Les «Attestants», ces protestants canal historique
Un mouvement qui prône le retour aux sources
Pierre Jova
Journaliste, spécialiste de l’actualité internationale et de géopolitique…
Publié le 25 janvier 2016 à 14:00 / Religion
Mots-clés : Attestants, Eglise protestante,Protestants
Le 17 mai 2015, journée mondiale contre l’homophobie, le synode de L’Église protestante unie de France, réuni à Sète, dans l’Hérault, autorisait la bénédiction des couples homosexuels. Élément choquant, pour ces luthériens et calvinistes, héritiers « canal historique » de la Réforme, le texte de la décision ne comportait aucune référence biblique, excepté un verset tronqué de la première épître de Pierre : « bénissez, (…) car c’est à cela que vous avez été appelés ». L’Écriture seule, qu’ils disaient ! Face à ce bouleversement, de nombreux fidèles avaient fait part de leur opposition, accusant l’Église de se calquer sans démarche critique sur l’évolution de la société. Si peu de pasteurs ont quitté formellement l’Église protestante unie de France, des dizaines de responsables paroissiaux, appelés « conseillers presbytéraux », l’ont fait. D’autres, en revanche, ont décidé de rester dans leur Église, mais pour s’y structurer.
Le 16 janvier dernier, plus de 250 pasteurs, conseillers presbytéraux et fidèles venus de toute la France se sont réunis à Paris pour le congrès fondateur d’un courant interne à l’Église, les « Attestants ». Le choix des mots n’est pas anodin. « Attester » est un mot fort dans le lexique protestant, qui signifie rendre témoignage. « Attestants » fait aussi référence à la dénomination « protestants », adoptée en 1529 par les partisans de Martin Luther, qui se sont opposés à l’empereur Charles Quint en affirmant clairement leur foi. Une manière d’annoncer la couleur : certains l’ont oublié, mais nous, nous voulons attester de l’Évangile.
On aurait tort de réduire les Attestants à un mouvement de résistance contre le mariage homosexuel. Pour eux, le synode de Sète n’est que le symptôme d’une crise plus profonde. Ils souhaitent contester l’hégémonie du libéralisme théologique, très présent à la tête de l’Église protestante unie de France, qui relativise les Écritures bibliques. « Nous voulons participer au renouveau de l’Église », explique Alain Chapon, conseiller presbytéral d’une paroisse de Clermont-Ferrand, et élu président des Attestants : « L’Eglise souhaite correspondre aux attentes de nos contemporains, mais ils attendent le Christ ! Pas de vagues considérations humanistes ! » Les initiateurs du mouvement insistent sur leur volonté de ramener l’Église à ses fondements : « On touche à des lignes de fond. L’Évangile que nous annonçons est percutant. Jésus relève la femme adultère, mais lui dit aussi : ‘’va et ne pèche plus’’. Le péché est une notion essentielle, car nous annonçons un Christ sauveur, qui nous délivre du péché », argumente Caroline Bretones, femme pasteur luthérienne. Elle qui officie à la paroisse du Marais, à Paris, très active dans l’évangélisation, témoigne de la démarche des adultes demandant le baptême : « les convertis mettent beaucoup l’accent sur ce dont ils ont été sauvés. Est-ce qu’on peut aujourd’hui annoncer le salut sans parler du péché ? »
Les Attestants expriment également leur vœu de relancer la formation théologique et spirituelle des fidèles. « Au fin fond de l’Auvergne, il y a une soif, un besoin de formation dans les paroisses », témoigne Alain Chapon : « en tant que chrétien, la formation n’est pas uniquement une activité intellectuelle. Elle sert à nourrir ma vie de chrétien, de façon à ce que je sois équipé dans mon quotidien, mon entourage ». Les Attestants appellent à former les pasteurs à l’accompagnement spirituel et à la prière : « je suis sorti de l’Institut protestant de théologie de Paris sans y être préparé ! », se rappelle un pasteur. D’autres encouragent les fidèles à effectuer des retraites. Revenir à la vie spirituelle, cette forteresse qui échappe aux conspirations de la civilisation moderne, voilà l’objectif principal de ces protestants qui désirent réformer leur Église.
Pourtant, une autre bataille se profile à l’horizon. L’année 2017 marquera le 500eanniversaire des thèses de Martin Luther, point de départ de la Réforme. En vue de cet événement, l’Église protestante unie de France a prévu la publication d’une Déclaration de foi, dont le texte, qui suivra le même processus synodal qui a conduit à la bénédiction des couples homosexuels, est déjà contesté. Au sein des Attestants, on redoute que la mention de Dieu comme Trinité ne figure pas dans ce document, pour plaire au courant libéral. Ce dernier ne voit en effet aucun problème à contester ce dogme central du christianisme. « On touche à l’essence de notre foi. Ce n’est pas négociable », insiste Caroline Bretones. Avec l’enjeu de la Déclaration de foi en 2017, les Attestants luttent ni plus ni moins contre l’irruption du relativisme dans la sphère religieuse. Ce faisant, ils ne veulent pas creuser davantage le fossé entre les protestants « historiques », et les autres chrétiens : les catholiques, et les protestants évangéliques en premier lieu.
Confrontés de manière aiguë à la tentative d’affadissement de la foi chrétienne, mais désireux de faire vivre leur tradition spirituelle, les Attestants sont lancés dans une barque au milieu des flots. Se trouvent avec eux tous les chrétiens qui veulent témoigner dans la société contemporaine. Notamment les catholiques qui se rappellent des mots du pape Benoît XVI, lors de sa visite à l’archevêque de l’Église anglicane Rowan Williams en 2010 : « l’Église doit être inclusive, mais jamais au détriment de la vérité chrétienne ».
*Photo: Pixabay.