Et soudain, coup de tonnerre dans un ciel bleu – car qui es-tu, toi qui crois pouvoir tout contrôler ? – mon cher papa fit un épuisement nerveux tel qu’on dut l’hospitaliser pendant un mois pour une cure de sommeil. À l’époque, les méthodes employées étaient radicales, les traitements violents et les effets très lourds. Il sortit de là métamorphosé en une espèce de plante, sans plus aucune ressource pour continuer à assumer ses responsabilités, ses ambitions, sa vie d’époux et de père… Il fut transféré d’hôpital psychiatrique en hôpital psychiatrique pendant pas loin de quinze ans.
La vie de notre famille s’en trouva profondément éprouvée. Ma mère qui n’avait jamais travaillé fut obligée de s’y mettre. Ce fut très dur pour elle, mais elle assuma.
Mes deux jeunes sœurs et moi ne comprenions pas ce qui nous arrivait et avions une peur panique à présent de tout, de ce père que nous ne reconnaissions plus, des visites le dimanche dans ces antres infernaux où nous allions le voir, pleins d’êtres difformes, horribles, fous, criant, hurlant, pleurant…
Notre père, qui était prisonnier de son péché, d’avoir nié D.ieu par orgueil, d’avoir voulu être l’homme qui est au centre de l’univers, donnant un sens à sa vie par ses propres forces, notre père était à présent mis dans une forme de geôle par D.ieu Lui-même, jusqu’à ce qu’il crie à ce D.ieu qu’il avait refusé jusque-là de considérer comme son créateur et comme le maître de son existence. Mais nous n’en étions pas encore là.
Le temps de mon adolescence passa ainsi, avec des périodes difficiles et insécurisantes, pour moi mais aussi pour chacune de nous. Je commençai, après mes six ans d’humanités, des études aux Beaux-Arts, que je poursuivis pendant sept ans.
J’avais hérité de mon père ce don pour le dessin qu’il avait naturellement développé dans sa jeunesse. J’aimais dessiner, j’aimais aussi la littérature, la musique, les langues étrangères qui avaient un charme particulier car elles me parlaient d’un possible ailleurs.
La fuite dans un autre univers où peut-être les choses seraient plus belles, plus heureuses…
Je ne touchai pas aux drogues, quelles qu’elles fussent ; je ne sombrai pas dans des dérives quelles qu’elles fussent. Mais je frôlai quelquefois de réels dangers, par le biais de fréquentations qu’il aurait mieux valu éviter. Je vois aujourd’hui à quel point D.ieu veillait sur moi pour me protéger, moi qui n’avais plus la protection d’un père autrefois si présent.
Car, malgré tout cela, Dieu me gardait et avait pourvu à ma sécurité jusqu’à ce qu’Il se révèle à moi, grâce à Sa toute puissance et à l’éducation que j’avais reçue, empreinte de lois, de règles, qui me donnaient une structure suffisante pour ne pas sombrer totalement dans le désespoir.
Mais j’étais emprisonnée. Je ne connaissais ni la Vie, ni l’Amour… J’étais d’ailleurs incapable d’en recevoir, incapable d’en donner. J’étais assoiffée d’amour et cherchais à gauche et à droite celui qui pourrait combler ce vide immense qui était en moi, le père que j’avais perdu…
En même temps, j’étais enfermée comme une perle dans sa coquille, et c’était pour ceux que je rencontrais un mystère qui les poussait à me laisser de côté, car le manque de communication ne pouvait que mener à la destruction des relations affectives. Quand je ne rompais pas moi-même une relation dans laquelle je ne pouvais pas me sentir à l’aise, car… j’étais très souvent déçue.
Et tous mes idéaux s’effondraient les uns après les autres, l’idée même que je me faisais de ma propre personne s’effritait. Car je voyais que je dérogeais de plus en plus à toutes les règles de conduite que je m’étais fixées. Les beaux idéaux que j’aurais voulu atteindre après avoir lu les Proverbes de la Bible s’étaient tous envolés comme des papillons, aux quatre vents.
C’est alors que je rencontrai celui qui allait devenir mon époux. Mon cher époux qui, lui aussi, avait un jour, bien plus jeune que moi, tout petit, demandé à D.ieu s’Il existait
Merci Élishéva pour ton témoignage, c’est très touchant en ce qui
concerne ton père.
Sois-bénie.