Une chaîne australienne a filmé deux femmes «chassées» par la population de la plage de Villeneuve-Loubet.
En fond sonore, une musique oppressante. À l’image, deux femmes en burkini, accompagnées d’un homme, replient un parasol rose sur une plage. Et une voix off explique «à quel point la population locale peut être hostile aux musulmans». Plus tard, l’une des deux touristes, insiste: «Nous avons été sommés de quitter la plage par ces gens qui menaçaient d’appeler la police. Ils n’étaient pas contents de nous voir là.» Cette séquence, tournée le 28 août à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) puis diffusée sur Channel Seven, la deuxième chaîne australienne en termes d’audience, tient beaucoup moins du reportage que de la mise en scène.
C’est le quotidien Nice-Matin qui, le premier, a été alerté par des témoins présentssur cette plage publique le 28 août. «Ils nous ont dit: “Ça ne s’est pas passé comme ça. On a vu ce trio au comportement bizarre, qui marchait sur la plage, s’arrêtait, repartait. Comme s’ils attendaient que les gens réagissent. Plus haut, sur la route qui longe le bord de mer, un technicien filmait avec une caméra, une femme, sans doute une journaliste, à son côté”. L’un des témoins a ajouté qu’une voiture, du genre VTC, attendait le petit groupe», raconte Marie Cardona, journaliste à la rédaction Web de Nice-Matin dont l’article a été publié le 20 septembre.
Le «reportage» australien suggère clairement que des invectives auraient visé les touristes en burkini pour les faire déguerpir. En réalité, on voit un homme en gros plan qui dit sans animosité manifeste: «Vous faites demi-tour et vous partez.» Son entourage a depuis indiqué qu’il s’adressait au cameraman. «Il y avait des enfants sur la plage, dont les nôtres, et on ne voulait pas qu’ils soient filmés», a assuré àNice-Matin une femme se présentant comme sa nièce. Plus tard dans la séquence, enveloppée dans un drap de plage, une femme semble manifester sa désapprobation en baissant le pouce vers le sol sans qu’on sache précisément à qui ce geste est destiné. Au total, la scène n’aurait duré qu’une dizaine de minutes.
La chaîne australienne présente la candidate à la baignade en burkini comme une étudiante en médecine de 23 ans, Zeynab Alshelh, qui aurait souhaité «manifester sa solidarité aux musulmanes françaises» en se rendant à Villeneuve-Loubet. Le 26 août, le Conseil d’État avait suspendu l’arrêté antiburkini pris par cette commune. Dès sa diffusion, le pseudo-reportage, au montage très tendancieux, de Channel Seven a fait le tour des réseaux sociaux et a été repris par de nombreux médias anglo-saxons dénonçant, par exemple, cette «chasse au burkini acharnée».
Cet été, l’une des voix plus virulentes à prendre la défense du burkini était la porte-parole de la Fédération des musulmans du sud. Cette responsable associative, Feiza Ben Mohamed, a indiqué via Twitter avoir été interviewée par la journaliste de la chaîne australienne et contactée par le producteur de l’émission. Mais n’a pas répondu aux sollicitations du Figaro sur son rôle exact. Au début de la polémique, le maire de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca (LR), avait réagi: «Je suis sincèrement désolée pour cette jeune Australienne (…) Elle aurait quand même pu peut-être se demander si les gens du coin n’étaient pas encore sous le coup de l’émotion de l’attentat qui a fait 86 victimes» le 14 juillet à Nice.