C’est la guerre sainte, bande d’idiots
sept 07, 20145
Des brochettes et une bière. A l’ombre de la muraille antique de Melilla, mon interlocuteur – trente ans d’amitié complice – se penche sur la chaise et sourit, amer. « Ils ne se rendent pas compte, ces idiots – dit-il-. C’est une guerre, et nous sommes dedans. C’est la troisième guerre mondiale et ils ne s’en rendent pas compte ». Mon ami sait de quoi il parle, car depuis longtemps il est soldat, dans cette guerre. Soldat anonyme, sans uniforme. De ceux qui souvent ont dû dormir avec un pistolet sous l’oreiller. « C’est une guerre – insiste-t-il en trempant sa moustache dans la mousse de sa bière-. Et nous sommes en train de la perdre par notre stupidité. En souriant à l’ennemi ».
Pendant que je l’écoute, je pense à l’ennemi.
Pendant que je l’écoute, je pense à l’ennemi. Et je n’ai pas besoin de beaucoup d’imagination, parce que, pendant une partie de ma vie, j’ai habité ce territoire. Habitudes, méthodes, manières d’exercer la violence. Tout m’est familier. Tout se répète, comme se répète l’Histoire depuis l’époque des Turcs, de Constantinople et des croisades. Même depuis les Thermopyles. Comme elle s’est répétée en Iran, où les imprudents là bas et les imbéciles ici ont applaudi la chute du Shah et l’arrivée du libérateur Khomeini et de ses ayatollas.
Comme elle s’est répétée dans une bave indiscriminée devant les printemps arabes divers, qui la fin – à la surprise des idiots professionnels – se sont avérés être les préludes d’hivers très noirs. Des hivers qui devraient, d’un autre côté, quand les mots liberté et démocratie, des concepts occidentaux que notre ignorance nous fait croire exportables tel quels, comme cela, en croyant à la bonté du cœur humain, finissent par être administrés par des curés, des imams, des prêtres ou quelque soit le nom que nous voulons leur donner, des fanatiques avec ou sans turban, qui tôt ou tard rendent de nouveau vrai, pour leurs paroissiens fanatiques, ce qu’a écrit le baron d’Holbach au XVIIIe siècle : « Quand les hommes croient n’avoir peur que de leurs Dieux, ils ne s’arrêtent en général devant rien ».
Parce que c’est le Djihad, bande d’idiots.
Parce que c’est le Djihad, bande d’idiots. C’est la guerre sainte. Mon ami le sait, à Melilla, je le sais, moi, avec ma petite expérience personnelle, celui qui a été là bas le sait. Celui qui a lu l’Histoire le sait , ou celui qui est capable de regarder les journaux et la télévision avec lucidité. Le sait celui qui cherche sur Internet les milliers de vidéos et photos des exécutions, des têtes coupées, des enfants que l’on montre souriant aux personnes égorgées par leurs parents, des femmes et des enfants violés parce que infidèles à l’Islam, des adultères lapidées – comment les ultra féministes peuvent-elles se taire sur ce sujet, alors qu’elles sont par ailleurs si sensibles à d’autres imbécillités – des criminels égorgeant en direct tout en criant « Allah Akbar » et des dizaines de spectateurs les enregistrant avec leur putain de téléphone mobile. Le sait celui qui lit les pancartes exhibées par un enfant musulman- pas en Irak, mais en Australie – avec le texte: « Égorgez ceux qui insultent le prophète ». Le sait celui qui voit la bannière exhibée par un jeune étudiant musulman – pas à Damas, mais à Londres – où il prévient : « Nous utiliserons votre démocratie pour détruire votre démocratie ».
À l’Occident, à l’Europe, il a fallu des siècles de souffrance pour accéder à la liberté dont on jouit aujourd’hui.
À l’Occident, à l’Europe, il a fallu des siècles de souffrance pour accéder à la liberté dont on jouit aujourd’hui. Pouvoir être adultère sans qu’on vous lapide, ou blasphémer sans qu’on vous brûle ou qu’on vous vous accroche à une grue. Porter une jupe courte, sans qu’on vous traite de putain. Nous jouissons des avantages de cette lutte, gagnée après de nombreuses batailles contre notre propre fanatisme, dans laquelle trop de gens bien ont perdu la vie : des combats que l’Occident a livrés quand il était jeune et avait encore la foi.
Mais maintenant les jeunes sont autres : l’enfant à la bannière, le coupeur de têtes, le fanatique prêt à s’en prendre à trente infidèles et à aller au paradis. En termes historiques, ce sont eux les nouveaux barbares. L’Europe, berceau de la liberté, est vieille, démagogue et lâche ; alors que l’Islam radical est jeune, brave, et a faim, a le désespoir et les couilles, eux et elles, tout à fait à leur place.
Donner une mauvaise image sur Youtube, ils s’en moquent complètement : au contraire, c’est une autre arme dans leur guerre. Ils travaillent avec leur Dieu d’un côté et la terreur de l’autre, pour leur propre clientèle. Pour un Islam qui pourrait être pacifique et libéral, qui souvent le désire, mais qui n’y arrivera pas, pris au piège de ses propres contradictions, socio-théologiques.
Croire que cela se résoud en négociant ou en regardant ailleurs, c’est bien plus qu’une grande connerie. C’est un suicide
Croire que cela se résoud en négociant ou en regardant ailleurs, c’est bien plus qu’une grande connerie. C’est un suicide. Regardez Internet, j’insiste, et dite moi ce que diable nous allons négocier. Et avec qui. C’est une guerre et il n’y a pas d’autre solution que de l’affronter. L’assumer sans complexes. Parce que le front du combat n’est pas uniquement là, de l’autre côté de la télévision, mais aussi ici. Au cœur même de Rome. Parce que – je crois que je l’ai écrit il y a longtemps, ou bien ce n’est pas moi – c’est contradictoire, dangereux et même impossible, de profiter des avantages d’être romain et en même temps, d’applaudir les barbares.
Arturo Pérez-Reverte
Traduction et adaptation Danièle Kaplan pour Europe-Israël – © Copyright Europe Israël – reproduction autorisée avec mention de la source et lien actif
source Perezrevertecom