Artists 4 Israel
Quelques jours avant la Journée internationale de la femme, un groupe d’aide et de défense basé sur les arts alternatifs a offert aux anciennes victimes de trafic sexuel de leur enlever gratuitement leur tatouage, libérant ainsi ces femmes en voie de guérison des symboles douloureux de leur asservissement.
Six femmes dont le corps était tatoué de messages ou symboles qui les avaient marquées comme la propriété de proxénètes, de gangs ou de partenaires abusifs, ont participé au projet « Healing Ink – Women’s Liberation » (« Thérapie de l’encre – Libération des femmes », en français) du collectif Artists 4 Israel. Ce projet s’est déroulé cette semaine à Los Angeles, où sévissent d’importants problèmes comme le nombre de sans-abris, la violence et la traite des êtres humains.
« Pour pouvoir rentrer clandestinement aux Etats-Unis, mes parents m’ont vendue comme esclave à l’âge de 12 ans », témoigne «A», l’une des participantes au projet dont les identités sont tenues secrètes pour des raisons de sécurité.
« À 14 ans, j’étais la propriété d’un proxénète qui se faisait appeler mon « papa ». Il a tatoué son nom sur mon bras du biceps jusqu’au poignet et tout autour de mon bras. Quand il s’est fait tuer, je suis devenue la propriété de son assassin … Il a tatoué son nom sur mon visage en lettres rouge vif et m’a mise enceinte. Mon bébé est la seule chose positive que je retire de cette expérience », avoue-t-elle à i24NEWS.
« A » a échappé à la captivité et a été prise en charge par une organisation de secours après l’arrestation de son bourreau. Aujourd’hui, elle aide l’organisation à sauver d’autres femmes victimes du trafic sexuel. Selon elle, en faisant disparaître les marques physiques de son traumatisme passé, elle aura une « chance de mener une vie normale ».
Artists 4 Israel
« B », une autre participante au projet, est en train de se faire enlever le message « STAY DOWN » (« Reste à terre ») tatoué sur son pied. Elle nous explique que ce tatouage lui a été fait par un ancien proxénète une fois qu’elle avait quitté son poste à Las Vegas, une nuit où une pluie torrentielle faisait rage.
« Ce message voulait dire que je devais rester agenouillée à terre jusqu’à ce qu’il soit satisfait de la somme d’argent que je venais de gagner. J’avais des rapports sexuels forcés pendant des heures et des heures, et parfois même des jours entiers sans pouvoir rentrer à la maison, dans la pire des douleurs et dans les conditions les plus atroces », se souvient-elle.
Deux autres filles se font retirer des mains les insignes de certains gangs de rue, notamment les tristement célèbres « Vice Lords » et « Bloods ». Ces symboles faisaient d’elles la propriété des membres de ces gangs qui pouvaient disposer d’elles comme il leur plaisait.
« En leur retirant ces marques qui leur rappellent de douloureux souvenirs, j’espère qu’elles pourront aller de l’avant dans leur vie et reprendre le contrôle de leur corps », déclare Natalie Quintana, qui a dirigé l’équipe des spécialistes qui ôtent les tatouages et qui ont mis leur talent au service du projet.
« Quand je pense à ce que ces femmes ont vécu, ça me brise le cœur », dit-elle à i24NEWS.
Artists 4 Israel
« Une dépravation choquante »
Le Centre national de recherche sur la traite des êtres humains, qui possède et garde à jour l’un des bases de données les plus exhaustives sur la question de la traite des êtres humains aux États-Unis, a identifié près de 40.000 victimes en Amérique depuis 2007.
Selon leurs données, plus de 22.000 cas de trafic sexuel ont été signalés à travers le pays depuis 2007.
C’est l’Etat de Californie qui signale systématiquement le plus grand nombre de cas de trafic humain.
De nombreuses femmes victimes du trafic sexuel sont manipulées par un compagnon qui joue sur leurs sentiments pour qu’elles se prostituent. D’autres sont forcées par leurs parents ou par d’autres membres de la famille de vendre leur corps. Certaines veulent devenir mannequins et tombent dans le piège, appâtées par de fausses promesses.
Les circonstances sont diverses et variées mais tous les cas de traite des personnes impliquent la coercition ou la manipulation par l’usage de la violence, de menaces, le remboursement de dettes et autres moyens de pression.
« J’ai été choqué par le niveau de dépravation qui existe », déclare Craig Dershowitz, PDG d’Artists 4 Israel (A4I), à i24NEWS. « Jamais je n’aurais pu imaginer à quel point ces femmes souffrent ».
Le projet « Women’s Liberation » (« Libération des femmes », en français) s’inspire des autres projets «Healing Ink» (« Thérapie de l’encre ») du collectif Artists 4 Israel, qui a offert des tatouages gratuits de certains des plus grands artistes tatoueurs aux victimes du terrorisme et de la guerre en Israël et aux États-Unis.
Artists 4 Israel
C’est Nichole East, de Bishop Tattoo Supply, associée d’A4I dans l’initiative « Healing Ink », qui a eu l’idée d’enlever les tatouages faits de force aux femmes qui se remettaient après avoir été victimes de traite sexuelle.
« En tant que femmes, nous devons toujours nous serrer les coudes. C’est juste une manière d’aider les femmes à retrouver leur vrai pouvoir », confie-t-elle à i24NEWS. « Nous voulons qu’elles regardent leur peau et qu’elles se sentent belles, nous voulons qu’elles redeviennent les femmes fortes que nous devinons en elles ».
« Artists 4 Israel avait pu constater l’effet bénéfique que les tatouages effectués par-dessus les cicatrices avait eu lors de notre programme
« Healing Ink ». Dans le cas de ces jeunes femmes abusées, on décline le concept en enlevant les « cicatrices » qui ont été tatouées sur leur peau », explique Dershowitz. »
Il ajoute qu’au cours de ce projet, il était important pour lui, en tant qu’homme, d’être sensible au traumatisme bien particulier subi par ces femmes.
« C’était un exercice d’amour, de patience et de compréhension », dit-il. « Artists 4 Israel s’est engagé à utiliser l’art pour guérir et renforcer celles qui ont été touchées par les conflits et les traumatismes. C’est le but de ‘Healing Ink’ et, je crois qu’aujourd’hui, les effets sont avérés ».
L’Organisation internationale du travail estime qu’à l’échelle mondiale, 4,5 millions de personnes sont prisonnières de l’exploitation sexuelle forcée.
La grande majorité des victimes de la traite des êtres humains sont les femmes ainsi que les populations vulnérables, notamment les jeunes en fugue ou sans-abri, les minorités et les migrants, qui sont souvent la cible des trafiquants.
Si vous ou une personne que vous connaissez êtes victime de trafic humain, contactez la ligne directe de la traite des personnes au 1-888-373-7888 (États-Unis).
Emily Gatt est journaliste et rédactrice en chef du site i24NEWS en anglais