Voici le lien avec la chute des prix du pétrole, les conflits régionaux et les relations avec Israël
Certains appellent la famille royale saoudienne le “royaume gériatrique”, car le roi Abdallah (considéré par les médias arabes comme le « gardien les deux lieux saints”, La Mecque et Médine) et les 34 princes qui composent le conseil familial sont essentiellement des vieillards, dont certains sont malades et éprouvent aujourd’hui des difficultés à opérer. Le roi Abdallah, âgé de 91 ans, a officiellement annoncé avoir surmonté il y a quelques jours une pneumonie et des difficultés respiratoires. L’ancien prince héritier Abdul Aziz, qui a été ministre de la Défense pendant 25 années, est mort d’un cancer il y a quatre ans, alors qu’il n’était plus très jeune, et son successeur, le prince héritier Nayef, est mort il y a deux ans. Ils ont ensuite nommé un autre de leurs frères, Salman Abdul Aziz Al Saud, qui aura bientôt 80 ans et qui est aujourd’hui en mauvaise santé.
L’âge avancé des dirigeants saoudiens est l’héritage d’arrangements gouvernementaux établis par le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume en 1932. Il avait 18 enfants de plusieurs femmes et un dispositif a été mis en place pour que le trône ne soit pas attribué de père en fils, comme il est courant dans les monarchies, mais de frère en frère. Habituellement, le frère aîné. Depuis la mort d’Ibn Saoud, son titre a été hérité par cinq de ses fils, l’un après l’autre, tous des demi-frères.
L’âge et l’état de santé de la « Maison royale de convalescence » saoudienne est une question politique de première importance. Cela donne l’impression d’un régime instable dirigé par une bande de vieillards qui pourraient être minés par les tempêtes du printemps arabe et les luttes de pouvoir qui agitent les pays arabes. La plus grave menace à laquelle l’Arabie saoudite est confrontée est l’Iran chiite située au nord de ses champs de pétrole, soit les plus grandes réserves de pétrole du monde, où la population comprend aussi une large communauté chiite. Contre la menace de l’Islam chiite venant d’Iran, l’Arabie saoudite se positionne comme la superpuissance protectrice de l’Islam sunnite.
Une autre menace qui plane contre l’Arabie saoudite est le groupe djihadiste Etat islamique (EI), qui a établi un califat islamique en Irak et en Syrie et récemment déployé des unités à la frontière saoudienne. Cette activité terroriste à la frontière a été déclenchée par la décision de l’Arabie de s’associer à la lutte internationale contre l’EI, ce qui a irrité son chef Abu-Bakr al-Baghdadi.
Les responsables saoudiens se disent néanmois confiants devant ces menaces. Bien que malade, le roi de 91 ans est fonctionnel, assurent ses porte-paroles. Il en serait de même pour les conseillers et princes qui l’entourent. L’Arabie saoudite a une armée bien formée et possède un armement considérable, mais c’est l’establishment sécuritaire américain et son intérêt à protéger le royaume qui prévient toute tentative d’attaque contre le pays. L’Arabie saoudite dispose de mécanismes sophistiqués de sécurité publique qui ont permis d’éviter jusqu’à présent toute tentative d’attaquer le régime. Les dirigeants saoudiens s’assurent aussi de maintenir le bien-être économique de la population du royaume, dans l’idée que les gens prospèrent n’ont pas intérêt à planifier des coups politiques.
Il ne fait aucun doute que des jeux de coulisses ont lieu dans la lutte pour la succession royale. Pendant ce temps, le patient et âgé prince Salman demeure l’héritier apparent, mais il est clair que le conseil familial devra bientôt choisir un candidat au sein des petits-enfants plus jeunes. Ces luttes, cachées à la vue du public, ne se soucient guère pour l’instant de la bonne gestion de la politique saoudienne. L’Arabie Saoudite est en grande partie responsable de la chute spectaculaire des prix du pétrole, qui a récemment baissé à moins de 50 dollars le baril. Bien sûr, cela réduit les revenus du royaume, mais cause aussi des dommages incalculables à l’économie en difficulté de son ennemi, l’Iran. Les Américains sont également des partenaires dans cette politique qui a provoqué une grave crise économique en Russie.
Les Saoudiens étaient le pilier économique, militaire et politique qui a permi d’évincer du pouvoir au Caire Mohammed Morsi et les Frères musulmans, anciens rivaux de l’islam saoudien. L’Arabie a aussi été capable de freiner la principauté du Qatar, seul pays du Golfe soutenant le régime en Iran et les Frères musulmans en Egypte.
La politique saoudienne a également des implications pour Israël et les Palestiniens. Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP) Ramallah Rami Hamdallah a récemment visité Riyad pour demander de l’aide financière à l’Arabie après la décision du gouvernement israélien de geler le transfert des recettes fiscales à l’AP. Les Saoudiens ont également annoncé l’expulsion du chef du Hamas Khaled Meshal par le prince du Qatar, ce qui a bien été accueilli par le ministère israélien des Affaires étrangères.
Il y a quelques mois, un article du journal arabe Al-Sharq Al-Awsat, qui est publié à Londres et qui appartient aux Saoudiens, a même affirmé qu’il n’y avait plus de conflit entre Israël et les Arabes sont de plus en plus conflictuelles. Mais il est impossible qu’un l’article ou une communauté d’intérêts entre Israël et l’Arabie Saoudite arrive à couvrir l’hostilité idéologique profonde qui existe entre les deux pays. Ce genre d’expression hostile, le prince Nayef, héritier du trône mort en 2012, en a fait preuve lorsqu’il a accusé Israël d’être derrière les attentats du 11 septembre aux États-Unis.
Danny Rubinstein est conférencier sur les questions arabes à l’Université Ben Gourion de Beersheva ainsi qu’à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il est également spécialiste des questions économiques palestiniennes et tient une chronique dans le journal israélien “Calcalist”.