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Des structures colossales, à Gath, pourraient expliquer l’histoire de Goliath

De nouvelles fortifications inhabituellement larges du 11e siècle avant l’ère commune pourraient être à l’origine de l’histoire biblique du géant

  • Détail de l'oeuvre de Gustave Doré "David et Goliath" en 1866, tiré de Samuel I (17:49-51). (Crédit : Domaine public via wikipedia)
    Détail de l’oeuvre de Gustave Doré « David et Goliath » en 1866, tiré de Samuel I (17:49-51). (Crédit : Domaine public via wikipedia)
  • Le mur en brique de 3000 ans avec du plâtre et une embrasure de porte découverts pendant les fouilles réalisées pendant l'été 2019 dans le cadre du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath. (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
    Le mur en brique de 3000 ans avec du plâtre et une embrasure de porte découverts pendant les fouilles réalisées pendant l’été 2019 dans le cadre du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath. (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
  • Vue des fortifications du début de l'âge de pierre de Gath (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
    Vue des fortifications du début de l’âge de pierre de Gath (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
  • Une vue de la Porte des eaux à Gath, été 2019 (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
    Une vue de la Porte des eaux à Gath, été 2019 (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)
  • Des bénévoles sur le site du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath, au mois de juillet 2018 (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)
    Des bénévoles sur le site du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath, au mois de juillet 2018 (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

Un géant a-t-il pu faire germer une ville de son envergure ? Les vestiges de taille inhabituellement disproportionnée, reflétant une architecture et des fortifications « énormes » ont été découverts dans une nouvelle couche – inattendue et datant de l’ère prébiblique – de la ville philistine de Gath, cet été, dans le cadre du Projet archéologique de Tell es-Safi/Gath actuellement en cours.

Tandis que la majorité des périmètres qui avaient été fouillés sur le site datait des 10e et 9e siècle avant l’ère commune, cette nouvelle couche remonte pour sa part au 11e siècle – ce moment où, selon le narratif biblique de Samuel I-17, le futur roi David a assassiné le géant Goliath.

« Pour ces savants qui acceptent le fait que David aura été un personnage historique – c’est mon cas – la fin du 11e siècle, le début du 10e siècle avant l’ère commune correspondent chronologiquement à l’existence de David, à ce moment qui a donc précédé la ville de Gath où des vestiges impressionnants viennent tout juste d’être découverts », commente Aren Maeir, professeur à l’université de Bar-Ilan, directeur des fouilles qui durent depuis 23 ans sur le site de Tell es-Safi/Gath, auprès du Times of Israel.

Cette datation suit la chronologie des rois d’Israël et de Judée, telle qu’elle est présentée dans la Bible.

« Si, en fait, David a affronté un opposant lors d’un combat solitaire – qui, le plus souvent, a été identifié comme étant Goliath – cela correspondrait plus ou moins à cette phase de l’Age de fer de l’histoire de la ville de Gath », ajoute Maeir, qui souligne qu’il « est difficile de dire s’il y a, oui ou non, un fondement historique à cette histoire – et s’il y en a eu un, ce qu’il était ».

Il n’y a encore aucune inscription qui aurait permis d’affirmer de manière définitive que cette ville a bien été Gath. Toutefois, les deux premières décennies de fouilles à Tell es-Safi/Gath ont permis de découvrir un site massif datant de l’âge de Fer qui était, au 9e et 10e siècle, le centre de gravité de la région, poursuit Maeir. L’implantation avait été détruite par le roi araméen Hazael vers l’an 830 avant l’ère commune, ce qui trouve un écho dans le récit de Gath déroulé dans le livre II des Rois (12:18).

L’archéologue Aren Maeir (à gauche) supervise une couche datant de l’an 830 avant l’ère commune sur le site du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath, au mois de juillet 2018 (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

Pendant des années, dit Maeir, lui et son équipe ont présumé que la couche de destruction de Hazael était la phase la plus importante de la ville antique de Gath.

« Mais j’ai gardé ce sentiment persistant. Cela m’ennuyait : Si la ville détruite par Hazael était aussi importante, pourquoi n’avait-elle pas de fortifications ? Il y en avait certaines, mais rien qui sorte de l’ordinaire », explique Maeir.

Le roi Hazael? une figurine détaillée d’une tête de roi exposée au musée d’Israël de Jérusalem, remontant à l’époque biblique et trouvée à la frontière d’Israël avec le Liban, au nord du pays (Crédit : AP Photo/Ilan Ben Zion)

En creusant, cette année, un peu plus en profondeur, l’équipe a trouvé des vestiges impressionnants qui auraient précédé l’implantation qui avait été détruite par Hazael en l’an 830 avant l’ère commune, comme l’avait tout d’abord rapporté Haaretz.

« Ils montrent que les constructions et que les fortifications étaient très larges, construites avec des pierres d’une largeur extrême », dit Maeir.

L’équipe a aussi trouvé des murs datant du 11e siècle érigés avec une brique brûlée, très épaisse, bien construite. Pour Maeir, ce type de brique était rarement utilisée à l’ère préromaine.

Tout en commençant les fouilles sur le site du 11e siècle, « nous avons eu le sentiment que, peut-être, cette phase antérieure était plus vaste et largement plus impressionnante que la ville qui a été détruite par Hazael », a-t-il commenté.

« Ce qui est une surprise mais qui, d’un autre côté, explique aussi quelque chose… Les pièces s’assemblent dorénavant bien mieux », a-t-il ajouté.

Une vue aérienne des fortifications Iron I dans la ville basse de Gath, à l’est (Crédit :Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)

Cette architecture monumentale est de dimension bien plus grande que presque tout ce qui a pu être retrouvé au Levant datant de cette période, confie Maeir.

Cette couche inattendue ouvre la possibilité que la ville ait été une forteresse régionale au 11e siècle, ajoute-t-il, plutôt que l’implantation d’Ekron, comme on le croyait jusqu’à présent. Dans cette mesure, cette découverte pourrait entraîner une nouvelle réflexion sur la « matrice des puissances fortes dans la région à cette époque », dit-il.

Les fortifications découvertes dans la ville basse sont de 4 mètres de large (les murs des époques ultérieures faisaient 2 à 2,25 mètres de large). De la même manière, les dimensions des matériaux de construction eux-mêmes sont extrêmement différents. Dans les couches ultérieures du site, indique Maeir, les architectes avaient utilisé des pierres d’un demi-mètre de long. Dans cette « couche de Goliath », les blocs de pierre mesurent entre un et deux mètres.

La ville du 11e siècle était remarquablement grande et elle devait couvrir un périmètre de 50 hectares – soit plus de deux fois le périmètre des villes équivalentes au Levant, estime Maeir. En point de référence, lorsque Jérusalem, dans l’ancien temps, connaissait son apogée, quelques centaines d’années plus tard, la ville devait s’étendre sur 40 ou 50 hectares, ajoute-t-il.

« Géographiquement parlant, Gath était une ‘ville primate’ à une échelle différente, plus grande que les autres », explique Maeir, qui compare cette différence à celle entre New York City et Indianapolis.

Une vue de la Porte des eaux à Gath, été 2019 (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)

Echos d’une origine égéenne ?

Une étude récente de l’ADN ancien des Philistins semble corroborer l’hypothèse soutenue depuis longtemps que les « peuples des mers » philistins étaient arrivés de la région égéenne.

A travers l’analyse de 10 ADN individuels, l’étude suggère que les Philistins étaient arrivés à Ashkelon depuis l’Europe au 12e siècle avant l’ère commune – le début de l’Age de fer. Après deux siècles, les marqueurs génétiques européens avaient été éclipsés par le bassin génétique du Levant, ce qui suggère d’intenses mariages mixtes. La culture et la population philistines se seront distinguées des autres communautés locales pendant six siècles.

Un crâne du 10e-9e siècle avant l’ère commune, découvert pendant les fouilles d’un cimetière philistin par l’expédition Leon Levy à Ashkelon. (Crédit: Tsafrir Abayov/expédition Leon Levy)

Cette étude ADN est importante, explique Maeir, parce qu’elle est la première de ce type et qu’elle est venue confirmer au moins qu’un composant de l’ADN philistin provenait d’Occident. Il indique ne pas avoir été surpris par ces résultats en raison de la myriade de preuves archéologiques venant soutenir également cette conclusion.

Une bénévole du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath, au mois de juillet 2018 (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

Selon Maeir, il existe en Grèce, en Anatolie et à Chypre une tradition de construction à l’aide de pierres monolithiques et de grande taille similaire à celles qui ont été retrouvées à Gath. Il explique avoir discuté de la possibilité d’un style architectural importé à Gath avec ses collègues, qui n’ont pas exclu cette idée.

« Il est possible qu’il y ait une autre tradition ou d’autres traditions qui s’expriment ici [dans cette large architecture] et il se pourrait bien qu’elles soient occidentales », dit-il.

Le professeur de Bar-Ilan note que dans la Grèce classique, comme on peut le voir dans la culture mycénienne de l’âge de Bronze, il y a également des murs si imposants que le philosophe grec Aristote pensait que les pierres n’avaient pu être déplacées que par les cyclopes. C’est de cette perception, inscrite dans « Histoire naturelle » de Pliny, que découle le terme archéologique « des murs cyclopéens ».

Détail de l’oeuvre de Gustave Doré « David et Goliath » en 1866, tiré de Samuel I (17:49-51). (Crédit : Domaine public via wikipedia)

« Tous les squelettes philistins qui ont été découverts jusqu’à maintenant ne montrent absolument aucune preuve de ce que cette population aurait été plus grande ou différente des gens qui avaient une taille normale », s’amuse Maeir.

Au vu de cette nouvelle découverte, il se demande si les traditions bibliques variées se référant aux géants de Gath – Goliath est un exemple parmi d’autres – peuvent s’être inspirées de l’envergure de la construction monumentale des Philistins.

Peut-être les auteurs de la bible ont-ils vu les vestiges de cette construction hors-norme du 11e siècle au sol, suppose Maeir, et qu’ils ont pensé : « Des pierres énormes ? Qui a pu bouger de telles pierres ? Seuls des géants ont dû être capables de le faire ».

Des narratifs mythologiques semblables s’étaient développés autour d’autres merveilles antiques, notamment à Stonehenge et sur l’île de Pâques, dit-il.

Vue des fortifications du début de l’âge de pierre de Gath (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)

« Peut-être y a-t-il une famille composée d’individus grands que nous n’avons pas trouvée mais il est plus probable de dire qu’une histoire mythique s’est développée avec le temps sur la taille de l’architecture », estime-t-il.

Il est impossible de savoir quelle a été la part prise par les Philistins dans l’histoire de ce géant – les inscriptions écrites en Philistin sont excessivement rares et souvent indéchiffrables.

Au cours des décennies précédentes, indique Maeir, les archéologues avaient pensé que la découverte des « archives philistines » n’étaient qu’une « question de temps ». Ils en sont arrivés aujourd’hui à la conclusion que « les Philistins n’écrivaient pas beaucoup ». En même temps, les voisins du peuple du Livre « pouvaient faire toutes sortes de choses impressionnantes et ne pas être capables d’écrire un seul mot ».

Le mur en brique de 3000 ans avec du plâtre et une embrasure de porte découverts pendant les fouilles réalisées pendant l’été 2019 dans le cadre du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath. (Crédit : Aren Maeir/Tell es-Safi/Gath Archaeological Project)

En plus de la découverte de cette construction gigantesque, Maeir et son équipe ont également trouvé plusieurs espaces, vieux de 3 000 ans, qui semblent avoir été des fortifications créées juste avant la conquête de Hazael. Ces espaces réalisés en brique de boue avaient été remplies de terre, ce qui a permis de préserver leurs murs de deux mètres de hauteur et leurs encablures de porte menant à d’autres salles. Il est inhabituel d’avoir des murs d’une telle hauteur construit en briques séchées au soleil et encore intactes, explique-t-il.

Les fouilles, cet été, viennent tout juste de s’achever. Selon le site internet du projet et ses mises à jour scrupuleuses, la dernière saison de fouilles aura lieu en 2021. Ce sera alors la 25e.

« On fouille un site pendant si longtemps qu’on pense le comprendre », dit Maeir. « Mais chaque nouveau coup de truelle peut apporter une nouvelle découverte inattendue ».

Des bénévoles sur le site du Projet archéologique Tell es-Safi/Gath, au mois de juillet 2018 (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

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