La mère et l’enfant, et l’original de l’enfant
de « The Two Babylons (Hislop) »
… La première personne de la Divinité était mise de côté dans la pratique. Etant le grand D.ieu invisible qui n’intervenait en rien dans les choses de l’humanité, il devait être adoré dans le silence, c’est-à-dire qu’en réalité il n’était pas adoré du tout par la multitude
Le même trait est aujourd’hui mis en relief dans l’Inde d’une manière frappante. Quoique Brahma, d’après les livres sacrés, soit la première personne de la triade Hindoue, et que la religion de l’Hindoustan soit désignée par son nom, cependant on ne l’adore jamais, et dans l’Inde entière, c’est à peine s’il existe aujourd’hui un seul temple de ceux qu’on élevait autrefois en son honneur. Il en est de même en Europe, dans les pays où le système papal s’est le plus complètement développé. Dans l’Italie papale, de l’avis de tous les voyageurs (sauf là où l’Evangile a récemment pénétré) il n’y a presque plus aucune trace d’adoration du Roi Eternel et invisible, tandis que la mère et l’enfant sont les deux grands objets du culte. Il en était absolument de même dans l’ancienne Babylone. Les Babyloniens dans leur religion populaire adoraient par- dessus tout une mère déesse et son fils, qui était représenté dans les tableaux et par des statues comme un petit enfant dans les bras de sa mère. De Babylone le culte de la Mère et de l’Enfant se répandit jusqu’au bout du monde. En Egypte, la Mère et l’Enfant étaient adorés sous les noms d’Isis et d’Osiris*. Dans l’Inde, même aujourd’hui, sous les noms d’Isi et d’Iswara. En Asie, c’est Cybèle et Deoius. Dans la Rome païenne, la Fortune et Jupiter Puer, ou Jupiter l’enfant. En Grèce, Cérès la grande Mère avec un nourrisson au sein, ou Irène, la déesse de la paix, avec l’enfant Plutus dans les bras, et même au Tibet, au Japon, en Chine, les missionnaires Jésuites ont été bien surpris de trouver la contrepartie de la Madone et son enfant adorés aussi dévotement que dans la Rome papale elle-même ; Shing Moo, la Sainte Mère des Chinois était représentée avec un enfant dans les bras, et entourée d’une gloire, absolument comme si un artiste catholique romain avait pris soin de la peindre.
L’original de cette mère si généralement adorée était, nous avons des raisons de le croire, cette même Sémiramis dont nous avons déjà parlé. Elle était adorée par les Babyloniens et d’autres peuples de l’Orient sous le nom de Rhéa, la grande déesse Mère.
C’était du fils, cependant, qu’elle tenait toute sa gloire et tous ses titres à la déification. Ce fils, quoique représenté comme un enfant dans les bras de sa mère, était une personne d’une grande stature, d’une immense force corporelle, et aux manières séduisantes. Dans l’Ecriture il est désigné sous le nom de Tammuz (Ezéch. 8:14) mais les écrivains classiques l’appellent d’ordinaire du nom de Bacchus. C’est-à-dire « le Regretté ». Le nom de Bacchus ne rappelle au lecteur ordinaire qu’une idée de débauches et d’ivrognerie, mais on sait aujourd’hui que dans toutes les abominations qui accompagnaient ses orgies, on poursuivait ouvertement ce grand but : la purification des âmes, c’est-à-dire leur délivrance du péché et de ses souillures. Le dieu Regretté qu’on exposait et qu’on adorait sous la forme d’un petit enfant dans les bras de sa mère paraît avoir été le mari de Sémiramis, dont le nom, Ninus, par lequel il est ordinairement connu dans l’histoire classique, signifie littéralement le Fils. Comme Sémiramis, la femme, était adorée sous le nom de Rhéa, dont le caractère distinctif était celui de la grande mère déesse, la réunion de l’épouse avec l’époux sous le nom de Ninus ou le Fils, suffisait à expliquer l’origine du culte étrange de la Mère et du Fils, si répandu parmi les nations de l’antiquité ; et c’est là sans doute l’explication de ce fait qui a tant embarrassé ceux qui se sont occupés de l’histoire ancienne, que Ninus est quelquefois appelé l’époux, et quelquefois le Fils de Sémiramis. C’est aussi ce qui explique l’origine de la même confusion des rapports qu’il y avait entre Isis et Osiris, la Mère et l’enfant des Egyptiens ; car, ainsi que le montre Bunsen, Osiris était représenté en Egypte à la fois comme le fils et le mari de sa mère, et portait comme titre de dignité et d’honneur le nom de mari de la mère. Ces détails jettent encore de la lumière sur ce fait déjà remarqué, que le dieu Hindou Iswara est représenté comme un nourrisson au sein de sa propre femme Isi, ou Parvati.
Or ce Ninus, ou le Fils, porté dans les bras de la Madone Babylonienne, est décrit de telle manière que nous pouvons l’identifier avec Nimrod.
* Osiris, comme l’enfant appelé Horus
NEMROD (Nimrod)
Le nom de Nemrod tel que le connaissaient les Grecs était Nebrod. Le nom du faon, c’est-à-dire le tacheté, était en Grèce Nebros. Ainsi rien de plus naturel que ce Nebros, le faon tacheté, soit devenu le synonyme de Nebrod lui-même. Quand donc le Bacchus de la Grèce fut symbolisé par Nebros ou le tacheté, comme nous le verrons, quel pouvait être ce dessein, sinon de l’identifier secrètement avec Nemrod ?
Nous avons la preuve que ce dieu dont l’emblême était le Nebros était connu comme étant de la race de Nemrod. Nous lisons dans Anacréon que l’un des titres de Bacchus était Aithiopais. C’est-à-dire le fils d’Ethiops. Mais qui était Ethiops ? De même que les Ethiopiens étaient Cushites, ainsi Ethiops était Cush : Chûs, dit Eusèbe, était le père de Ethiopiens. – Le témoignage de Josèphe tend au même but. Comme père des Ethiopiens, Cush était Ethiopien, par manière de supériorité. Aussi Epiphane parlant de l’origine de Nemrod dit ceci : Nemrod fils de Cush, l’Ethiopien. Or comme Bacchus était le fils d’Ethiops ou Cush, ainsi il était dépeint comme un jeune homme ou comme un enfant, et ce jeune homme ou enfant était représenté d’ordinaire avec une coupe à la main. Cette coupe faisait de lui pour la foule le dieu de l’ivrognerie et des festins, et il est hors de doute que ces orgies, ces festins se pratiquaient sur une large échelle ; mais après tout cette coupe n’était qu’un hiéroglyphe, celui du nom de ce dieu. Le nom de la coupe, dans le langage sacré, était khûs, et ainsi la coupe dans la main du jeune Bacchus fils d’Ethiops, montrait qu’il était le jeune Chûs, ou le fils de Chûs. Dans la figure ci-jointe (fig. 22), la coupe dans la main droite de Bacchus est élevée d’une manière si significative, qu’elle fait naturellement penser que c’était un symbole, et quant au rameau que tient l’autre main, nous avons la preuve expresse que c’était aussi un symbole. Mais il est à remarquer que cette branche n’a point de famille qui en détermine la nature. Il faut donc que ce soit un emblème générique d’une branche ou le symbole d’une branche en général ; et par conséquent elle a besoin de la coupe comme d’un complément pour déterminer spécifiquement l’espèce de cette branche.
Il faut donc considérer ces deux symboles ensemble, et si on les considère ainsi ils sont exactement équivalents à la branche de Chûs c’est-à-dire au rejeton ou fils de Cush.
Il y a un autre hiéroglyphe qui se rattache à Bacchus et qui confirme fortement ce que nous venons de dire ; c’est la branche de lierre. Aucun emblème ne caractérisait si nettement ce culte. Partout où l’on pratiquait les cérémonies de Bacchus, partout où l’on célébrait ses orgies, la branche de lierre apparaissait infailliblement. Le lierre sous une forme ou une autre, était essentiel à ces céré- |
|
monies. Les spectateurs le portaient dans leurs mains, s’en entouraient la tête, ou avaient la feuille de lierre gravée sur leur corps d’une manière indélébile. Quel pouvait en être l’usage ? Quelle en était la signification ? Quelques mots suffiront à le montrer. Tout d’abord, nous avons la preuve que Kissos le nom grec du lierre, était l’un des noms de Bacchus. Nous savons aussi que les Grecs appelaient d’ordinaire les descendants de Cush (nom bien connu cependant des prêtres dans les mystères) non pas d’après la coutume orientale, mais Kissaioi, ou Kissioi. Ainsi Strabon, parlant des habitants de Susa, qui étaient du Chusistan, ou de l’ancien pays de Cush, dit ceci : les Sussiens sont appelés Kissioi c’est-à-dire évidemment Cushites ; or si les Kissioi sont Cushites, Kissos est le même que Cush. Et de plus la branche de lierre qui occupait une place si importante dans les fêtes des Bacchanales était un symbole formel de Bacchus lui-même ; ainsi Hésychius nous assure que Bacchus tel qu’il est représenté par son prêtre était connu dans les mystères comme étant la Branche. On voit donc par là comment Kissos, le nom grec de lierre, devint le nom de Bacchus. Comme fils de Cush, et lui étant identifié, il était quelquefois désigné par le nom de son père. Et cependant ses rapports avec son père étaient essentiellement indiqués par la branche de lierre ; car la branche de Kissos, qui pour le profane vulgaire n’était autre chose qu’une branche de lierre, était pour les initiés la branche de Cush.
Or, ce dieu, reconnu comme le rejeton de Cush, était adoré sous un nom, qui tout en lui étant approprié sous le caractère vulgaire de dieu de la vigne, le représentait aussi comme le grand fortificateur. Ce nom était Bassareus, qui, dans son double sens, voulait dire à la fois le ramasseur de raisin ou celui qui récolte la vendange, et aussi celui qui entoure d’un mur. Ce dernier sens identifie le dieu grec au dieu égyptien Osiris, le chef puissant des constructions et au dieu Assyrien Belus, qui entoura Babylone d’une muraille.
Ainsi l’Assyrie, l’Egypte, la Grèce, nous fournissent des preuves accumulées et éclatantes qui toutes contribuent à démontrer que l’enfant adoré dans les bras de sa mère dans tous ces pays, sous le divin caractère de Ninus, ou Nin, le Fils, était Nemrod, fils de Cush. On a pu emprunter ici un trait, là un autre à quelque héros qui lui a succédé, mais il nous paraît hors de doute que Nemrod fut le prototype, l’original de cet enfant.
Le développement vraiment inouï du culte de cet homme montre que son caractère avait quelque chose d’extraordinaire et il y a là bien des raisons de croire qu’à son époque il était l’objet d’une grande popularité. Bien qu’en s’établissant comme roi, Nemrod ait détruit le système patriarcal et diminué les libertés de l’humanité, le grand nombre vit cependant en lui le bienfaiteur des hommes. Ces bienfaits les dédommageaient largement de la perte de leurs libertés, et le couvraient de gloire et de renommée.