Je suis né à Rouen et me suis construit entre la place du Vieux Marché où l’on brûla Jeanne d’Arc et la rue des Bons-Enfants, à quelques centaines de mètres, où l’on a commencé à brûler le temple israélite.
Les méchants de mon imaginaire enfantin s’appelaient Cauchon et Eichmann. La seule synagogue du chroniqueur mécréant qui signe est précisément cette synagogue des Bons-Enfants. Je m’y rendais, en empruntant la rue aux Juifs, pour chaque Grand Pardon et y fis ma communion. J’en sais tous les recoins de son architecture baroque.
Sur le mur de l’entrée, dedans la petite cour, on trouve les noms des suppliciés de l’Holocauste. Y figure celui de Régine Goldnadel, sœur de mon père Henri, morte à Auschwitz. On comprendra donc que vendredi matin quand j’ai appris que ma synagogue a brûlé j’y ai vu, à nouveau, comme un méchant présage. Comme juif et comme français.
Je lis dans Le Figaro de samedi que les « investigations visent à éclaircir les motivations » de l’incendiaire neutralisé, Algérien visé par une OQTF, fonçant avec un couteau vers un policier. L’auxiliaire de justice n’a pas à forcer excessivement son imagination pour décrire en onze mots cette motivation: la haine des Français en général et des juifs en particulier.
Je mentirais à mon lecteur si je lui disais, qu’apprenant au petit matin que ma synagogue avait brûlé, et dans l’ignorance encore de l’identité du responsable, j’ai pu imaginer qu’il put être d’extrême droite suprémaciste ou issu d’une secte satanique. Je savais déjà de qui il s’agissait. Je savais qu’il avait baigné dans le même bouillon de culture haineuse que Kouachi et Coulibaly. Que Merah et Fofana. Que les tueurs de Sarah et Ilan Halimi et de Mireille Knoll. Je le connais bien. Je le fréquente souvent au Palais de Justice. Je sais qu’il a béni le ciel du 7 octobre. Et je sais aussi qui il écoute. Je sais les prêches religieux et je sais ceux sans Dieu.
On lui a appris que le juif était omnipotent. Qu’il possédait et la presse et l’argent. Qu’il fallait le tuer s’il se cachait derrière un rocher. Mais on lui a dit aussi qu’Israël était nazi. Ou plutôt que si la Shoah n’existait pas, il y avait en revanche un vrai génocide à venger à Gaza.
On lui a dit aussi que tous les Français de vieille extraction étaient aussi racistes et colonialistes que les fils de Sion. La preuve, la France, sa débitrice, criminelle de l’humanité – comme Israël – qui a colonisé cruellement l’Algérie son pays, ne veut même pas de lui. On lui a dit que ce n’est pas la peine de vouloir travailler, les Français xénophobes ne veulent pas lui donner sa chance. On lui a dit que parmi tous les Français, le policier raciste était le plus mauvais. La preuve: Il avait assassiné son frère Traoré. Voilà dans quel bouillon d’inculture saumâtre a baigné mon incendiaire.
À quelques kilomètres de la synagogue encore fumante, se trouve l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. C’est là où a été égorgé le père Hamel. Autre martyre du même couteau. Coupable de faire partie de la vieille religion du vieux peuple français qui ne veut pas mourir sous la submersion. Personne ne m’empêchera d’écrire que le père Hamel serait resté en vie si l’homme qui l’a assassiné était demeuré en prison plutôt que de porter, contre l’avis du parquet, un dérisoire bracelet électronique.
De même, et contrairement à ce que j’ai lu et entendu, l’OQTF visant l’incendiaire de Rouen était exécutoire. Encore eut-il fallu que l’Algérie, ombrageuse, mais qui ne semble pas gênée par la conduite de certains de ses ressortissants – dont ce dernier – eût accepté de le récupérer.
Dans cet océan de faiblesse, une goutte de fermeté: celle du ministre de l’Intérieur félicitant le policier ayant mis hors d’état de nuire son agresseur et lui promettant une décoration. Il y a encore peu cette défense légitime aurait été accueillie au mieux dans un silence gêné. Le juif mécréant de Rouen aura au moins depuis longtemps fait sien ce principe du Talmud : « Celui qui donne sa pitié au méchant fait tort au juste ».
Personne ne m’empêchera non plus d’écrire qu’il n’y a pas loin de Rouen à Incarville où ont été massacrés deux gardes pénitentiaires français convoyant Mohamed Amra. Et si j’osais, je franchirais à vol d’oiseau de malheur quelques milliers de kilomètres pour survoler Nouméa et là encore les victimes d’un racisme anti-blanc qu’on commence enfin à écrire sans trembler.
Las, les incendies succèdent aux viols qui succèdent aux assassinats de Pierre ou de Thomas qui succèdent aux attentats et un clou contre un professeur chasse un clou contre un policier dans une mémoire française qui devient oublieuse. Mais qui doit rester digne et surtout silencieuse.
J’ai pris connaissance ce vendredi matin de déclarations affligées de députés Insoumis flétrissant l’antisémitisme brûlant. Je les ai regardées comme les déclarations de pompiers pyromanes, les lendemains de discours incendiaires. J’ai entendu le discours prudent du maire socialiste de Rouen. Convenu. Pas un mot de travers. Aucune critique de ses alliés d’hier.
J’ai écrit dans mon Journal de guerre que je tiens l’extrême gauche soumise à l’islamisme comme responsable morale de la situation faite aux juifs français. Ceux-ci sont proches de la désespérance. Pour eux comme pour la France. Ils se savent, je l’ai écrit, comme le canari au fond du puits. Mais ils savent aussi que leur France a mauvaise mine.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié dans Figaro Vox.
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