Le 16 juin, la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’homme a publié deux jugements dans deux dossiers importants dans les suites du conflit entre la République du Nagorno-Karabakh, l’Armenie et l’Azerbaïjan : les affaires Chiragov et autres c. l’Arménie et Sargsyan c. Azerbaïdjan.
Richement détaillés, ces deux jugements soulèvent des points très importants de droit international.
L’un d’entre eux concerne d’une manière surprenante, Israël, la Cisjordanie et Gaza. La Cour a en effet (implicitement) décidé que Israël n’est pas la force occupante de Gaza, et que la Cisjordanie n’étant pas un Etat, il n’y a pas d’occupation.
Démonstration :
Dans les deux affaires, il s’agit de personnes déplacées qui n’ont pu avoir accès à leur propriété. Le cas Sargsyan concerne le refus du demandeur du droit au retour dans son village de Gulistan, situé sur le territoire de l’Azerbaïjan, tout près de la zone de contact entre l’Azerbaïjan et les forces séparatistes de la République de Nagorno-Karabakh.
Pour le gouvernement Azerbaijani, le village n’est pas sous le contrôle de l’Azerbaïjan. De plus, il est miné, et inaccessible à la population civile.
En fait, lorsqu’il a ratifié la Convention européenne, l’Azerbaïjan a fait la déclaration suivante (paragraphe 93 du jugement):
La République d’Azerbaïjan déclare ne pas être en mesure de garantie l’application des règlementations de la Convention dans les territoires occupés par la République d’Arménie, tant que ces territoires ne seront pas libérés de cette occupation.
Suivent les observations de la Cour sur le « droit international applicable »(paragraphe 94):
L’article 42 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye, 18 octobre 1907, ci-après « le Règlement de La Haye de 1907 ») définit l’occupation belligérante comme suit :
Il y a donc occupation au sens du Règlement de La Haye lorsqu’un État exerce de fait son autorité sur le territoire ou sur une partie du territoire d’un État ennemi
« Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer. »
Il y a donc occupation au sens du Règlement de La Haye de 1907 lorsqu’un État exerce de fait son autorité sur le territoire ou sur une partie du territoire d’un État ennemi.
La Cisjordanie, autrement dit la Judée Samarie n’étant pas un Etat, toute référence à une occupation, et à la violation du droit international n’est que propagande.
La Cour poursuit :
On considère qu’un territoire ou une partie d’un territoire est sous occupation militaire lorsque l’on parvient à démontrer que des troupes étrangères y sont présentes et que ces troupes sont en mesure d’exercer un contrôle effectif, sans le consentement de l’autorité souveraine. La plupart des experts estiment que la présence physique de troupes étrangères est une condition sine qua non de l’occupation, autrement dit que l’occupation n’est pas concevable en l’absence de présence militaire sur le terrain ; ainsi, l’exercice d’un contrôle naval ou aérien par des forces étrangères opérant un blocus ne suffit pas.
Gaza n’est donc pas non plus une zone occupée par Israël.
Dans ses appréciations, la Cour complète les raisons pour lesquelles la Cisjordanie n’est pas un territoire occupé :
144. La Cour note que d’après le droit international (en particulier l’article 42 du règlement de La Haye de 1907), un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité d’une armée ennemie, et l’on considère communément que « l’autorité de fait » se traduit par l’exercice d’un contrôle effectif et requiert des éléments tels que la présence de troupes étrangères en mesure d’exercer pareil contrôle sans le consentement de l’autorité souveraine.
« L’autorité de fait » est le gouvernement palestinien placé sous l’autorité du président Mahmoud Abbas qui « assure le contrôle effectif » de la région. La présence de l’armée israélienne est assurée « avec le consentement de l’autorité » palestinienne. Enfin, il n’existe pas « d’autorité souveraine ».
Pour la Cour européenne des Droits de l’homme, les conditions d’une occupation ne sont pas remplies concernant la Cisjordanie au regard de l’article 42 du règlement de La Haye.
Il semble évident que les juges de Strasbourg n’avaient pas à l’esprit que l’abondance de détails et de références au droit international de leur conclusions ont des implications sur le statut légal de la Cisjordanie et Gaza, en dehors de toute la dialectique de propagande mentionnant les mots colons, colonies, occupation, dont les fondements juridiques volent ici en éclat.
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