Que va devenir Gaza une fois que l’armée israélienne en aura pris le contrôle ? La chose se décide en ce moment.
« État palestinien » ou Gaza Riviera ?
Deux projets d’avenir sont en lice pour Gaza. Le premier associe l’Australie, le Canada, la Belgique, la France, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Qatar : tous se prononceront lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies pour un « État de Palestine », dirigé par l’Autorité palestinienne. Ce futur État devra être localisé en Judée-Samarie (Cisjordanie) et à Gaza. Ce qui revient à dire qu’Israël se bat actuellement contre le Hamas pour le compte de Mahmoud Abbas.
Le second projet vise à enterrer tout projet d’Etat palestinien. Pour les États-Unis et Israël, le concept même d’État palestinien est mort le 7 octobre 2023, jour où le Hamas a assassiné dans les conditions les plus atroces 1 200 Israéliens. Marco Rubio, secrétaire d’État, a privé Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, de visa pour l’empêcher d’assister à l’Assemblée générale de l’ONU. Et l’administration Trump a laissé filtrer dans le Washington Post un projet de rénovation futuriste pour Gaza, mi-Las Vegas/mi-Silicon Valley.
Aux dernières nouvelles, les États-Unis piloteraient le projet Gaza-Riviera pendant une dizaine d’années, tandis qu’Israël peaufine de son côté des projets d’annexion partielle de la Judée-Samarie (Cisjordanie). Le président américain Donald Trump n’y semble pas hostile.
La terre est la guerre
Le projet d’« État palestinien » consiste à transformer une Autorité palestinienne corrompue en État (corrompu), non viable au plan économique, figé dans un rôle de victime et débarrassé de toute contrainte de reconnaître le droit à l’existence d’Israël.
Le projet Gaza-Riviera, lui, tire les leçons de quarante ans de « solution à deux États ». Un constat est terrible : chaque fois qu’Israël s’est retiré d’un territoire conquis militairement pour préserver une quelconque solution à deux Etats, une guerre a éclaté.
- Gaza. Israël a conquis Gaza en 1967, puis s’en est retiré en 2005. Les guerres n’ont pas cessé : « Plomb durci » (2008), « Pilier de défense » (2012), opération « Bordure protectrice » (2014), opération « Gardien des murs » (2021), « Épées de fer » (7 octobre 2023).
- Sud-Liban. En 2000, Ehud Barak, Premier ministre d’Israël, a organisé un retrait unilatéral du Sud-Liban conquis en 1982. Une guerre éclate avec le Hezbollah en 2006 et une autre en 2023-2024.
- Judée-Samarie. Les accords d’Oslo signés en 1993 prévoyaient le retrait graduel d’Israël d’un territoire, la Judée-Samarie, conquis en 1967. Depuis 2000, Jénine, Naplouse, Ramallah, Hébron… n’ont jamais cessé d’être des foyers insurrectionnels.
Pourquoi un retrait de territoire mène-t-il à la guerre ?
Les retraits de territoire sont des gestes magnanimes : une puissance occupante se retire d’un territoire donné et invite la puissance occupée à se reconstruire en vue d’un voisinage pacifique. Mais au Moyen-Orient, c’est l’inverse qui se produit. Tout retrait de territoire conduit à la guerre.Tout retrait de territoire par Israël est compris comme une invite au djihad.
« Le djihad est une posture permanente et obligatoire pour tout musulman pieux » explique (en substance) Eliezer Cherki, islamologue israélien. «L’arrêt du combat, l’arrêt du djihad est interdit aux musulmans. Cette obligation, c’est le fard, un mot arabe très important (…) il est à l’origine du mot “fardeau” en français. Avec le fard, on est au cœur de l’expérience religieuse de l’islam. »
Le djihad n’a pas pour « but de convertir tout le monde à l’islam », dit Eliezer Cherki, « il a pour but d’étendre le territoire soumis à l’islam ». .
La paix passe-t-elle alors par la mort de l’islamiste ? Même pas ! Qu’Israël se retire de Gaza après avoir exterminé le dernier milicien du Hamas et le monde musulman considèrera qu’Israel a été défait. Le retrait de Gaza passera pour une invite à recommencer le djihad.
Comment venir à bout du djihad ? Par une « occupation de la terre », répond Eliezer Cherki.
Occuper la terre revient à placer le djihadiste « en état de faiblesse. S’il ne peut vaincre l’ennemi ou s’il perd des territoires, alors il est dégagé (momentanément) de l’obligation du djihad », explique Eliezer Cherki.
Notre islamologue ajoute : « La solution à deux États, c’est la perte d’Israël. Dès qu’on se retire du territoire, il se transforme en foyer de violence. Judée-Samarie ou Gaza, il faut donc être présent et maintenir une vigilance extrême. Être toujours présent, toujours sur la brèche. »
Le djihad des Européens
Que les pays arabes ne supportent pas qu’Israël étende son territoire, que les Émirats arabes unis menacent de remettre en cause les Accords d’Abraham signés en 2020, est logique. Quel que soit leur degré d’ouverture, tous les musulmans considèrent peu ou prou l’existence d’Israël comme une « abomination », pour reprendre le terme d’Eliezer Cherki.
Mais les Européens ? Pourquoi campent-ils sur des positions islamistes ? Pourquoi Emmanuel Macron brandit-il une lettre « d’espoir, de courage, de clarté » de Mahmoud Abbas, qui a attendu vingt mois pour condamner l’agression du Hamas le 7 octobre ? Pourquoi s’abstient-il de remarquer que cette lettre de Mahmoud Abbas n’a pas été publiée en arabe dans les médias de l’Autorité palestinienne ?
Pourquoi la Grande-Bretagne ou le Canada détournent-ils le regard sur le fait que les massacres de juifs du 7 octobre font l’objet d’une célébration constante dans les écoles de Ramallah et Jénine ?
Un rapport à paraître de Palestinian Media Watch, une ONG basée à Jérusalem, considère que Mahmoud Abbas joue un double jeu et que ses propres écoles de Judée-Samarie (Cisjordanie) inondent les enfants de propagande célébrant les massacres de juifs du 7 octobre.
À quoi cela rime-t-il d’asseoir de force un État de Palestine, sans rien exiger en retour ?
La thèse d’Éric Mechoulan, ancien chef de l’analyse stratégique à la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), est qu’une partie des Européens aussi aspire à la disparition d’Israël.
Dans une vidéo saisissante, Éric Mechoulan explique que les Européens ont fait le constat suivant : tous les ennemis d’Israël (Hezbollah, Iran, Houthis, Syrie…) ont été peu ou prou neutralisés. Le seul acteur qu’il est possible de ressusciter pour détruire Israël est l’État palestinien. « Sanctuariser l’identité palestinienne, c’est sanctuariser la possibilité de détruire Israël dans le futur. »
Éric Mechoulan cite l’anecdote suivante : « Un chauffeur de taxi kurde de Toronto me disait : ils veulent créer un État de Palestine, nous on est trente millions de Kurdes, on n’a rien contre les juifs, alors on n’a aucune chance d’obtenir un État. » Si un chauffeur de taxi peut comprendre que le meilleur moyen d’obtenir un État est de vouloir la mort d’Israël, « alors — je pense que tout le monde peut le comprendre », conclut Éric Mechoulan.
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