J’ai déjà dit ici ce que je pensais d’Emmanuel Macron. Je n’ai pas changé d’avis. Je le considère comme un produit manufacturé par des professionnels de la communication et propulsé par François Hollande et toute une frange du Parti socialiste.
Je considère que son programme, qui reste largement vide, et qui commence tout juste à se définir de manière floue, est la continuation de ce qu’a fait François Hollande à l’Élysée, et relève d’une forme d’anesthésie social-démocrate qui ne peut que continuer à conduire la France vers une agonie en pente douce.
Pendant longtemps, j’ai estimé qu’il n’avait aucune chance d’être élu. J’en viens peu à peu à changer d’avis. Je prends désormais l’hypothèse Macron très au sérieux.
Ce qui m’a fait changer d’avis est ce qui est arrivé à François Fillon.
Celui-ci est désormais un candidat très endommagé. Il est probable que ses excuses et ses explications ne suffiront pas.
Ses pratiques auraient pu être, à la rigueur, acceptées si elles avaient été mises au jour plus tôt.
Qu’il ait dissimulé, tergiversé, changé de versions plusieurs fois, lui sera vraisemblablement fatal.
Ce qui s’est passé est – c’est une évidence – une machination destinée à le faire tomber, mais s’il n’y avait pas de substance à la machination, celle-ci n’aurait pu fonctionner.
Par ailleurs, quand on prétend être un stratège, on anticipe et on a plusieurs coups d’avance sur ses adversaires.
François Fillon a laissé exister substance à machination, et il s’est révélé un stratège nul.
Je doute qu’il puisse se relever de ce que la presse française appelle le « Penelopegate ».
Dans le monde qui parle anglais, il serait déjà hors course.
En France, il devrait l’être aussi. Ce qui lui permet de se maintenir est qu’il n’y a personne pour se substituer à lui et pour devenir un candidat de rechange.
Les battus des élections primaires de la droite seraient, dans un peu moins de 80 jours, battus au premier tour plus sévèrement qu’il ne le sera sans doute.
Ce qui m’a fait changer d’avis aussi est le choix du candidat du Parti socialiste.
Benoît Hamon est si proche des positions marxistes de Jean-Luc Mélenchon qu’ils me semblent condamnés à se partager le même électorat de gauche dogmatique. Dès lors que la gauche dogmatique en France reste puissante, cela peut représenter plus de 20 % des voix, mais un pourcentage de ce genre divisé par deux, quelle que soit la façon dont on le divise, cela fait un résultat insuffisant.
Il n’est pas certain qu’un Manuel Valls aurait fait beaucoup mieux, mais un Manuel Valls aurait été un candidat très distinct de Jean-Luc Mélenchon, ne mordant pas ou très peu sur l’électorat de celui-ci, et mordant, par contre, sur l’électorat potentiel d’Emmanuel Macron.
Benoît Hamon, lui, ne mordra pas du tout sur l’électorat d’Emmanuel Macron, qui pourra continuer à monter et monter encore, comme un ballon rose. Il ne serait pas surprenant que des membres des Républicains quittent le navire et que des centristes montent à bord.
Marine Le Pen sera très nettement en tête au premier tour, me dira-t-on. Je le sais. Même si son programme est sur de nombreux points très éloigné de celui d’un Donald Trump, elle bénéficiera de l’effet Trump. Elle bénéficiera aussi de l’effet Brexit et des bons résultats qui seront vraisemblablement ceux de Geert Wilders aux Pays-Bas très prochainement.
Elle a un programme suffisamment nationaliste pour attirer ceux qui voudraient sauver l’identité de la France et freiner, voire inverser, l’islamisation du pays. Et elle a un programme assez socialiste pour attirer vers elle les laissés pour compte de la désindustrialisation, et tous ceux réduits à la pauvreté et au désespoir par trop d’années de déclin.
Je persiste à penser que se formera face à elle une sorte de front « républicain » qui, bien qu’usé jusqu’à la corde pour avoir trop servi, pourra servir encore une fois.
Je pense désormais que les professionnels de la communication qui ont conçu le produit Macron ont procédé à des analyses qui rejoignent les miennes et sont aujourd’hui optimistes.
Je suis, pour ce qui me concerne, consterné, inquiet, et triste pour tous ceux en France qui espèrent un redressement.