3ème et dernier volet de l’article de Steve Law, traduit par Pug pour « Nations pour Israël ».
Dans ce troisième volet d’une série en trois parties, nous allons considérer la plus profonde et la plus controversée des interprétations proposées par le Professeur Douglas Petrovitch, et le débat qui a suivi ses annonces. Comme on l’a vu dans les deux premières parties, Petrovitch a affirmé qu’il y a maintenant suffisamment d’éléments pour établir que l’Hébreu est le premier alphabet au monde. Si cela était confirmé, cela repousserait la première occurrence d’une écriture hébraïque de plus de mille plus tôt que ce n’était considéré jusque-là, rendant possible que Moïse ait effectivement été l’auteur des plus anciens textes bibliques aux yeux des universitaires. Cette série d’inscriptions égyptiennes peuvent aussi valider beaucoup de l’histoire racontée dans la Bible pour la période de l’Exode.
Entre tous les textes controversés qui proviennent de Serâbît el-Khadîm, les mines de turquoise sous contrôle égyptien juste à l’ouest du Mont Sinaï traditionnel, un texte en particulier fait monter la température du débat. Sinai 361 (dessin manuel au-dessus et photo ci-dessous) pourrait contenir le nom « Moïse » et en fait se référer à l’année où les plaies et la dévastation ont ravagé l’Egypte. Cette inscription est faite en colonnes verticales de la droite vers la gauche avec le nom « Moïse » (en fait, l’hébreu « Moshe ») mentionné à la fin de la première colonne sur la droite. Petrovitch lit l’inscription comme suit :
« Notre servitude sous le joug durait, Moïse alors a provoqué la stupéfaction, c’est l’année de la stupéfaction, à cause de la dame.»
La « stupéfaction » pourrait faire référence à l’étape du Jugement, montrée dans le film « Patterns of Evidence : The Exodus » quand l’Egypte a été dévastée. L’utilisation du temps présent pourrait signifier que le message a même été écrit alors que les plaies étaient en plein déroulement.
Les références à la servitude, une année de stupéfaction et que cela a été provoqué par Moïse correspondent remarquablement bien au récit de l’Exode concernant les plaies et la libération de l’esclavage, comme décrit dans la Bible. Petrovitch pense que « la dame » dont il est fait mention correspond à la déesse égyptienne Hathor, souvent dépeinte comme une vache cornée. La Bible souligne la tendance des Israélites à adorer les divinités égyptiennes, comme dans l’incident du Veau d’Or au Mont Sinaï. Une référence à cette rebellion et à ce qui pourrait être l’année de la stupéfaction se trouve dans le Psaume 78.
« Que de fois ils l’irritèrent dans le désert, et le provoquèrent dans le lieu désole!
Et ils recommencèrent et tentèrent Dieu, et affligèrent le Saint d’Israël:
ne se souvinrent pas de sa main au jour où il les avait délivrés de l’oppresseur,
Lorsqu’il mit ses signes en Egypte, et ses prodiges dans les campagnes de Tsoan,
il changea en sang leurs fleuves et leurs courants d’eau, de sorte qu’ils n’en pussent pas boire;
Il envoya contre eux des mouches qui les dévorèrent, et des grenouilles qui les détruisirent;
Et il livra leurs fruits à la locuste, et leur travail à la sauterelle.
Il fit périr leurs vignes par la grêle, et leurs sycomores par les grêlons;
Et il livra leur bétail à la grêle, et leurs troupeaux à la foudre.
Il envoya sur eux l’ardeur de sa colère, la fureur, et l’indignation, et la détresse, une troupe d’anges de malheur.
Il fraya un chemin à sa colère; il ne préserva pas leurs âmes de la mort, et livra leur vie à la peste;
Et il frappa tout premier-né en Egypte, les prémices de la vigueur dans les tentes de Cham.
Et il fit partir son peuple comme des brebis, et les mena comme un troupeau dans le désert; »
Psaume 78 : 40-52 (Darby)
Cette inscription (ainsi que celle de Sinaï 375a qui mentionne Akhisamac) ne contient pas de date mais le Professeur Petrovitch lui donne une date dans la 18ème Dynastie, autour de 1446 av JC, en se basant sur des restes de poteries de cette période retrouvées dans les cavernes. David Rohl, qui est en faveur de l’Exode ayant lieu à la fin de la 13ème Dynastie, fait remarquer que la poterie ne peut être utilisée que pour dater les objets trouvés dans la même couche que la poterie lorsqu’il est question de restes stratifiés dans le sol. Donc une inscription séparée sur un mur de pierres ou une stèle au-dessus du sol ne peut être liée à aucune découverte de poterie, surtout les sites dans un endroit connu pour avoir une longue histoire comme celui-ci.
Petrovitch a répondu que le principe auquel Rohl fait référence ne s’applique pas à une mine creusée mais uniquement aux sites où l’architecture a connu plusieurs phases de construction/reconstruction avec de nouveaux niveaux de planchers qui ont évacué les anciens matériaux régulièrement. Par contraste, Petrovitch note que ces boyaux de mines n’étaient utilisés que par un groupe de males qui se rendaient à ce site éloigné qu’une fois par an pour l’activité minière saisonnière ou annuelle. Il n’y avait pas de servantes, de services de nettoyage ou de rénovation des boyaux miniers. Si les mines qui montrent des inscriptions datant du Nouvel Empire avaient été utilisées à des périodes antérieures, il existerait des preuves visibles préservées dans les boyaux. Or, il n’y en a pas.
Bien que le Professeur Petrovitch admet que les preuves de poterie que l’on peut dater ne sont pas une garantie de la première utilisation des mines, il estime qu’il existe suffisamment d’éléments, selon plusieurs moyens, pour s’assurer que ces mines n’étaient pas en service durant le Moyen Empire. Et donc le débat continue. Petrovitch pense que sa reconstruction du développement des premières écritures hébraïques soutient fortement son estimation selon laquelle ces inscriptions sont datées du Nouvel Empire. Encore une fois, que l’on parle de la fin de la 13ème Dynastie ou du début de la 18ème Dynastie, ces inscriptions semblent précéder l’idée d’un Exode au temps de Ramsès II de plusieurs siècles.
Dans un article de Breaking Israel News, Petrovitch évoque d’autres phrases à forte ressemblance biblique qu’il a déchiffrées. L’une d’elle, « le vin est plus abondant que la lumière du jour, que le boulanger, que l’homme libre » a été trouvée dans une inscription de la fin de la 12ème Dynastie.
Une autre inscription (celle-ci provenant de Sinai375a et plus proche de l’époque de l’Exode) indique : « Celui qui a été élevé est las à oublier ». Elle provient de l’inscription qui porte le nom d’Akhisamac et elle est dans une forme habituellement utilisée pour des messages autobiographiques. Bien que le Professeur Petrovitch n’ait pas vérifié ce lien, je trouve la phraséologie étrangement similaire au récit de Jospeh élevé au rang de second après le Pharaon, après avoir été vendu par ses frères. Ce geste le mènera à l’esclavage en Egypt, puis à la prison pour plusieurs années avant d’être élevé. Donc la question est de savoir si ce texte s’identifie ou fait allusion au récit de Jospeh ou si c’est simplement une coïncidence d’utilisation des mots. Dans les deux cas, il semble que cela soutienne l’idée que le texte est en Hébreu.
[Le son Manassé ressemble à la phrase hébraïque de « faire oublier »]Petrovitch explique que d’autres langages sémitiques ne proposent pas un résultat intelligible pour ces inscriptions, raison pour laquelle elles n’avaient jamais été interprétées auparavant. Et peu ont pensé que les Israélites aient pu vivre si tôt dans l’histoire, donc l’option de l’Hébreu n’était pas envisagée. Cette version primitive d’Hébreu peut être vue comme « l’Hébreu 1.0 » et selon Petrovitch, elle est la seule qui fonctionne pour traduire les inscriptions égyptiennes. « Il y a eu beaucoup de moment d’étonnement le long du chemin » dit-il « parce que je tombais sur des personnages bibliques qui n’avaient jamais été trouvés dans les annales épigraphiques, ou que je voyais des connections que je n’avais jamais compris jusque-là. »
Petrovitch poursuit : « Mes découvertes sont très controversées parce que si elles sont exactes, elles réécriront les livres d’histoire et saperont beaucoup des hypothèses et conceptions erronées à propos du peuple Hébreu antique et de la Bible qui sont devenues communément acceptés dans le monde universitaire et enseignées comme des faits dans les principales universités du monde . »
Comme on pouvait s’y attendre, la contestation a promptement suivi la conférence de Petrovitch à l’ASOR. La critique principale jusqu’ici est venue du Professeur Christopher Rollston de l’Université Georges Washington, l’un des principaux universitaires américains dans les domaines de l’épigraphie et des inscriptions antiques de la région du Levant. Le 10 décembre 2016, il a publié un article sur son site web intitulé : « Les inscriptions Protosinaïtiques 2.0 : Langage et écriture cananéennes, pas hébraïques. (en anglais) » Il y affirme :
« En ce qui concerne l’écriture des inscriptions de Serabit el Khadem et Wadi el-Hol, les meilleurs termes sont « Alphabet primitif » ou « Cananéen ». Certains préfèrent le terme «écriture protosinaïtique ». Chacun de ces termes est acceptable. Mais il est absolument et empiriquement inexact de suggérer que l’écriture de ces inscriptions est une écriture hébraïque, ou phénicienne, ou araméenne, ou Moabite, ou Ammonite, ou Edomite. L’écriture de ces inscriptions… n’est pas l’une des écritures nationales distinctive (Phénicienne, Hébreu, Araméenne, etc) mais plutôt l’ancêtre primitif de l’ensemble de ces écritures et nous appelons cet ancêtre primitif « Alphabet primitif ». »
Le Professeur Rollston explique que ces inscriptions ne peuvent pas être appelées « Hébreu » parce qu’elles sont clairement « Alphabet primitif » ou « Cananéen » (ce que beaucoup appellent Proto-cananéen ou protosinaïtique), et le Cananéen ne peut pas être défini comme tel ou tel langage, donc ça ne peut pas être de l’Hébreu. Mais Petrovitch s’oppose au principe même et à la pensée conventionnelle que l’écriture en Alphabet primitif ne peut pas être reliée à un langage national en particulier. De façon évident, un certain groupe de Sémites parlant un certain langage particulier l’a développé – donc pourquoi pas les Hébreux ? Les inventeurs de l’écriture en Alphabet primitif devaient être les Hébreux ou les Phéniciens ou les Araméens ou les Moabites ou les Ammonites ou les Edomites ou les Madianites, etc. L’un d’entre eux a été le premier. Et il se trouve justement que les Hébreux étaient en Egypte juste au moment où cette écriture sémitique a été adaptée des hiéroglyphes en symboles alphabétiques, et ces inscriptions primitives évoquent justement des noms de personnages issus du récit biblique des Israélites en Egypte et plus tard de l’Exode.
Il est vrai qu’il existe une écriture appelée « Hébreu » (ou Paléo-Hébreu) qui peut être constatée dans des inscriptions datant d’autour de 1000 ou 900 av. JC et cette écriture « hébraïque » est différente de l’écriture alphabétique primitive. Mais personne ne conteste ce fait. La question est de savoir s’il existe un précurseur à cette écriture – une forme primitive d’hébreu (que Petrovitch aime appeler « Proto-Hébreu consonnantal » – qui serait le premier alphabet de l’histoire et qui a été appelé Alphabet primitif (ou Proto-cananéen) jusqu’à aujourd’hui. Cette écriture aurait ensuite été développée en plusieurs branches utilisées par les différents groupes ethniques de la région, comprenant un développement progressif dans des formes ultérieures d’Hébreu comme celui qu’on appelle aujourd’hui Paléo-Hébreu aujourd’hui. Le nouveau livre de Petrovitch expose exhaustivement ce processus. Il présente des faits montrant que les lettres hébraïques ont évolué constamment devenant moins pictographique avec le temps, jusqu’à devenir au final des lettres majuscules.
Rollston concentre l’essentiel de ses critiques sur les interprétations par Petrovitch de certains mots comme étant de l’hébreu alors qu’ils apparaissent, en fait, dans d’autres langages sémitiques et peuvent avoir plusieurs significations possibles. Mais une large partie du raisonnement de Petrovitch repose sur le contexte de ces inscriptions qui utilisent des noms uniquement bibliques dans la période de temps correcte ou ces personnages existaient. De plus, son étude repose sur l’affirmation que certaines de ces inscriptions n’ont de sens que lorsque les mots hébreux leur sont alloués au lieu des autres options. Pour évaluer la solidité du raisonnement, les savants devront lire l’ensemble du travail exposé dans le nouveau livre de Petrovitch, ce que personne n’a pu faire jsuqu’ici. Petrovitch expose ses découvertes en entier dans les premiers des livres qu’il prépare ; The World’s Oldest Alphabet (en anglais) disponible en pré-commande chez Carta Jerusalem.
Dans un échange sur Facebook, David Rohl a estimé qu’il était valide, pour Rollston, de classifier ces écritures primitives comme sémitiques. Mais Rohl a indiqué que les raisons de Rollston de ne pas considérer l’Hébreu comme le type de langage sémitique impliqué dépendent de sa vision selon laquelle les Israélites n’existaient que dans les siècles immédiatement avant Ramsès II et pas aussi tôt que le sont ces inscriptions. Si la vision de Rohl (ou de Petrovitch) est vérifiée, les Israélites étaient dans la région à la 12ème Dynastie et l’Hébreu devrait être considéré comme un candidat légitime pour ces inscriptions alphabétiques primitives. Rollston a répondu :
« Oh, David, tu as tellement complètement tort sur tant de choses. Cela ne me servira à rien d’essayer encore une fois de de le montrer…ça ne servirait à rien. Donc désolé. Mon analyse est basée sur des inscriptions existantes et des éléments de diagnostic de langage et d’écriture. Que ton cœur soit béni. Porte-toi bien et sois prospère. Sincèrement, Chris »
L’absence de volonté d’aborder cet aspect important du débat a mené Rohl a baisser les bras et dire qu’il n’y a pas moyen de contraindre les savants à remettre en cause leur traditions tenues depuis longtemps – l’inertie universitaire est difficile à surpasser. Nous projetons de continuer le débat dans nos prochains épisodes de la série « Patterns of Evidence » avec, espérons-le, la participation de Douglas Petrovitch et Christopher Rollston.
Le Professeur Petrovitch a fait le résumé suivant : « La vérité ne peut pas être tuée, donc si j’ai raison, mes découvertes survivront à l’examen des universitaires. En tout état de cause, je n’ai aucun doute sur le fait que l’Hébreu est le plus ancien alphabet du monde. »
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