Il est salutaire quelquefois de se remémorer certaines époques de notre histoire, connues certes mais oubliées, parce que gênantes.
En 1962, plus de 800.000 personnes quittaient l’Algérie afin d’échapper à ce qui était bien plus qu’un slogan du FLN et de l’ALN : «La valise ou le cercueil». C’était une menace précise qui fut mise à exécution dès le 18 mars 1962, car il ne fallait pas qu’un seul chrétien, qu’un seul non-musulman ne reste en Algérie devenue indépendante.
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Nettoyage ethnique et religieux
Parmi ces non-musulmans, qui n’étaient pas des chrétiens, il y avait les juifs et ils vivaient sur ces terres bien avant les «colonisateurs européens» et même bien avant les Arabes.
Contrairement aux Berbères, ils n’avaient pas été contraints de se convertir à la religion musulmane, de gré ou par la force de l’épée.
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Avant 1962, les juifs d’Algérie n’étaient pas considérés comme des «Pieds Noirs» (nom attribué exclusivement à tous les Européens nés en Algérie entre 1830 et le printemps de 1962) puisque leurs origines précédaient l’arrivée des Français (1830) et des Arabes (8e siècle) – mais comme des «rapatriés», puisqu’ils étaient devenus français par le décret Crémieux (1870) qui accordait la nationalité française aux populations indigènes, donc aussi bien aux Arabes qu’aux Juifs.
Leurs racines étaient en Afrique du Nord. Ils y étaient installés avant la venue du christianisme, originaires pour la grande majorité de Palestine, d’Egypte, de Cyrénaïque et même de l’Empire romain, déportés sur ces territoires souvent comme prisonniers de guerre ou esclaves.
C’est par eux, ou plutôt par l’intermédiaire des synagogues, que le christianisme a pu se propager dans cette Afrique du Nord occupée par l’empire romain, bien avant l’apparition de l’islam.
Cette communauté juive, qui avait choisi la France en 1870, en a payé un prix historique encore plus ressenti que celui réservé aux pieds-noirs, puisqu’elle vivait en Algérie depuis l’époque des Berbères.
Bien entendu, l’acceptation de cette nationalité française permettait aux juifs de se libérer du statut de dépendance qui était le leur depuis la domination ottomane, c’est-à-dire depuis plus de trois siècles.
Cela fut mal perçu et par les Arabes et par une majorité d’Européens rendus antisémites par les orientations venues de la France métropolitaine, notamment après l’affaire Dreyfus, et le «J’accuse» d’Emile Zola. [NDLR Les mesures antisémites ont en réalité précédé de plusieurs siècles l’affaire Dreyfus]
Il faut se souvenir de la liesse de la population lors de la venue de Drumont, à Alger, où il fut élu député.
Bien avant la conquête de l’Algérie, en 1830, les juifs furent souvent victimes des musulmans :
- Notamment en 1666, où ils furent expulsés d’Oran,
- puis en 1805, date du massacre d’Alger,
- suivi dix ans plus tard par la décapitation du grand rabbin d’Alger, Isaac Aboulker.
Lors de la Première Guerre mondiale, environ 14.000 juifs d’Algérie participèrent, mobilisés dans les régiments de zouaves.
Mais des émeutes violentes éclataient souvent dans toute l’Algérie et, en 1934, le 5 août, c’était le «pogrom» de Constantine, où les musulmans se ruaient dans les quartiers juifs, pillant, mutilant, saccageant et assassinant.
Aussi, les musulmans se montrèrent particulièrement satisfaits de l’abrogation de ce décret Crémieux par le gouvernement de Vichy, en 1940.
Il sera rétabli en 1943.
Le débarquement des forces alliées à Alger, le 8 novembre 1942, fut facilité par un important groupe de résistants qui avait à leur tête José Aboulker. (J’ignore si un rapprochement peut être fait avec le grand rabbin Isaac Aboulker, il y avait de très nombreux «Aboulker» en Algérie.)
L’assassinat de cheik Raymond (Leiris), sur le marché de Constantine, le 22 juin 1961, fut le signal de départ de cette communauté juive installée sur ces terres depuis plus de 2000 ans.
De très nombreuses familles de commerçants, boutiquiers, professions libérales, fonctionnaires, etc. qui avaient les moyens financiers de pouvoir le faire, se dirigèrent vers la métropole, mais également vers leur terre d’Israël.
Certains juifs, qui n’avaient aucune attache sur le sol français, furent rassemblés notamment dans des camps de transit, tel celui baptisé «Cité de Nouvel Arenas» à Marseille.
Albert Camus en avait conscience puisqu’il dira, en 1955 «Les juifs d’Algérie [sont] coincés entre l’antisémitisme français et la cruauté arabe».
Depuis 1962, nous sommes tous rassemblés sous le titre de «Pieds-Noirs».
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