En s’appuyant sur l’actualité, Gilles-William Goldnadel dénonce un climat anxiogène pour l’épanouissement de nos libertés. Selon lui, au nom de la sensibilité de chacun ou de la protection de l’environnement, la liberté de s’exprimer, rire ou manifester se restreint et nous regardons ailleurs.
Certes, je sais que je ne vis ni à Téhéran, ni à Moscou, ni à Caracas, ni à Alger. Je remercie tous les jours et le bon Dieu et la République laïque de m’épargner cela. Pourtant, j’affirme que je suis moins libre qu’il y a vingt ans et que mes libertés se rétrécissent chaque jour à vue de nez. Ma liberté de dire. Je me garde aujourd’hui de complimenter des dames que je ne connais pas bien. Hier encore, j’avais le compliment facile, naturellement et sans arrière-pensées. À présent, c’est fini.
Ma liberté de lire. Certes, nous ne sommes pas encore dans la situation des pays anglo-saxons, mais l’éditeur Autrement a renommé le roman de Joseph Conrad « Le Nègre du Narcisse » publié en 1897 en un autrement plus plat « Les Enfants de la mer ». Plus grave, les éditions du Masque, qui avaient déjà masqué les « Dix petits nègres » et troqué par le banal « Ils étaient dix » ont annoncé il y a un mois que certains passages des œuvres d’Agatha Christie allaient être remaniés. Bref, les correcteurs de sensibilité ont débarqué. La situation ne va pas s’améliorer. Ma liberté de rire. Michel Leeb, les Inconnus, Coluche ne pourraient plus aujourd’hui se produire. Le second degré est vivement déconseillé pour qui veut vivre sans problème dans cette nouvelle société.
Ma liberté d’aller et venir. Je ne parle pas seulement de l’impossibilité pour moi d’envisager de marcher en toute sécurité dans certains quartiers. Sans qu’il soit nécessaire d’insister. Je parle de ma liberté de circuler demain dans le monde. Mardi dernier, l’ingénieur Jean-Marc Jancovici proposait sans encombres au micro de France Inter d’instaurer « un système dans lequel, quand on est jeune, on a deux à quatre vols pour aller découvrir le monde. Ensuite, quand on est plus vieux, on part en vacances en Corrèze ou en train » . Me voilà donc menacé de ne plus pouvoir visiter mes enfants dans un pays du Proche-Orient. On aura compris que c’est pour le noble et impérieux motif de sauver la planète. Mais me voici aussitôt privé de ma liberté de douter, sous peine d’être catalogué de « climatosceptique » .
Dans son histoire, la gauche a parfois douté des goulags, de l’insécurité, de l’immigration ; bref, de la réalité. Mais il est défendu de ne pas adhérer à chaque phrase de chaque conclusion de chaque rapport du Giec. D’autant que le club des climatosceptiques est de moins en moins privé. Si l’on en croit un article du Monde du 29 mai, les climatosceptiques ne sont plus seulement ceux qui doutent du réchauffement climatique, mais également ceux qui contestent le rôle de l’homme dans celui-ci. L’éminent Steven E. Koonin, ancien conseiller scientifique de Barack Obama, auteur du best-seller aux États-Unis du très explicite Climat, la part d’incertitude (L’Artilleur 2022) indique pourtant, chiffres à l’appui, que rien n’est vraiment sûr, contrairement aux mensonges proférés par des ONG. L’ancien conseiller du président américain devrait-il être enfermé dans le ghetto construit par les anti-sceptiques intolérants à la moindre discussion ?
La liberté d’expression et de publication est elle aussi menacée par le collectif des Sleeping Giants. Ces géants pas si endormis que cela, se sont arrogés le droit décider quelles étaient les publications, les articles « haineux » qui ne méritaient pas de vivre. Après Boulevard Voltaire et Valeurs Actuelles, voilà que Causeur en est aussi victime. Ces Torquemada des temps faussement modernes, par les Anastasia aux ciseaux électroniques. Le plus farce, c’est que les chantres bruyants des libertés, loin de les rabrouer, traitent les géants intolérants avec des gants.
Liberté de manifester pacifiquement ? Pensez-vous. J’envisagerais demain de vouloir organiser une manifestation contre l’immigration illégale, ce qui n’aurait rien de très original puisque l’immense majorité du peuple français partage mes préoccupations, je ne suis pas certain d’en obtenir l’autorisation. Mais les étranges motivations du préfet du Tarn pour interdire une manifestation pacifique contre l’installation d’un centre de migrants m’ont interpellé. La raison de cette interdiction ? « C’est une manifestation qui a un soubassement (sic) qui est sans doute fait d’idées antirépublicaines, qui est également motivée, par des personnes (sic) qui appartiennent à l’extrême droite ». Le préfet n’a pas évoqué sa crainte d’entendre des slogans racistes ou redouter des violences. Mon imagination est impuissante à décrire la réaction médiatique des bruyants défenseurs des libertés, si le préfet avait interdit une manifestation avec comme prétexte la présence d’antifas et des activistes des blacks blocs d’extrême gauche aux soubassements antirépublicains.
Peut-être ai-je encore le droit donner une interview au journal de mon choix ? Même pas. La mésaventure survenue à Éric Naulleau en témoigne. Celui-ci, dans sa coupable insouciance, s’était octroyé licence d’accorder un entretien à Valeurs Actuelles concernant le livre qu’il a consacré aux pensées de Rousseau (Sandrine). L’inconscient a aussitôt été expulsé du jury du Festival du film de Cabourg. Le porte-parole de Stop Homophobie, a justifié prestement sur Twitter les raisons de cette expulsion dans des termes dont on appréciera la pertinente modération : « L’extrême droite ne devrait avoir droit de cité nulle part. C’est comme ça qu’on permet de défendre les droits de tous, la démocratie et la liberté qu’ils essayent de nous enlever. Bravo au festival du film de Cabourg pour avoir dit non à Naulleau ». Les Saint-Just laborieux du wokisme, du racialisme et de l’écologie radicale nous couperont le cou si nous ne relevons pas la tête.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié dans Figaro Vox.