franc suisse ont augmenté. Elles représentaient, il y a quelques années à peu près, 4,5% des réserves mondiales. Aujourd’hui elles sont au niveau de 10%; néanmoins on voit bien que c’est toujours le dollar qui joue un rôle dominant dans le système monétaire international; Et donc il va falloir poser le problème général, car sans une décision qui serait l’équivalent du choix de l’ensemble des pays, il est impossible pour un pays de changer unilatéralement cette situation.
Commentaire. Le glas de la puissance américaine semble être définitivement sonné. On ne peut plus espérer la croissance d’Outre-Atlantique, car, aux problèmes de l’endettement intérieur astronomique, vient se greffer la perte de vitesse pour le PIB provisoirement dopé par le gaz de schiste. Le chiffre est en train de retomber au niveau du plancher des vaches et l’avenir déchante cruellement. Pour ceux qui s’en doutent, il n’y a qu’à visiter Detroit qui fut jadis le fleuron de la pensée industrielle américaine; Maintenant des bandes dépenaillées latino-afro-américaines gambadent joyeusement dans les décombres d’un centre-ville sans eau potable et électricité; Les immeubles à l’abandon sont bradés pour un dollar symbolique et le métro ne marche plus. Il semblerait que les Chinois ont bien choisi le moment pour porter le coup de grâce à l’Oncle Sam.