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Kippour et Aïd al-Adha: entre jeûne et festin (i24News)

By 2 octobre 2014Etz Be Tzion

Le jour le plus saint du judaïsme coïncide cette année avec la fête musulmane la plus importante

Nazareth Illit – Deux jours avant Yom Kippour, le jour saint de l’expiation des péchés dans le judaïsme, un chauffeur de taxi de confession juive, stationné en face du centre commercial de Nazareth Illit (la partie juive, non pas la Nazareth arabe située en contrebas), semblait vraiment décidé: “je vais partir d’ici vendredi, à la veille de Yom Kippour. Je suis né à Nazareth Illit il y a plus de 50 ans, mais depuis l’an 2000, je n’ai plus jamais passé Kippour dans ma ville. Ce n’est pas tellement par peur, bien que je me souvienne du traumatisme de Yom Kippour d’octobre 2000. C’est plutôt à cause de la nature changeante de la ville et le nombre croissant d’Arabes qui ruinent l’atmosphère solennelle de Yom Kippour. Je préfère donc passer Kippour ailleurs”.

Dudu Fried/Ynet“Unrest in Jaffa during the October Riots of 2000”Dudu Fried/Ynet

Deux jours avant l’Aïd Al-Adha, la fête musulmane du sacrifice, qui coïncide cette année avec Yom Kippour, un jeune Arabe vendeur de billets de loterie dans un centre commercial à Nazareth Illit semblait indifférent: “ça fait 14 ans qu’ont eu lieu les événements d’octobre 2000. C’est de l’histoire ancienne. Cette année, ça va être ok. Les Juifs vont célébrer leur fête sainte, nous allons célébrer la nôtre. Je suppose que la plupart de nos festivités auront lieu à Nazareth, pas dans la Nazareth juive. Nous avons appris avec l’expérience. Je ne m’attends à aucun problème”.

L’attitude des autorités israéliennes se situe quelque part entre le pessimisme du chauffeur juif et l’optimisme du vendeur arabe. Les affrontements de 2000 entre Juifs et Arabes dans les villes mixtes datent en effet de 14 ans, mais les cicatrices (physiques ou mentales) existent toujours. Pour les Arabes en Israël, c’est surtout la mort douloureuse de 13 jeunes Arabes tués par la police. Pour les Juifs israéliens, c’est la prise de conscience brutale que le tissu de la coexistence est mince et parfois inexistant. Les émeutes de Yom Kippour en 2000 ont commencé là où les chauffeurs de taxis stationnent et où le jeune homme de la loterie tient son kiosque.

Ce site aujourd’hui si banal s’était alors transformé en un véritable champ de bataille. Trois des victimes étaient des résidents arabes de Nazareth. Un mémorial en leur nom a été érigé dans un quartier arabe de Nazareth Illit, non loin du centre commercial. Les résidents juifs de Nazareth Illit ont encore à l’esprit le souvenir du long siège, lorsqu’ils ne pouvaient plus sortir de leur ville entourée par des villages arabes. Yom Kippour n’a plus jamais été pareil depuis. Certainement pas quand, par ironie du sort, il coïncide avec l’Aïd Al-Adha. Alors que le Juif appelle au silence et à l’arrêt de toute activité dans la sphère publique, tout tourne autour de la fête pour le Musulman, qui célèbre en organisant des barbecues et autres activités publiques. Il faudra beaucoup de bonne volonté, pas seulement un travail policier, pour équilibrer ces besoins contradictoires dans les villes mixtes juives et arabes.

Un court rappel du contexte historique est nécessaire pour comprendre la complexité de la situation: le vieux Nazareth, berceau du christianisme, est une ville arabe. Jadis majoritairement chrétienne, elle est désormais à majorité musulmane avec une minorité chrétienne.

À la fin des années 1950, le Premier ministre de l’époque, David Ben Gourion, ordonna de construire une ville juive surplombant le vieux Nazareth et de l’appeler Nazareth Illit. Ses motivations étaient sionistes, mais au fil des ans, les choses ont changé. Nazareth Illit est devenue, en réalité, une ville mixte. La localité n’est plus une ville avoisinant le vieux Nazareth, mais une ville mixte avec près de 19% de résidents arabes.

“Monument to Israeli Arab casualties of the October 2000 riots, Nazareth”

Comme presque toutes les villes mixtes en Israël, Nazareth Illit a un pourcentage élevé de russophones, les immigrants de l’ancienne Union soviétique. La trajectoire des Arabes et des «Russes» avait dès le départ tout pour entrer en collision. Beaucoup d’Arabes en Israël croient que l’intégration de l’immigration russe se fait à leur détriment, que les nouveaux arrivants privilégiés repoussent les vrais fils de cette terre, soit les Arabes.

Ce problème a frappé de plein fouet Saint Jean d’Acre, une autre ville mixte, lors de Yom Kippour en 2008. Ce qui avait commencé comme une dispute de voisinage s’est transformé en violence inouïe. Une scène a capturé l’essence profonde de l’affrontement. Deux femmes, au milieu de la route, se hurlaient dessus: “partez, c’est ma maison”, criait l’une d’elle avec un fort accent arabe alors que l’autre lui répondit de son accent russe: “vous, sortez d’ici, c’est mon pays”. Depuis, le Yom Kippour de Saint Jean d’Acre de 2008 est devenu un autre jalon dans l’histoire des villes mixtes, un jour dont se souviennent les forces de police israélienne.

En 2014, Yom Kippour ne pouvait pas survenir à un moment plus explosif. En plus de coïncider avec l’Aïd al-Adha, il arrive après la guerre à Gaza, une question incendiaire pour la population arabe en Israël. Compte tenu de tous ces facteurs, il n’est pas étonnant que les responsables locaux et la police soient nerveux.

“J’espère que les résidents arabes ne feront pas de pique-niques en plein air et des barbecues pendant Yom Kippour”, a confié à i24News le maire de Nazareth Illit, Alexander Gadalkin, 40 ans.

“Nous continuons d’avoir de nombreux entretiens avec la police ici, nous plaidons pour que les résidents arabes fassent preuve de retenue”, explique l’homme arrivé de Russie en Israël en 1990. Dans la vie de tous les jours, Gadalkin est préoccupé par le caractère juif de sa ville et des régions de Galilée en général.

“Ben Gourion avait une vision que les ministres de ce cabinet ne suivent pas”, se plaint-il. “Jadis, Israël avait des leaders forts, nous sommes maintenant dirigés par des conseillers juridiques qui sont principalement là pour nous dire ce que nous ne pouvons pas faire”.

courtesy“Alex Gadalkin, the mayor of Nazareth-Illit”courtesy

Gadalkin fait allusion à ce qui peut et ne peut pas être fait face à l’expansion du nombre de citoyens arabes dans sa ville. Mais c’est la fête de Kippour à venir qui demeure sa préoccupation la plus immédiate: “ils peuvent faire ce qu’ils veulent dans le quartier de Kramim, où ils représentent maintenant 99% des résidents. J’espère qu’ils resteront à l’écart des quartiers juifs et qu’ils célébreront l’Aïd tout en respectant Yom Kippour. Je crois que les trois membres arabes de notre conseil municipal et le maire de Nazareth travaillent avec moi à ce sujet”, espère-t-il.

Ali Salam, le maire fraîchement élu de la Nazareth arabe, est convaincu qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. En entrevue avec i24News, il tente de dédramatiser cette atmosphère d’inquiétude. “Laissons le passé se reposer”, dit-il. “Nous devons tourner une nouvelle page de notre coexistence. Je crois fermement que nous le pouvons”. Salam s’est abstenu de soulever la question auprès des habitants de sa ville. “Si je m’adresse à eux pour en parler, cela signifie que je pense qu’il y a un problème. Comme je ne crois pas qu’il y en a un, je préfère laisser la vie suivre son cours”.

Cette approche stoïque ne peut certainement pas être adoptée par la police en charge de l’ordre public, mais beaucoup dépendra du leadership local, à la fois juif et arabe.

Lily Galili est analyste de la société israélienne. Elle a cosigné un livre, “Le million qui a changé le Moyen-Orient” sur l’immigration d’ex-URSS vers Israël, son domaine de spécialisation.

 

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