Argent. Sexe. Bière. Dieu. de John Crowder
«Argent, sexe, bière, Dieu. Laisser tomber la religion pour la joie de l’incarnation».
En langage courant, la traduction est un peu plus crue, mais je vais rester sur une formule académique. Ce qui est certain, c’est que le slogan est assez inattendu : opposer la religion à l’incarnation, on peut comprendre; mais associer l’incarnation avec l’argent, le sexe et l’alcool, ça c’est vraiment audacieux.
Il va falloir nous habituer, parce que c’est une partie du projet du « nouveau christianisme », qui prend ses distances avec l’ancien, comme on peut le constater ici avec ce bouquin emblématique, et pas encore traduit. Exit le programme traditionnel, dans lequel on trouvait des choses comme le renoncement, le sacrifice, et la mort à soi-même, qui sentent désormais le moisi religieux. Et bienvenue dans le néo-christianisme basé sur le plaisir et la liberté, qui revendique donc un hédonisme saint (oxymore probable).
John Crowder propose donc ici une alternative à la sanctification classique : “l’incarnation”. On sent tout de suite que c’est mieux : si on peut incarner le Seigneur en fumant tranquillement un bon cigare, en buvant un bon ouiski —avec le reste à suivre en + si affinités, why not !
…
Les plus bienveillants des chrétiens se fendront d’un sourire amusé : sacré John, il a encore réussi son coup. Toujours dans la provoc’, à l’affût d’une bonne punchline pour faire le buzz. C’est qu’il a la pêche, John ! Et les religieux, eux, ont les noyaux! Il aime donner dans le transgressif, et quasi-flirter avec le blasphème : il ose tout, John, c’est même à ça qu’on le reconnaît.
Il prêche un christianisme décomplexé, libéré de tous les tabous — par exemple en se faisant prendre en photo en train de fumer le petit Jésus comme un joint. Il ose vraiment tout. Même lorsqu’il va traîner dans les cimetières, là où sont enterrés des dépouilles des ministères de puissance et qu’il se fait filmer sur les tombes en train de siphoner ladite onction. Et de créer des émules, comme par exemple Bill Johnson.
Les plus bienveillants sourient, oui, et pardonnent à Johnny … parce qu’il fait bouger les lignes et que son ministère véhicule du surnaturel — enfin, des trucs un peu bizarres qu’on nous vend comme étant des manifestations de l’Esprit, mais qui sont en réalité plus proches d’un spiritisme enluminé. C’est dramatique, mais c’était prévu[1]. On ne pourra pas dire qu’on n’était pas prévenus.
John Crowder est tout simplement un prophète de ce christianisme néocharismatiqueaméricain, celui de la troisième vague, à moins que ce soit la quatrième, pris en flagrant délit de recyclage de concepts New Age arrangés à la sauce chrétienne.
On lui pardonne parce qu’il a du succès et que les gens se pressent à son école du surnaturel, à ses séminaires sur l’ivresse du Saint-Esprit, pour acheter ses bouquins sur le renouveau du mysticisme chrétien[2]. JC est vraiment l’image d’un orateur chrétien moderne, branchouille, pas un de ces prédicateurs refroidis en costard-cravate, aux messages prévisibles (donc réchauffés) et figés dans une vieille théologie poussiéreuse.
Sur la grande vague libérale
John Crowder est une de ces icônes de ce néochristianisme ultra-libéral, qui véhicule une vision progressiste, et qui appelle de ses vœux une nouvelle réforme. Ah, la fameuse nouvelle réforme ! La planche de salut du christianisme tiède, empêtré dans le consumérisme, qui ne veut pas passer par la case repentance-sainteté-réveil, mais qui pense s’en sortir par une autre recette miracle.
La nouvelle réforme de John Crowder, et à laquelle il s’emploie avec beaucoup de zèle, consiste à changer la perception et l’expression du christianisme en une seule génération.C’est LA phrase-clé du courant, qui aurait été reçue prophétiquement par plusieurs, le leitmotiv qui donne le tempo du mouvement de la NRA (Nouvelle Réforme Apostolique): fuir le fondamentalisme (abandonner la religion formelle regardée comme froide et morte) pour épouser un sain libéralisme (l’incarnation basée sur la liberté). C’est le “sex, money, beer and God” de John Crowder.
Le message est clair : l’approche chrétienne de papy est un modèle obsolète, parce que la sainteté à l’ancienne avec ses interdits a engendré une fausse perception basée sur du négatif, du rébarbatif, des efforts, des sacrifices, une croix, qui ont fini par produire un système mortifère, et donc corrompu. Qu’on définit, au choix, comme : la religion, le système, Babylone, la grande pyramide, tout ça étant noyauté par l’autorité humaine.
Tandis que la reconquête de la liberté (sur l’autorité) et la revendication du plaisir (sur la Croix) détermine une incarnation désirable. Une sorte de reconditionnement du produit : on appelle ça le progrès.
Une escroquerie intellectuelle, et spirituelle
« L’incarnation » de John Crowder est donc basée sur la liberté et le plaisir, tandis que l’incarnation de Jésus est basée sur l’abandon de la liberté personnelle et l’acceptation du sacrifice de la vie propre. L’idée de perte est présente dans les enseignements néotestamentaires, et même si John Crowder a raison de dénoncer certains approches névrotiques apparues dans l’Histoire, nous devrions savoir nous pencher sérieusement et avec objectivité sur cet aspect de l’engagement chrétien.
Jésus était libre, et il a fait sa joie d’abandonner sa liberté pour faire la volonté d’Un Autre. Et c’est ce qui est demandé aux disciples : de marcher comme Lui-Même a marché (1 Jean 2/6). Où a-t-on vu qu’Etienne, Paul, Pierre, Jacques, Jean, ont expérimenté l’incarnation de l’Esprit de Jésus par la poursuite d’un quelconque accomplissement personnel ? En sacrifiant si peu que ce soit à une quelconque forme d’hédonisme ? Au contraire, chacun d’eux a démontré que le chemin, c’est de savoir renoncer à ses libertés les plus légitimes, pour faire la volonté de Christ, sans avoir besoin de rassurer les foules sur la permission de copuler, de faire du business, ou de picoler.
«Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Christ qui vit en moi» (Galates 2/20). C’est ainsi que l’homme est libéré du soucis d’un antagonisme difficile à contrôler : «Se préoccuper des désirs de sa propre nature mène à la mort, mais se préoccuper des désirs de l’Esprit Saint mène à la vie…» (Romains 8/6-BFC).
Hédonisme, spiritisme et mysticisme : la trinité du Néochristianisme
À la base, l’hédonisme est une doctrine qui prend pour principe la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance. L’hédonisme religieux est donc la conquête de la liberté, la revendication du plaisir et surtout l’évitement de la souffrance (la Croix): le centre de gravité est dans la sphère émotionnelle; le spiritisme (faux signes et faux prodiges à cause d’une confusion entre le surnaturel et le merveilleux) et le mysticisme (fausse piété et fausse adoration dont le centre est dans l’homme).
Lorque le centre de gravité ne se situe pas (ou plus) en Jésus — c’est-à-dire que le christianisme devient terrestre, avec des moyens terrestres et des visées terrestres — alors la séduction devient possible et peut s’installer. Lorsque le centre de gravité ne se situe pas en Jésus, il se déplace mécaniquement dans l’homme (dans l’émotionnel) et le christianisme prend alors visage humain et non plus divin. On continue de se réclamer du concept original, de chanter les chants originaux, mais on abandonne graduellement ce qui faisait la force de l’original, c’est-à-dire l’impossible, le céleste et le merveilleux. La Vie véritable.
« Dans les derniers temps … les hommes aimeront le plaisir plus que Dieu, ayant l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force. Eloigne-toi de ces hommes-là» (2 Timothée 3).
Parce que l’impossible et le céleste ne s’établissent que sur la base du renoncement au pouvoir humain, même s’il est envisagé et conçu pour la poursuite du Bien. C’est pourquoi ceux qui espèrent dans une Réforme conduite par Dieu, tout en fixant à l’évangile des buts premièrement terrestres seront gravement déçus. Et que ceux qui espèrent dans un réveil sans accepter les principes de la Croix dans leur vie, ne le verront pas.
Conclusion temporaire
Inévitablement, un grand nombre de personnes croyantes seront attirées par la vision moderniste d’un christianisme qui fait l’effort de s’adapter au monde, à la société et à son époque. Qui va chercher à rendre ses articles plus humains, plus équitables, en un mot, qui va réviser sa copie.
Si tout ça fait écho en vous, alors c’est que vous êtes mûr(e) pour rejoindre le grand courant libéral. Vous applaudirez avec la foule chrétienne qui en a soupé de la Croix, du sacrifice, du don de soi, et de la mort à soi-même. Ce qui se comprend : ce ne sont PAS les ingrédients d’une religion à succès ! Le vrai christianisme recueille les croyants qui ne croient plus dans l’homme. Le néochristianisme libéral lutte au contraire pour la réhabilitation de l’homme, et se projette dans une glorification finale que Dieu aurait prévu de tout temps, ce qui est le fruit d’une grave méconnaissance du plan divin. Parce que l’intention suprême n’est pas — et n’a jamais été — de constituer une religion et d’assurer sa prééminence. Ce sont les hommes, qui cherchent à faire réussir une religion, en recherchant le succès du message (ce qui assure leur propre succès). Pour Dieu, tout repose et tout conduit seulement et exclusivement à la reconnaissance de Christ, seule porte du Salut, et seul Seigneur. Tous ceux qui l’appellent «Seigneur, Seigneur» et qui ne font pas ce qu’il dit, sont dans une religion. Même ceux qui disent que la religion est mauvaise, et qui font de ce message leur fond de commerce.
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[1] Jean 6/59 à 68 : «Jésus dit ces choses dans la synagogue, enseignant à Capernaüm. 60Plusieurs de ses disciples, après l’avoir entendu, dirent: Cette parole est dure; qui peut l’écouter? 61Jésus, sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, leur dit: Cela vous scandalise-t-il? 62Et si vous voyez le Fils de l’homme monter où il était auparavant?… 63C’est l’esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. 64Mais il en est parmi vous quelques-uns qui ne croient point. Car Jésus savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient point, et qui était celui qui le livrerait. 65Et il ajouta: C’est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne lui a été donné par le Père. 66Dès ce moment, plusieurs de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui. 67Jésus donc dit aux douze: Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller? 68Simon Pierre lui répondit: Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. »
[1] Matthieu 24/4 et 24 : «…quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? Jésus leur répondit: Prenez garde que personne ne vous séduise. … Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus. 25Voici, je vous l’ai annoncé d’avance».
[2] https://www.amazon.fr/Union-mystique-John-Crowder-ebook/dp/B076HVW4BR
1 commentsOn Argent. Sexe. Bière. Dieu. de John Crowder
Merci pour cette mise en garde importante.
Le bouquin n’est pas encore traduit? Alors c’est bien que le warning soit fait en avance. On sait à quel point ce genre de virus outre atlantique se répand vite en France. John Crowder est récemment venu faire une conférence en France au début de ce mois et la mayonnaise risque de prendre très vite à cause du vide et de la déception d’un modèle évangélique délétère dans beaucoup de cœurs.
Les chrétiens sont de moins en moins résistants aux fausses doctrines comme si l’anti-corps de la Parole n’agissait plus. Et c’est un peu normal car une génération entière de chrétiens a poussé vite avec des racines incertaines en Christ et dans les Écritures étant donné qu’elle a souvent reçu à la base une semence mêlée..
Comme toutes les hérésies qui se glissent dans la foi transmise, celle ci prend appui sur une partie de choses justes en laissant de côté la plus grande partie et notamment la plus importante qui est le centrage sur la Croix.
La partie qui est juste c’est que c’est l’Esprit qui vivifie et donc que nous avons besoin que la Parole de Dieu, cette semence divine produise son fruit en nous, elle doit absolument s’incarner mais ça veut dire comme tu l’expliques que c’est Christ qui doit vivre en nous.
D’un autre côté la bible dit que si Christ nous affranchit nous sommes réellement libres; or beaucoup qui se convertissent ne sentent pas en eux cette liberté et pour certains ils n’ont même pas vraiment compris la nature profonde de cette liberté.
Aussi, comme Tite l’a annoncé, plusieurs prennent prétexte de la liberté mal comprise pour vivre dans le désordre. Or la liberté que Christ nous apporte c’est rien d’autre que la capacité de vivre en n’étant plus prisonnier de notre ancienne manière de vivre centrée sur les convoitises mondaines et notre moi.
La liberté que Christ nous apporte ne peut se vivre qu’en étant placé sous Son joug : nous ne sommes libres du péché que dans la mesure où nous nous rendons prisonniers de Christ. Oui c’est un paradoxe mais il en est de même lorsque nous disons que la Croix et le sacrifice sanglant de Jésus-Christ sont une éclatante victoire sur la mort et que c’est cette mort qui nous donne la vie. Je ne sais pas si c’est un oxymore mais un paradoxe oui.
Tu écris « La planche de salut du christianisme tiède, empêtré dans le consumérisme, qui ne veut pas passer par la case repentance-sainteté-réveil, mais qui pense s’en sortir par une autre recette miracle. »
C’est exactement ça, les gens sont à l’affut du nouveau truc qui va booster leur foi. John Crowder fait partie d’une caste de magicien du veau d’or fabriquée par l’évangélisme moderne, celui qui attend chaque décennie (voire même chaque année puisqu’un coup d’accélérateur semble de mise) un nouveau Luther.
Chaque fois qu’un veau d’or disparait un autre le remplace, la nature ayant horreur du vide. Quand Dieu se tait l’homme entre en panique et se débrouille d’une façon ou d’une autre pour le faire parler. Saül l’a fait en se tournant vers des Theraphims, puis vers une magicienne.
Comme du temps de Moïse (alors qu’il était sur la montagne) les gens n’aiment pas les temps où il ne se passe rien de visible. Pourtant c’est à ces moments-là que Dieu écrit !