Ces bibliothèques que les nazis ont spoliées en France…
Qu’elles aient appartenu à des intellectuels allemands ayant fui le régime ou des familles juives déportées, c’est la minutie dans le pillage de ces bibliothèques qui sidère.
Et malgré la Libération, les ouvrages n’ont pas pu retrouver leurs propriétaires, s’ils avaient survécu. En effet, les forces de libération ont souvent considéré ces ouvrages comme un butin de guerre, légitimement repris à l’ennemi, et alors accaparé.
En France, une quarantaine de bibliothèques a reçu quelque 14 000 ouvrages, entre 1950 et 1953, dont les propriétaires véritables sont encore inconnus. Mais ces derniers ont manifestement disparu…
Comment identifier, et en cas de réussite, restituer les œuvres ? C’était tout l’objet du colloque de mars 2017. Il s’était déroulé à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations et à la Bibliothèque nationale de France.
Au cours de ce colloque, une douzaine de livres, datant du XVIIe siècle et retrouvés dans ses collections par la Bibliothèque centrale et régionale de Berlin (Zentral und Landesbibliothek) ont été restitués à trois ministères français (ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice) auxquels ils avaient été spoliés en juin 1940.
Un registre manuscrit d’état civil des années 1751-1771, spolié à la commune de Verpel (Ardennes) lui sera également restitué.
Évidemment, pour le nazisme, il s’agissait aussi de faire disparaître la moindre trace de la culture juive : des millions de familles furent concernées pour mener à bien la solution finale. Sauf qu’une fois passé le front de l’Est, les ouvrages changeaient de mains…
« Les saisies relèvent de trois types de logique : guerrière, nationaliste, antisémite.
L’antisémitisme explique la plus grande partie des sévices subis par les bibliothèques, associatives et privées. La volonté de rayer de la terre la population juive constitue l’origine principale des spoliations, et conduit à la saisie, la mise en caisses, l’envoi en Allemagne d’innombrables bibliothèques », relève Martine Poulain.
Et d’ajouter : « Détruire ces milliers de bibliothèques familiales ne répond à aucune stratégie d’enrichissement des bibliothèques nazies, mais avant tout à une volonté de détruire une culture, d’accompagner l’élimination physique des personnes du meurtre symbolique de leur esprit. »
Pour l’occasion, l’Enssib propose également un fascicule, Le mystère de la boîte verte, un récit où Olivier Salon raconte, sous la forme d’une enquête, la disparition de ce fameux objet (On peut en télécharger le fichier numérique gratuitementICI).
Dans le numéro 233 de la Bibliothèque Oulipienne, l’histoire de l’exemplaire n° IV/XX de la « Boîte Verte » offert et dédicacé en 1934 par Marcel Duchamp à François Le Lionnais, résistant communiste entièrement spolié après son arrestation et sa déportation durant la Seconde Guerre mondiale.
Dans les années 1960, François Le Lionnais a eu la surprise de retrouver « sa » Boîte Verte exposée au Musée d’Art moderne de Stockholm, alors dirigé par Pontus Hultén. Cette Boîte Verte a de nouveau disparu depuis.
Collectif, dir. Martine Poulain – Où sont les bibliothèques françaises spoliées par les nazis – ENSSIB – 25 €
Source Actualitte