Tout le comportement de cet homme trahissait une pensée propre à ce que j’appellerais la « bourgeoisie intellectuelle du 19ème et d’une bonne partie du 20ème siècle », la maladie de l’Occident : « le monde est laid, vil, méprisable. Il faut s’échapper, s’évader en méprisant quelque chose et en exaltant autre chose jusqu’au fantasme. Et pour preuve de ce que je vous dis, voyez les témoins du passé. Voyez Phidias, voyez ailleurs Louxor, Angkor Vat et ses temples… Voyez l’étonnant culte esthétique rendu à ces témoins muets du passé. Aujourd’hui cette même « bourgeoisie » s’adonne au culte du corps et des plages via le club Med.
La tendance de cette fin du 20ème et du début du 21ème siècle se serait plutôt inversée depuis 68 et sa révolution culturelle : « Voyez comme le monde est pourri, laid, cruel et méchant, pornographique, pédophile et odieux, mais roulons-y joyeusement. » Retour de balancier, reflux, malédiction en phase d’achèvement.
C’est le discours cynique de la bourgeoisie de droite dont les fils sont gauchistes par ennui esthétique. Voyez-vous, les choses vont et viennent et puis finissent par se ressembler. Certains cherchent un monde idéal hors du réel, d’autres le cherchent en s’y vautrant. Mais les deux divisent le monde en deux, le monde du beau, du laid. « Et pourtant il n’y a pas de pire enfermement intellectuel que celui de la définition du beau d’une culture à l’autre. »
Je suis toujours très surpris de voir la réaction de mes frères lorsque je leur annonce que, pour moi, ma femme était au sommet de sa beauté lorsqu’elle était enceinte. Pour moi la chose était évidente car elle était dans cet état à aimer infiniment, donc… belle. Et cette façon de séparer là aussi les choses, comme on sépare la main travailleuse de l’esprit qui féconde, fait froid dans le dos.
Le monde autour de nous n’est jamais laid que parce que nous l’avons fait tel, parce que nous avons projeté notre intérieur défiguré, déchiré, apeuré sur ce monde. La terre n’est que le témoin pantelant de nos folies, de notre perversion, de notre chute et elle soupire pourtant toute entière après la révélation des fils de D.ieu, ne l’oublions pas. (Rom. 8, v.19).
C’est nous qui sommes souillés, c’est nous qui sommes malades et qui avons besoin d’être guéris. C’est de l’intérieur de notre temple que sortent toutes sortes de monstres .
Chercher un monde idéal en dehors de ce monde où il nous est donné de vivre maintenant, c’est au fond démontrer l’incroyable mépris ou ignorance que nous avons des vérités essentielles concernant notre condition de pécheurs, d’hommes relatifs mais heureusement manuels et intellectuels, c’est-à-dire déjà spirituels dans une appréhension du monde plus complexe et plus modeste à la fois. Nous rouler dans la fange du mal comme c’est la tendance cynique du monde aujourd’hui, c’est démontrer notre lâcheté face à cette même condition de pécheur. C’est le revers d’une même médaille.
Dans les deux cas, le déclencheur originel de la démarche, c’est l’orgueil.
Pour continuer, amis lecteurs, retenons que la perte de contact avec le D.ieu Unité, le D.ieu « Ehad » qui manifeste Son amour depuis le premier jour de la création jusqu’au dernier, en harmonie de la première virgule à la dernière virgule de l’Histoire de l’Humanité, fait que l’homme sombre dans la peur et crée un système de valeurs du haut et du bas.
Ainsi, le Moyen-Age, en Occident, a-t-il établi deux castes d’individus que tout opposait et rendait d’autant plus pourtant dépendants l’un de l’autre : en gros, le seigneur et le serf. La loi salique (des Francs dits saliens) et antérieure au Moyen-Age, établissait, elle, ce qui aggravait encore le cas de ce type de société, que tout l’héritage du père devait passer au fils aîné, ce qui revenait à dire que les suivants devaient se débrouiller à peu près seuls pour survivre. Beaucoup disparaissaient faute de moyens ou devenait moinillons sans conviction, ou bandits de grands chemins, soudards errants, ou devenaient farouches opposants. Les vikings pratiquaient eux aussi un droit d’aînesse impitoyable pour les cadets et suivants. C’est ce qui poussait le plus souvent ceux-ci à monter sur leur fameux drakkars et partir au loin faire un pillage féroce. Une bonne partie du monde connu de l’époque eut à en souffrir dramatiquement. La dureté de cœur de leur pères était démultipliée au bout de l’épée sauvage des fils par la frustration.
Ainsi, sur un arrière-plan de peur (la peur toujours) et d’orgueil fou, peur de ne pas pérenniser son nom, son vécu, sa fortune, sa gloire, au-delà de son départ final dans la mort, que sais-je d’autre, un homme favorisait exclusivement un de ses enfants, le fils aîné, en créant une zone d’exclusion et de pauvreté pour les autres.
Il est à noter que dans l’Écriture sainte et la tradition patriarcale biblique l’accent était mis aussi sur le droit d’aînesse mais que, très étonnamment, ce droit d’aînesse y fut régulièrement bouleversé. Voyez Esaü et Jacob, Manassé et Ephraim. Rappelez-vous Caïn et Abel. N’est-ce pas le second qui fut agréé par D.ieu ? Ne devons-nous pas méditer sur Ismaël et Isaac dans cette optique et d’une certaine manière ? Il y a là tout un intéressant message qui honore la sagesse infinie de D.ieu dans l’Histoire des hommes et la trace de son élection.
Revenons à nos Francs saliens qui nous donnèrent des Clovis et autres Charlemagne (prototype du tyran antichristique européen) et à leur impitoyable droit d’aînesse qui régit encore, vestige vivace, une bonne partie des cours d’Europe.
De tels schémas, sous des formes différentes mais semblables sur le fond, se manifestent encore dans nos sociétés aujourd’hui.
Voyez l’enrichissement phénoménal de certains et l’appauvrissement lent et progressif mais certain de la plus grande majorité des individus dans le circuit dit pourtant du libre échange mondial à l’heure actuelle. A travers toute l’Histoire européenne et malgré les révolutions que l’on sait, ce phénomène est finalement récurrent, en éternel retour semble-t-il. Un monde de la séparation, de la déchirure et de la peur où le fort, finalement, construit sa « force » en écrasant et en s’isolant de l’autre qui n’a d’autre choix que de devenir le faible.
J’ai découvert ces schémas dans le relationnel qui imprègne d’une manière bien plus profonde que nous le pensons le relationnel entre serviteurs de Dieu eux-mêmes. J’ai ainsi mis un terme à près de dix ans de relations avec toute une structure et son leadership en France dont le discours était au fond le suivant : « Deviens faible entre nos mains ou nous t’écraserons ». Ne croyez pas que j’exagère ! Il revient à D.ieu de nous briser selon Sa sagesse mais tant d’hommes tentent de s’en charger comme viatique de leur pouvoir illusoire et mortel. Un homme de D.ieu s’écria paraît-il un jour à mon encontre : « Angot, il faut, je vais le briser ». Cet homme est mort aujourd’hui… Et c’est dans ces milieux, bien sûr, que les notions de paternité authentique, de couple biblique, de relationnel et de justice bibliques sont finalement les plus méprisées et bafouées. Je n’oserais même pas vous parler de la façon dont le diaconat est conçu dans de tels milieux. Il n’est même pas conçu en réalité, il est tout simplement assimilé, dans un état d’esprit dont nous venons quelque peu de dévoiler les arcanes, au bas de l’échelle, aux fondements souterrains d’une pyramide orgueilleuse où privilèges et compromis se distribuent comme en un Versailles et sa Cour. C’est à peine caricatural et nos milieux évangéliques français n’ont à cet égard guère à envier sur le fond à Rome dont l’Empire et l’Église ont sucé le même lait du même mythe fondateur. C’est celui de Romulus et Remus qui ne sont avec leur louve nourricière qu’une redite du trio Eve, CaÏn et Abel. L’aîné Caïn assassina son frère cadet. Il en fut de même entre Romulus et Remus. Un hasard ? Certes non !
Le monde du Seigneur et du serf n’est pas loin. Celui du cadet frustré et maudit (ou quasi) non plus. Bonjour les castes religieuses en terres évangéliques !
Si l’on observe les leaders qui se trouvent à la tête de tels systèmes religieux, on pourra observer que ce sont des personnalités marquées le plus souvent par la peur et l’insécurité, un manque de communion avec Dieu, un étrange aveuglement qui prend sa source, j’en ferais presque le pari, dans l’absence d’un propre vécu diaconal authentique dans leur passé. Question saine à poser donc à tout ministère ou leader : « Quand, où, comment fûtes-vous diacre ? »
Comme je suis interpellée sur le service accompli dans l’humilité, dans le corps !
Ramène tes enfants dans la joie de ce service accompli dans la simplicité de coeur.
Que beaucoup de façades d’orgueil tombent en milles morceaux (je le dis pour moi-même)
aussi.
Amen, et c’est pour tout un chacun…