Le choc après l’attentat contre le journal satirique transparaît jeudi à la Une des quotidiens
« Barbarie », « Guerre contre la liberté », « Chantage répugnant ». Le choc ressenti après le sanglant attentat contre le journal satirique français Charlie Hebdo transparaît jeudi à la une des journaux en France et en Europe, dont certains se sont couverts de noir.
Dans la presse française, des fonds noirs et des dessins rendent hommage aux 12 morts, dont des dessinateurs renommés, de l’attentat à la Kalachnikov commis mercredi à Paris contre le journal.
« Nous sommes tous Charlie », titre le quotidien Libération. La mention, brandie par de nombreux manifestants lors de rassemblements mercredi soir, se retrouve très souvent en manchette des quotidiens.
« La liberté assassinée », clame de son côté le quotidien conservateur Le Figaro qui publie les photos de six des victimes: les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski et le chroniqueur Bernard Maris.
Dans un éditorial intitulé « La guerre », le directeur du journal annonce «une vraie guerre, menée non par des assassins de l’ombre mais par des tueurs méthodiques et organisés, dont la tranquille sauvagerie glace le sang».
Le quotidien Les Echos appelle à faire « Face à la barbarie » et publie le dernier dessin de Charb.
L’éditorial s’en prend à « des salauds cagoulés (qui) ont déclaré la guerre à la France, à notre démocratie, à nos valeurs ».
« Barbarie », sur fond noir est le titre également choisi par le journal gratuit 20 Minutes.
En Belgique, le journal économique L’Echo titre « Tous des Charlie » sur fond noir, au centre de sa une, qui reproduit 17 unes de Charlie Hebdo. Son jumeau néerlandophone De Tijd, plus sobre, présente une première page presque entièrement noire avec les mots « Je suis Charlie », en français.
Toute la une du quotidien néerlandophone De Morgen est occupée par un dessin représentant en rouge sur fond blanc un terroriste brandissant une Kalachnikov et qui s’exclame « Ils sont armés ! » face à un personnage hors champ armé d’un simple crayon.
L’éditorialiste de La Libre Belgique, Francis Van de Woestyne, estime que « cette attaque est, dans son impact, sa violence, aussi importante que celle qui a frappé New York le 11 septembre 2001. Demain, dans huit jours, dans un mois, d’autres terroristes frapperont. Au nom d’un dieu, d’un prophète dont ils tordent le message ».
« Ne pas céder »
Dans la presse britannique, le Daily Mail et le Daily Telegraph titrent tous les deux en une « La guerre contre la liberté », avec une photo de l’attentat montrant deux agresseurs pointant leurs armes contre un policier gisant sur le sol.
Dans la même veine, le Times titre en une « Attaque contre la liberté » et le Guardian« Assaut contre la démocratie ».
Le Guardian relève dans son éditorial que les journalistes de Charlie Hebdo, qui se sont toujours moqués du christianisme, « n’ont jamais vu de raison particulière de montrer plus de déférence vis-à-vis d’autres religions ».
« L’attaque contre les journalistes de Charlie Hebdo cible le coeur de la démocratie – la liberté de la presse », écrit sur son site internet le quotidien conservateur allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), estimant que, dans la lutte contre le terrorisme, « il ne faut pas reculer ».
« Oui, d’une certaine façon, c’est un combat de civilisations », affirme encore le journal, qui appelle toutefois à « garder la tête froide ».
« Nous ne devons pas nous laisser réduire au silence par le massacre perpétré à Charlie Hebdo », estime sur son site le Tagespiegel.
« Je suis (ich bin) Charlie ! », clame sur son site internet le Tageszeitung. « Le but des terroristes est toujours de répandre la peur et l’effroi. Avec l’attaque de mercredi, la peur s’est désormais installée dans les rédactions », estime le quotidien.
« L’Europe n’a pas peur », titre de son côté l’édition en ligne du grand hebdomadaire portugaisExpresso, soulignant que des milliers d’Européens sont descendus dans la rue « pour la liberté d’expression, contre la barbarie du terrorisme ».
« Il ne faut pas céder au chantage répugnant de la terreur. Et transformer leur haine en défaite », écrit le journal de référence Publico dans un éditorial intitulé « Combattre la haine, défendre la liberté ».
En Espagne, un éditorial publié sur le site internet de la radio Cadena Ser énonce que « les caricatures ne sont coupables de rien, ni les blagues, ni le dernier livre de Houellebecq qui pronostique une France islamiste en 2022. Non, ne nous trompons pas de remède: la solution n’est pas de mutiler les libertés, mais de combattre le fanatisme, la haine irrationnelle, l’obscurantisme et l’ignorance ».
Le journal danois Berlingske affiche en une un dessin représentant une feuille de papier blanche sur laquelle « Charlie Hebdo » est écrit en noir, entouré des impacts de 12 balles, en référence aux 12 morts.
En-dessous, un texte affirme que « la démocratie et la liberté d’expression ne doivent pas et ne devraient pas être étouffées ».
« Toutefois, il est évident que pour beaucoup la conclusion évidente sera de garder profil bas, de se couvrir et d’éviter de provoquer de fortes émotions. Mais nous ne devrions pas nous cacher, parce qu’alors nous céderions à une culture de menaces inacceptable », poursuit le journal.
« Le prophète vengé dans le sang », titre le quotidien conservateur polonais Rzeczpospolita, expliquant que « l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo est tombé victime de la guerre déclarée à la France par les islamistes ».
Le journal internet Gazeta.pl, du groupe du premier quotidien polonais Gazeta Wyborcza, publie 13 « couvertures les plus frappantes de Charlie Hebdo » – dont plusieurs visant le pape, avec ce commentaire: « Ils n’épargnaient personne, rien n’était sacré pour eux. »
L’organisation de défense de la liberté de la presse, basée en France, Reporters sans frontières, avait lancé dans un communiqué mercredi « un appel international à tous les directeurs de médias pour qu’ils publient dès demain (jeudi) les dessins du magazine endeuillé ».
« La liberté de l’information ne saurait s’effacer face à la barbarie et céder au chantage de ceux qui pourfendent notre démocratie et nos valeurs républicaines », est-il ajouté dans le communiqué de RSF.
(AFP)