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Déclin des paroisses : la théologie entre-t-elle en ligne de compte ?

By 13 août 2022août 18th, 2022Lève-toi !
PUBLIÉ PAR GERTRUDE LAMY LE 12 AOÛT 2022
Déclin des paroisses : la théologie entre-t-elle en ligne de compte ?

Source : Reformes

Des paroisses reliées au « Rassemblement pour un renouveau réformé«  (R3) en Suisse romande, comme celle reliées aux « Attestants » en France, à « Unio Reformata » en Belgique, ainsi qu’au « Landeskirchen Forum » en Suisse allemande, se portent bien et font preuve d’un dynamisme réjouissant.

Comment l’expliquer ? Parmi plusieurs facteurs se pose la question de la théologie. Est-ce grâce aux positions théologiques plus confessantes de ses membres et de ses ministres que ces paroisses maintiennent le nombre de leurs fidèles ou grandissent ?

Déjà en 1965 les sociologues américains Rodney Stark et Charles Glock ont constaté que les Églises ayant des confessions de foi classiques et des niveaux d’engagement élevés se portent mieux.[1] Ce fait a été noté dans plusieurs autres études depuis lors. « Pourquoi les Églises conservatrices grandissent ? » se demandait Dean Kelly, quelques années plus tard.[2]

Sur la base de ce constat le théologien luthérien W. Pannenberg lançait cet avertissement en 1994 : « Les Églises protestantes historiques risquent aujourd’hui d’abandonner l’essentiel de la foi chrétienne. A moins qu’elles ne changent, elles seront incapables d’offrir une solution de remplacement acceptable au vide spirituel. Ceci pourrait entraîner leur disparition ».[3]

Cette question continue à être très débattue en Amérique du Nord et fait également l’objet d’études en Europe. Ce ne sont d’ailleurs pas seulement les Églises « mainline » qui déclinent mais aussi certaines Églises évangéliques.[4]

A nouveau en 2016, une étude constate ce fait.[5] À l’aide d’enquêtes, elle a examiné les caractéristiques démographiques et religieuses des participants et du clergé d’un groupe de paroisses protestantes traditionnelles en expansion au Canada et les a comparées à celles de paroisses protestantes traditionnelles en déclin appartenant à la même région géographique et à la même dénomination.

Au total, 2255 participants de 22 paroisses (13 en déclin et 9 en croissance) ont participé à cette enquête avec leurs ministres. Plusieurs différences notables entre les caractéristiques des paroisses en croissance et en déclin ont été identifiées. Après que d’autres facteurs aient été contrôlés, le positionnement théologique est apparu comme un facteur important pour comprendre la croissance des paroisses.

Selon cette recherche, 93% des pasteurs de paroisses qui se portent bien déclarent adhérer à la phrase « Jésus est revenu de la mort avec un corps réel de chair et de sang, laissant derrière lui un tombeau vide », contre 56% des pasteurs des paroisses en décroissance. Et 71% des pasteurs des paroisses en croissance disent lire leur Bible quotidiennement, contre 19% des pasteurs de congrégations qui déclinent.

« La théologie entre en ligne de compte », conclut cette étude qui estime avoir démontré que les membres et les ministres des paroisses en croissance restent plus fermes sur les croyances chrétiennes traditionnelles, qu’ils pratiquent davantage la prière et la lecture de la Bible et ont une plus grande ouverture à l’idée que Dieu agit dans le monde.

En Suisse aussi

Ce constat est également fait en Europe. Le sociologue Jörg Stolz, directeur de l’Institut de sciences sociales des religions de l’université de Lausanne, a lancé un pavé dans la mare en titrant un article dans le quotidien « Le Temps : « Une religion trop libérale aura du mal à survivre ».[6] Sa conclusion est claire : « Si le libéralisme est poussé tellement loin qu’une religion ne se distingue que peu de la société sécularisée environnante, elle aura du mal à survivre. Être membre ne voudra alors plus dire grand-chose ».

Dans un autre livre, son analyse sociologique conclut que le flottement confessionnel « désastreux » des Églises réformées conduit à l’effritement. « D’un point de vue théologique, il y a peut-être de bonnes raisons de renoncer à une confession de foi et à des critères d’appartenance bien définis, de ne pas vouloir se démarquer de qui que ce soit, et de maintenir sa propre institution dans une position aussi faible que possible. Mais du point de vue de l’économie et de la sociologie des organisations, pareille « stratégie d’entreprise » est purement et simplement désastreuse ».[7]

L’ouvrage montre également le positionnement ambigu et parfois contre-productif des Églises réformées qui revendiquent le pluralisme comme identité réformée. Elles se définissent essentiellement par leur acceptation du pluralisme et par leur caractère ouvert et inclusif. La faiblesse de cette position est qu’elle n’encourage pas, contrairement aux paroisses confessantes, un engagement pourtant indispensable à la survie des paroisses.

« Ou se redéfinir, ou disparaître », tel est le constat de Pierre Glardon et Eric Fuchs, dans leur étude sur les turbulences des Églises réformées en Suisse romande. [8] Leur dégringolade due notamment à leur pluralisme exacerbé n’a fait que de s’accentuer. Dix après la publication de leur ouvrage, l’Église évangélique réformée du canton de Vaud reconnait l’accélération très rapide de cette tendance. Entre 1960 et 2018, le nombre de baptêmes a diminué de 85%. Mais entre 2016 et 2019, cette diminution est de 40%. De même, en 2019 46% de moins de jeunes finissent leur catéchisme par rapport à 2016.[9]

Qu’en est-il aujourd’hui au sortir de l’épreuve du coronavirus ? Quelles initiatives les directions d’Églises réformées vont-elles proposer pour consolider l’engagement de leurs membres ? Comment vont-elles donner une place au courant théologique « confessant » en leur sein ? Auront-elles le courage de se redéfinir ?

Photo: Culte dans l’église de ma paroisse du Mont sur Lausanne

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