Ce que l’on sait du drame d’Odessa, une manigance russe « pour détruire l’Ukraine » selon le Premier ministre ukrainien
Le HuffPost avec AFP | Publication: 04/05/2014 15h30 CEST | Mis à jour: 04/05/2014 16h13 CEST
« La Russie a envoyé des gens ici pour créer le chaos mais le pays doit s’unir et se réconcilier pour ne pas donner aux terroristes soutenus par Moscou la possibilité de diviser notre peuple », a poursuivi Arseni Iatseniouk au cours d’une conférence de presse à Odessa à l’issue d’une série de rencontres avec des représentants des autorités locales et de la société civile.
« Le but de la Russie était de répéter à Odessa ce qui se passe dans l’Est du pays », a-t-il ajouté. « C’est un plan financé et organisé par des professionnels qui ont manipulé des gens ordinaires, mais notre union sera la meilleure réponse à ces terroristes ».
Il a annoncé qu’à la suite des événements du 2 mai tous les hauts responsables de la police de la ville avaient été démis de leurs fonctions et allaient être remplacés, pour avoir failli à leur tâche. En costume et cravate noirs en signe de deuil, Arseni Iatseniouk a présenté ses « condoléances aux familles des victimes de cette horrible tragédie » et assuré que « la justice allait ouvrir des enquêtes pour déterminer qui n’a pas fait son devoir ».
Des supporteurs de foot contre des pro-russes
Selon des sources concordantes, la mort de dizaines de pro-russes dans un incendie vendredi à Odessa est due à la vengeance de milliers de supporteurs de football et de manifestants pro-Ukraine furieux d’avoir été attaqués alors qu’ils défilaient dans la ville plus tôt dans la journée.
Un match du championnat d’Ukraine était prévu à Odessa à 17h. Comme de coutume, les supporteurs du club visiteur, les « Metalist » venus de la ville de Kharkiv, et ceux du club local, « Tchornomorets », se sont rassemblés dans le centre-ville en début d’après-midi pour se rendre en cortège au stade.
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« Nous n’avions prévu aucune manifestation, ce n’est pas nous qui étions à l’origine de ce rassemblement », assure Natalia Petropavlovska, l’une des responsables du mouvement pro-Maïdan dans la grande ville portuaire. « C’étaient des supporteurs, des jeunes, et dans ce pays les jeunes sont naturellement plus partisans d’une Ukraine unie que de la Russie ».
Le cortège, largement pavoisé de jaune et bleu, couleurs du drapeau ukrainien mais aussi du maillot des joueurs du Metalist, est attaqué sur un grand boulevard par plusieurs centaines de manifestants pro-russes bien équipés, certains armés, portant treillis, casques et cagoules. Au moins quatre personnes sont tuées par balles et une dizaine blessées.
Oleg Konstantinov est l’une d’elles. Sur un lit de l’Hôpital Juif d’Odessa, il se remet samedi de blessures par balles au bras et à une jambe.
« Quand cela a commencé à tirer, je me suis dit que c’était peut-être des armes à feu, parce que les policiers ont commencé à tomber, dit-il. »J’ai été blessé au bras et, quand mes collègues m’ont sorti de là, j’ai encore été blessé au bras et à la jambe ».
Bogdan (il n’accepte de révéler que son prénom), 40 ans, a été témoin de la scène.
« Les deux équipes de supporteurs défilaient dans la ville quand il y a eu des tirs, et aussi des jets de grenades artisanales. La police n’a rien fait mais les supporteurs se sont défendus. Ils étaient bien plus nombreux que les assaillants, et la bagarre cela ne leur fait pas peur », dit-il.
Pour Natalia Petropavlovska, « les pro-russes ont commis une grosse erreur en s’en prenant aux supporteurs. Ils étaient nombreux et savent se défendre. Non seulement ils n’ont pas eu peur des armes mais cela les a enragés de voir qu’on leur tirait dessus et qu’on les tapait. »
Par téléphone, par les réseaux sociaux, les supporteurs des deux équipes ont averti leurs amis dans la ville et ceux qui étaient allés directement au stade. « J’ai assisté au match et nous avons tous remarqué qu’à la mi-temps les gradins se sont vidés », assure un amateur de football. « Ils étaient partis se battre ».
A Odessa, les partisans d’un rapprochement avec Moscou avaient organisé depuis la mi-mars un camp de tentes sur une vaste esplanade, devant l’immeuble de pierre de taille des syndicats où a pris l’incendie.
Un homme jette un cocktail Molotov sur la Maison des syndicats à Odessa le 2 mai=
« C’est une foule en colère, qui voulait se venger, qui s’est rendue sur la place Koulikove Pole. Ils voulaient en finir avec ce camp pro-russe » dit Natalia Petropavlovska. « Ils ont commencé à le détruire, à y mettre le feu. Les pro-russes auraient pu partir, ils savaient qu’une foule en colère arrivait, il s’est écoulé deux heures entre l’attaque de la manifestation et l’arrivée des supporteurs et des nôtres. Mais au lieu de cela ils ont choisi de se réfugier dans la Maison des syndicats »Elle admet que des cocktails Molotov ont été jetés contre le bâtiment, ce qui est clairement visible sur les nombreux films amateurs tournés sur les lieux. Mais elle assure, comme les autorités de Kiev, que les pro-russes y ont également eu recours et que des tireurs visaient la foule depuis les toits.
Des affrontements à l’incendie, voici les images publiées sur Twitter par un journaliste britannique (suite de l’article sous le diaporama) :
La responsabilité initiale de l’incendie ne sera sans doute jamais clairement établie mais ce qui est certains c’est que des dizaines de jeunes gens sont morts, la plupart asphyxiés par les fumées. Quarante-deux personnes, selon la police locale, ont péri vendredi à Odessa, dans les affrontements puis dans l’incendie.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a demandé samedi la mise en place d’une enquête indépendante afin d’identifier les responsables des violences.
« C’est terrible. Nous n’avons jamais voulu ça, nous sommes désolés pour ces morts », dit-elle. « C’étaient des jeunes qui ont été manipulés. J’ai moi-même appelé plusieurs fois les pompiers et je ne comprends toujours pas pourquoi ils ont tellement tardé à intervenir ».
Depuis deux jours, le parvis devant la Maison des Syndicats est le lieu de rassemblement de proches des victimes et opposants au régime de Kiev.
Une nouvelle manifestation en faveur de l’unité de l’Ukraine était prévue à Odessa en milieu de journée.
Assaut de pro-russes contre la police
En parallèle, plus de 2000 pro-russes ont lancé un assaut contre le siège de la police. Les assaillants, armés de gourdins, ont défoncé un premier portail avec deux camions en réclamant la libération de leurs camarades arrêtés vendredi après les heurts entre des pro-russes et partisans de l’Ukraine unie.
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