Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres ?
évangile de Jean 5/44
D’après un des derniers écrits de Soren Kierkegaard, datant du 15 juillet 1855, dans les derniers mois qui ont précédé sa mort, à 42 ans. Ce texte aurait pu être rédigé aujourd’hui, son actualité est intacte. Peut-être même plus grande encore.
Voici bien la sentence de mort de tout le christianisme religieux !
Tout ce qui porte le nom de chrétien, qui se prétend chrétien, ce jeu où des millions de chrétiens se reconnaissent les uns les autres s’estimant mutuellement des croyants : tout cela repose sur un fondement qui, suivant les termes du Christ, rend la foi impossible.
Ce n’est même pas l’ombre du christianisme qui est une passion, la seule chose requise pour avoir, dans le plus complet isolement, uniquement à faire avec Dieu. Car c’est là tout ce que Christ entend par « croire » ; et c’est aussi pourquoi, s’opposant à « la gloire qui vient des hommes », que l’on reçoit les uns des autres, il parle de « chercher la gloire qui vient de Dieu »). Ce genre de passion ne se rencontre plus.
Les gens d’aujourd’hui sont totalement incapables de supporter quelque chose d’aussi fort que le christianisme du Nouveau Testament (ils en mourraient ou en perdraient la raison), exactement comme des enfants sont incapables de supporter des boissons fortes, c’est pourquoi ils choisissent la limonade — et le christianisme officiel est une insipide limonade pour les gens qu’on appelle aujourd’hui des chrétiens ; c’est pourtant la plus forte boisson qu’ils puissent supporter.
On a écrit un grand nombre d’articles pour montrer à quoi se reconnaît le christianisme authentique.
- Quand un homme prêche le christianisme et qu’on loue son message et sa personne, cela signifie que sa prédication est, au point de vue du christianisme biblique, un vil mensonge. Il est définitivement certain que celui qui, en prêchant le christianisme, gagne toutes sortes de biens terrestres, est un menteur, un imposteur ; il a sur des points essentiels falsifié la doctrine de Dieu, qui est une mise en opposition avec le monde telle qu’il est à jamais impossible d’annoncer vraiment le christianisme authentique sans avoir à en souffrir ici-bas, rejeté du monde, haï, maudit par lui.
- Quand un homme prêche le christianisme de telle sorte qu’on lui réponde « qu’il est fou », cela signifie que sa prédication contient d’importants éléments de vrai christianisme, sans toutefois qu’il s’agisse du christianisme pleinement révélé par le Nouveau Testament. Ni sa prédication orale, ni celle de sa vie n’ont assez de poids, de sorte qu’il glisse trop aisément sur ce qu’il dit et que sa prédication n’est pas proprement celle du Nouveau Testament.
- Mais quand un homme prêche le christianisme de telle sorte qu’on cherche à le faire taire : « Effacez cet homme de la surface de la terre, il ne mérite pas de vivre » : sachez qu’il s’agit alors du christianisme authentique du Nouveau Testament.
Exactement comme au temps de notre Seigneur Jésus-Christ, on encourt toujours la peine de mort en prêchant le christianisme authentique qui consise à aimer Dieu sans prendre soin de la chair, à se défier et même haïr toutes les choses dans lesquelles l’homme a sa vie et qui sont pour lui la vie, toutes celles pour lesquelles, dans son égoïsme, il réclame le secours de Dieu pour les obtenir — ou se consoler de leur privation ou de leur perte. Mais si le prédicateur, suivant une conduite répandue de nos jours, joue à relativiser les exigences de l’évangile originel, alors nous avons des formes d’une prédication qui ne provoquera jamais la persécution : au contraire, le monde aimera tout ce qui est dénué de caracère spirituel radical.
Grâce à ces artifices religieux, la chrétienté a sécularisé le christianisme. Ainsi disparaît tout naturellement la persécution ; car il est inconcevable que la mondanité persécute la mondanité. Lorsque le monde loue le christianisme pour sa sagesse, sa tolérance et applaudit à ses louanges, alors une rupture spirituelle est consommée.