Si le soldat n’est pas libéré, l’armée serait capable de lancer une attaque qui entraînerait la chute du Hamas
Cela n’a probablement pas été la violation de cessez-le-feu la plus rapide, mais certainement la plus lourde de conséquences de cette troisième guerre à Gaza. A 9h30, soit 90 minutes après l’entrée en vigueur de la trêve de 72 heures négociée par l’infatigable secrétaire d’Etat américain John Kerry et le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le cessez-le-feu a tourné au drame, entraînant de graves répercussions.
Une unité du Hamas a émergé d’un tunnel à Gaza avant de s’engager dans un combat contre plusieurs soldats de la brigade d’infanterie Givati. Un terroriste kamikaze du Hamas s’est fait exploser, deux soldats israéliens ont été tués et un troisième a probablement été enlevé. Les grands espoirs que certains s’attendaient à voir se réaliser, à savoir le début de la fin de la guerre qui a coûté jusqu’ici la vie à 66 Israéliens et près de 1500 Palestiniens, se sont effondrés.
Aucune information concernant l’état de santé du sous-lieutenant Hadar Goldin n’a été donnée et rien n’indique s’il est mort ou vivant. Néanmoins, il est certain que, d’une part, le cessez-le-feu a volé en éclat, et d’autre part, que la guerre serait sur le point de rentrer dans une nouvelle phase.
Israël a accusé le Hamas d’une violation flagrante du cessez-le-feu et les États-Unis ont qualifié l’enlèvement de « barbare ». Les dirigeants du Hamas, qui étaient sur le point de se rendre au Caire pour entamer des négociations indirectes avec Israël concernant une trêve permanente, ont été pris au dépourvu.
Nous ne savons pas non plus si l’embuscade à Rafah a été préméditée par les leaders de l’organisation terroriste, qu’il s’agisse des dirigeants de la branche politique ou de l’aile militaire, ou si l’attaque relève de l’initiative d’une unité locale, qui aurait décidé de ne pas respecter la trêve, ou qui n’en aurait simplement pas entendu parler.
Immédiatement après l’incident, l’armée israélienne a annoncé la fin du cessez-le-feu et a lancé une opération massive de recherche afin de retrouver le soldat kidnappé.
L’acceptation par le Hamas jeudi d’une trêve de 72 heures était une victoire pour Israël. Le Hamas semblait avoir cédé sans condition, après avoir refusé de renoncer à ses revendications pendant plusieurs jours. L’Israël et l’Egypte, qui sont alliés comme ils ne l’ont jamais été auparavant, ont rejeté les requêtes de l’organisation terroriste au pouvoir à Gaza une à une. La dernière condition posée par le Hamas forçait Israël à suspendre toutes ses activités de recherche et de destruction de tunnels terroristes menant de Gaza à Israël pendant toute la durée de la trêve. Cela aussi a été refusé. Il semblait que le Hamas, affaibli, ait été contraint de revenir à la table des négociations après avoir réalisé que la guerre pourrait non seulement aggraver son bilan humain et matériel, mais également conduire à sa chute.
A présent, le cessez-le-feu semble faire partie du passé. Israël ne peut pas tolérer cette violation flagrante par le Hamas. L’enlèvement d’un soldat est le pire scénario pour l’Etat d’Israël. Et c’est exactement le dilemme auquel est confronté aujourd’hui le cabinet israélien: faut-il transformer cet incident maladroit et embarrassant en une décision stratégique qui pourrait changer le cours de toute cette guerre. L’instinct premier serait de se venger, indépendamment des conséquences. Un décisionnaire de sang-froid y réfléchirait à deux fois. Tous les soldats de cette guerre risquent d’être capturés et de devenir prisonniers de guerre. Un seul soldat ne doit pas déterminer et compromettre le sort de cette guerre. D’une certaine manière, le cabinet israélien est à nouveau confronté au dillemme des jours qui ont précédé qui ont précédé l’incursion terrestre à Gaza. La question était alors de décider ou non d’une opération terrestre. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense Moshe Yaalon ont longuement hésité, et sont longtemps restés réticents. Finalement le Hamas -en tirant une pluie de missiles sur Israël- ne leur a pas laissé le choix. Si le soldat n’est pas relâché -mort ou vivant – l’armée serait capable de lancer une attaque massive qui prolongerait la guerre et pourrait entraîner à la chute du gouvernement du Hamas. Le temps est compté.
Yossi Melman est un commentateur de la sécurité et du renseignement israéliens et le co-auteur de « Espions contre Armageddon : à l’intérieur des guerres secrètes d’Israël. » Twitter: @yossi_melman