Alors que des militants mauritaniens sont jugés et jetés en prison à 1200 km de leurs familles pour avoir dénoncé l’esclavage dans leur pays, la République islamique de Mauritanie a organisé une conférence contre « l’infiltration israélienne en Afrique ».
Des représentants de 14 pays africains ont appelé depuis la capitale Nouakchott à faire front contre « l’infiltration israélienne en Afrique », en ouverture de la deuxième rencontre d’Al quds, le 11 novembre 2016.
Cette rencontre africaine de trois jours est placée sous le slogan « L’Afrique renouvelle l’engagement pour Al quds« .
« L’Afrique doit faire bouger ses élites afin de contrer l’assaut israélien en Afrique« , a lancé un responsable Mauritanien à l’ouverture de cette rencontre, au Palais des Congrès, à Nouakchott.
Invité à cette rencontre, le responsable des relations extérieures du groupe islamique Hamas, M. Oussama Hamdane a salué le soutien du peuple mauritanien « à la cause palestinienne et les efforts déployés par le gouvernement mauritanien dans cette voie. »
Mettant en exergue la place prépondérante du continent africain, il a exprimé aussi le vœu de voir tous les pays africains, à l’image de la Mauritanie, mettre fin à toutes formes de coopération avec l’État d’Israël.
« Nous réitérons l’engagement des participants à cette rencontre, devant Allah et les peuples musulmans à soutenir Al-Quds et à se solidariser de la résistance du peuple palestinien » a déclaré le président du centre de formation des Oulémas mauritaniens, Cheikh Mohamed Hacen Ould Deddew.
Alors que la question palestinienne n’est plus centrale dans la conception actuelle des rapports de force au Moyen-Orient, l’Etat esclavagiste de la Mauritanie compte constituer un front pour saboter les relations d’Israël avec le continent et assurer des votes contre Israël au sein de l’Union africaine (UA) et dans les instances internationales comme l’ONU.
Israël a montré une volonté forte de revenir en Afrique en nouant de nouvelles alliances. Du 4 au 7 juillet 2016, Mr Benyamin Netanyahu était en tournée en Afrique, la première d’un chef de gouvernement israélien depuis 1987. Si l’Afrique ne représente que 2% des exportations de l’État hébreu, Jérusalem considère que le potentiel d’expansion commerciale est immense, et le bénéfice humanitaire pour les Africains, très important.
La rupture des relations entre la Mauritanie et Israël
Depuis le putsch du général Mohamed Ould Abdelaziz (en photo), le 6 août 2008, les relations entre Nouakchott et Jérusalem n’ont plus rien de diplomatique.
Si les prédécesseurs de Mohamed Ould Abdelaziz, conscients des risques courus sur le plan international, n’ont pas cédé à la pression populaire, le général putschiste a préféré flatter la rue. Lors du mini-sommet arabe réuni à Doha, le 16 janvier 2009, en pleine opération du « Plomb durci », le général Abdelaziz annonçait le gel des relations entre les deux pays. À son retour à Nouakchott, le 17 janvier, il est accueilli par des youyous.
Le 5 mars 2009, les autorités mauritaniennes donnaient quarante-huit heures à l’ambassadeur de l’État hébreu pour débarrasser le territoire.
Son expulsion était intervenue trois jours avant l’arrivée de Mouammar Kadhafi (une condition sine qua non à un séjour du « Guide » en Mauritanie) qui avait toujours dénoncé le pacte avec « l’ennemi sioniste ».
Jusqu’alors, la Mauritanie faisait figure d’exception : la République islamique était le seul pays de la Ligue arabe, avec la Jordanie et l’Égypte, à accueillir une ambassade de l’État hébreu. Une présence remontant à la signature d’un accord entre les deux pays, en 1999. À l’époque, Maaouiya Ould Taya – au pouvoir de 1984 à 2005 –, isolé sur la scène internationale, espérait un appui américain en se rapprochant d’Israël.
Mais le général putschiste à Nouakchott, soumis à un embargo international après le coup d’état contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, aurait cherché par cette décision à se venger, d’une part, des États-Unis et de l’Europe, mais aussi d’Israël, qui s’étaient particulièrement distingués dans leur condamnation du putsch, et d’autre part, rompre l’isolement de la Mauritanie au sein de la Ligue Arabe.
La République islamique de Mauritanie est un Etat esclavagiste
Alors que la capitale Nouakchott organise cette rencontre contre « l’infiltration israélienne en Afrique », ce jour même, le 12 novembre 2016, des militants mauritaniens qui luttent pour mettre fin à l’esclavagisme dans leur pays subissent un procès injuste pour avoir dénoncé cette pratique d’un autre âge.
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IRA-Mauritanie (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie) a publié un texte d’un appel à la mobilisation générale à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, à l’occasion de l’ouverture du faux ‘‘procès en appel’’, ce 14 novembre 2016, des 13 otages abolitionnistes du pouvoir du général Ould Abdelaziz, qui sont membres de IRA-Mauritanie.
Ces militants sont condamnés depuis le 18 août 2016 à des peines allant de 3 à 15 ans de prison ferme à cause de leur participation à une manifestation le 29 juin dernier, pour s’opposer à un déplacement forcé d’habitants d’un bidonville de Nouakchott. Ils ont été condamnés, précise l’ONG, «en l’absence du collectif constitué pour leur défense, qui avait décidé de se retirer du procès pour protester contre les tortures infligées, les violations de procédures».
Impensable en 2016 et, de surcroît, en terre d’islam, puisqu’il s’agit de la «République islamique» de Mauritanie, quelque 20% de la population, soit à peu près 600 000 Mauritaniens, sont des esclaves, «par ascendance», et sont la propriété de personnes, en principe leurs concitoyens, qui peuvent les vendre et en acheter d’autres.
Chaque année, des esclaves mauritaniens sont «exportés» vers les pays du Golfe.
Dans son appel, IRA-Mauritanie fait savoir que ces militants ont été «jetés en prison à 1200 km de leurs familles, sans raison, sur des accusations fallacieuses montées de toutes pièces par des fonctionnaires pervers, menteurs et tricheurs».
En fait, leur «crime» est de lutter avec obstination et courage dans une ambiance d’indifférence imposée par la loi du silence et par les «justificatifs» invoqués par des hommes de religion sur lesquels s’appuient hypocritement le régime en place à Nouakchott, pour fermer les yeux sur la pratique de l’esclavage, avec la complicité de tout le système politique et judiciaire.
Alors que ce procès en appel de treize militants anti-esclavagistes de l’ONG IRA s’est ouvert ce lundi en Mauritanie, trois avocats français lancent une procédure en France visant des hauts gradés du régime accusés d’être les «architectes de la torture».
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