Une image peut-elle changer le cours de l’Histoire ? En tout cas, les Etats-Unis et la Russie redoublent d’efforts diplomatiques pour résoudre le conflit syrien après que la communauté internationale s’est émue du sort du petit Omran.
Vague d’émotion sur les réseaux sociaux, articles de presse partout dans le monde… Le petit Omran, un Aleppin de 5 ans filmé après avoir été secouru de son immeuble détruit par un bombardement dans un quartier rebelle de la ville, est devenu le symbole du conflit syrien. Au point de faire réagir les Etats-Unis et la Russie, les deux fers de lance de l’intervention internationale dans le pays.
Lors d’un point presse quotidien, le porte-parole du département d’Etat américain, John Kirby, a interpellé les journalistes. « Combien d’entre vous ont vu la vidéo, les photos de ce petit garçon ? a-t-il interrogé. Pas besoin d’être père, mais je le suis. Vous ne pouvez pas vous empêcher de regarder ça et de voir que c’est le vrai visage de ce qui se passe en Syrie. »
Son visage, ensanglanté et couvert de poussière, semble totalement figé par le choc. L’enfant est silencieux. Il ne pleure pas. « C’est l’une des raisons pour lesquelles le secrétaire d’Etat John Kerry éprouve une telle frustration face à ce qui se passe sur le terrain en Syrie, a poursuivi John Kirby. Il continue de presser la Russie à travailler avec lui (…) pour tenter de parvenir à une cessation des hostilités qui soit davantage applicable sur toute l’étendue de la Syrie et durable, de sorte que nous n’ayons plus à regarder de photos comme celle de ce petit garçon. »
La Russie propose un cessez-le-feu hebdomadaire
Des centaines de milliers d’habitants d’Alep sont pris au piège des combats acharnés que se livrent rebelles et forces pro-gouvernementales syriennes, appuyées par l’aviation russe. L’ONU estime qu’il reste entre 250 000 et 275 000 habitants dans les quartiers est, tenus par la rébellion, et plus d’un million et demi dans la partie gouvernementale.
Jeudi, au lendemain de la diffusion de ces images, la Russie a proposé l’instauration d’une trêve humanitaire hebdomadaire de 48 heures dans ces quartiers. « La date et l’heure exacte seront déterminées après avoir reçu de l’ONU les informations concernant la préparation des convois et la garantie de la part de nos partenaires américains qu’ils seront acheminés en toute sécurité », a indiqué le porte-parole du ministère russe de la Défense. Cette proposition a été saluée par l’Organisation des Nations unies, qui se dit« prête à se mobiliser pour répondre à ce défi », selon un communiqué signé par le bureau de Staffan De Mistura, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie.
Aussi choquante soit-elle, une image peut-elle changer le cours du bras de fer géopolitique qui se joue actuellement en Syrie ? Certains observateurs internationaux en doutent. Pour le journal libanais L’Orient le jour, il s’agit surtout d’une « piqûre de rappel » de la violence de cette bataille, aussi cruciale pour le régime syrien que pour les rebelles. « Combien d’Omransupplémentaires va-t-il encore falloir avant que nous agissions ? » questionne le photojournaliste britannique Peter Harrison, qui a couvert la guerre en Afghanistan et la crise des réfugiés au Liban, sur Al-Arabiya (en anglais).
Un an après la photo d’Aylan
Si les spécialistes du conflit restent perplexes quant à un éventuel changement dû à cette photo, c’est en partie parce que sa diffusion intervient un an après la publication de la photo du petit Aylan Kurdi. Cet enfant syrien, âgé de 3 ans, avait été retrouvé mort face contre terre sur une plage turque, alors qu’il tentait de fuir la guerre avec sa famille sur un bateau de passeurs.
L’éditorialiste d’Al-Arabiya rappelle tout de même que certaines photos ont permis de faire évoluer des situations de guerre. « Tout au long des temps modernes, il y a eu des images qui sont devenue emblématique – comme l’image de cette petite fille vietnamienne courant nue après un bombardement au napalm – et qui ont contribué à changer le cours de l’Histoire », écrit-il.
C’est sans doute pour cette raison que les militants syriens partagent massivement des photomontages avec le petit Omran sur les réseaux sociaux. La rébellion a fait du petit garçon « son représentant dans le monde », explique le correspondant du Telegraph au Proche-Orient, tout en continuant de demander « pourquoi le monde ne fait rien pour empêcher tous les morts à Alep ».