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Analyse: Une Egypte rechargée à bloc (i24news)

By 11 août 2015mai 3rd, 2020Etz Be Tzion

Pour le Caire, le nouveau Canal est une source d’emplois ; pour Israël c’est un autre signe de paix

Des millions d’Egyptiens ont regardé la semaine dernière le « Mahrousa », le yacht présidentiel, traverser l’extension nouvellement inaugurée du canal de Suez, se demandant comment ce nouveau chapitre de l’histoire du canal changerait leur vie. Le présentateur de la première chaîne égyptienne a rappelé que le « Mahrousa » avait été le premier voilier à franchir le canal de Suez en 1869, lors de son inauguration par Khediv Ismaïl, dirigeant de l’Egypte issu de la dynastie de Muhammad Ali, qui rêvait des grands chantiers pharaoniques. Ismail a cependant rapidement contracter d’énormes dettes. L’Egypte a perdu son indépendance et n’a enregistré que très peu de recettes avec le Canal jusqu’à la révolution des officiers libres en 1952. Gamal Abdel Nasser, devenu président en 1954, décida de nationaliser le canal, fruit du travail égyptien, et la crise de Suez éclatait fin octobre 1956. Nasser a émergé de cette crise en héros national et en leader fort du monde arabe, sur-estimant les possibilités de son armée.

Aujourd’hui, Abd Fattah al-Sisi a présenté son grand succès: une nouvelle voie navigable dans le canal de Suez, qui va permettre à davantage de navires de le traverser et qui va réduire de manière significative le temps d’attente. En 1869, il avait fallu 10 ans pour effectuer les travaux sur le canal, alors qu’en 2015, il a fallu seulement 12 mois. En fait, al-Sisi a demandé d’accélérer les travaux prévus pour durer 3 ans en augmentant le budget et l’énorme chantier a été terminé à temps. Il s’agit d’un exploit en soi dans un pays où de nombreux projets nationaux importants ont pris beaucoup beaucoup de retard. Le slogan qui prévalait dans les médias égyptiens était que la nouvelle voie consistait en un « cadeau égyptien au monde », mais tout d’abord un cadeau de l’Etat égyptien à son peuple.

Lorsque le canal de Suez a été inauguré en 1869, il est apparu comme une révolution qui venait transformer le commerce mondial en réduisant la distance de voyage entre l’Europe et l’Asie de moitié. Aujourd’hui, la nouvelle voie est plutôt un développement sensationnaliste, mais elle demeure très importante pour l’Egypte et les Egyptiens, car elle permettra de créer des centaines de milliers d’emplois. Outre la voie elle-même, le projet comprend la création de dizaines de zones industrielles. Si l’Egypte développe l’industrie de construction de conteneurs, elle profitera du flux constant de devises fortes et, bien sûr, al-Sisi a bon espoir que davantage de navires utiliseront le Canal, dépassant le chiffre d’affaires actuel d’un milliard de dollars.

Il y a aussi un avantage non mesurable, mais important: le prestige national. Alors que le rôle de l’Égypte en tant que leader régional traditionnel est contesté par plusieurs joueurs, à la fois arabes et non-arabes, comme le Qatar, la Turquie et l’Iran, que des États-nations à proximité s’écroulent et que le terrorisme islamique hisse son noir drapeau dans le Sinaï et tue des centaines de soldats égyptiens, un projet national titanesque (et réussi) est exactement ce qu’il fallait pour remonter le moral des Egyptiens. L’Egypte recharge ses batteries et redevient un leader influent. En fait, ce qu’al-Sisi a fait au cours de la première année de son règne se résume à: l’amélioration des routes dans tout le pays, l’envoi de troupes au Yémen et le bombardement des positions des extrémistes en Libye. Il a tendu la main à la Russie et à la Chine, tout en gardant des options en Occident. Signe de cette politique, al-Sissi a invité le président français François Hollande et le Premier ministre russe Dmitri Medvedev au gala d’inauguration. Al-Sisi, dépeint pendant sa campagne présidentielle l’année dernière comme quelqu’un qui porte tout le poids du monde sur ses épaules, se voit en effet comme la seule puissance qui peut créer, construire et réformer tandis que les autres brûlent et détruisent.

Il semble que pour l’instant, sa stratégie ait été très efficace, au moins pour une grande partie de la population égyptienne. Les réductions des subventions pour le carburant et l’augmentation des impôts n’ont pas engendré d’agitation sociale comme on s’y attendait. Beaucoup d’Egyptiens considèrent maintenant la stabilité comme leur première priorité. Pourtant, les réformes nécessaires dans les domaines de l’éducation et de la santé sont encore attendues, tandis que la sécurité reste toujours le plus grand défi posé à al-Sisi et son régime. La situation dans le Sinaï, où les islamistes ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique mènent une guerre contre l’armée et la police égyptiennes, est terrible. La dissidence entre les membres des Frères musulmans et les loyalistes est énorme. Quelques courants à l’intérieur de l’organisation, qui a renoncé aux armes il y a des années, deviennent extrêmement violents et les résultats de cette transformation seront tragiques.

Aujourd’hui plus que jamais, l’Egypte a besoin d’investissements étrangers et le flux d’investissements est conditionnel à l’amélioration de la sécurité. À cet égard, il est important de mentionner que l’état actuel de la coopération sécuritaire entre Israël et l’Egypte a atteint des sommets sans précédent, car les deux Etats bénéficient l’un de l’autre dans la lutte contre leur ennemi commun, l’extrémisme islamique. Ce nouveau climat va-t-il également se traduire en un renforcement de la coopération entre les deux pays voisins? Cela reste encore à voir. Il y a des parties intéressées des deux côtés, mais la question de la sécurité domine encore pour l’instant. Quoi qu’il en soit, le développement de la zone du canal de Suez devrait être considéré par Israël comme un signe positif: de nouvelles zones industrielles plutôt que des casernes de guerre sont créées, dans un endroit connu pour être une zone de combats sanglants.

Ksenia Svetlova est députée à la Knesset et experte des questions arabes.

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Lève-toi ! / Etz Be-Tzion
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