IDAIA MATER
« Astarté ou Cybèle était aussi appelée Idaia Mater, et la montagne sacrée de Phrygie, fameuse par la célébration des mystères de cette déesse, était appelée mont Ida, c’est-à-dire en chaldéen, langue sacrée de ces mystères, le mont de la science. Idaia Mater signifie donc la mère de la Science, en d’autres termes, notre mère Eve, qui la première convoita la connaissance du bien et du mal, et l’acheta si chèrement pour elle-même et pour ses enfants. Astarté, comme il est bien facile de le prouver, était adorée non seulement comme incarnation de l’Esprit de D.ieu, mais aussi comme la mère de l’humanité. Aussi quand la mère des dieux et de la science était représentée avec la grenade à la main (fig. ci-dessous) invitant ceux qui gravissaient la montagne sacrée à l’initiation
NB : Note de l’auteur, (la déesse raison de la révolution française ?)
de ses mystères, peut-on douter de la signification de ce fruit ? Elle se rapporte évidemment à son caractère présumé ; il doit être le fruit de l’arbre de la connaissance, « le fruit de cet arbre dont le goût mortel amena dans le monde la mort et tous nos malheurs ».
La connaissance à laquelle on admettait les sectateurs de la déesse du mont Ida était précisément de la même espèce que celle qu’Eve obtint en mangeant le fruit défendu,
connaissance pratique de tout ce qui était moralement mal et hideux. Quant à Astarté, à cet égard, les hommes étaient accoutumés à regarder leur grande bienfaitrice comme obtenant pour eux la connaissance, et les bénédictions en rapport avec cette connaissance qu’ils auraient en vain attendues de Celui qui est le Père des lumières, et de qui procède tout bien ou tout don parfait. La papauté inspire le même sentiment à l’égard de la déesse romaine la Reine des Cieux, et entraîne ses sectateurs à considérer la faute d’Eve de la même manière que le faisait le paganisme. |
Dans le canon de la messe, le service le plus solennel du missel romain, on trouve l’expression suivante, dans l’apostrophe à la faute de nos premiers parents : « O beata culpa, quae talem meruisti Redemptorem ! O faute bénie, qui nous a procuré un tel
Rédempteur ». – L’idée contenue dans ces paroles est entièrement païenne. Voici à quoi elles reviennent : « Grâces soient rendues à Eve, dont la faute nous a obtenu le glorieux Sauveur. »- Il est vrai que l’idée contenue dans ces mots se trouve identiquement dans les écrits d’Augustin ; mais c’est une idée entièrement opposée à l’esprit de l’Evangile, qui fait le péché d’autant plus coupable qu’il a fallu une telle rançon pour nous délivrer de sa malédiction épouvantable. Augustin avait bien des sentiments païens dont il ne se dépouilla jamais complètement. Il est étrange qu’un homme sérieux, éclairé comme Merle d’Aubigné ne voie aucun mal dans ce langage.
Comme Rome entretient les mêmes sentiments que le paganisme, elle a adopté les mêmes symboles selon qu’elle le jugeait opportun. En Angleterre et dans beaucoup de pays de l’Europe, on ne trouve pas de grenades ; et cependant même en Angleterre, on cherche à entretenir la superstition de la grenade. Au lieu de la grenade, on a l’orange ; c’est ainsi que les papistes d’Irlande unissent à Pâques les oranges et les oeufs : c’est ainsi que dans cette cérémonie vaine et prétentieuse où l’évêque Gillis d’Edimbourg, il y a quelques années, lava les pieds à douze Irlandais en haillons, il offrit à chacun d’eux une orange et deux oeufs.
Or, cet usage de l’orange comme symbole du fruit « de l’arbre mystérieux de l’épreuve » en Eden, n’est pas, il faut le remarquer, d’invention nouvelle ; il date des temps les plus reculés de l’antiquité classique. Les jardins des Hespérides de l’Occident étaient exactement, d’après tous ceux qui ont étudié le sujet, la contrepartie du paradis d’Eden dans l’Orient. »
L’IMAGE DE LA BÊTE
La Bête qui monte de la terre ne conduit pas seulement le monde à adorer la première Bête, mais (vers. 14) elle domine sur les habitants de la terre, pour les entraîner à faire une image de la Bête qui, après avoir reçu un coup mortel de l’épée, vivait encore cependant. Je me suis demandé pendant bien des années ce que peut signifier l’image de la Bête, mais je n’ai pu trouver la moindre satisfaction dans aucune des solutions qui aient été proposées, jusqu’au jour où je tombai sur un ouvrage modeste mais remarquable, dont j’ai déjà parlé. Cet ouvrage est intitulé : « Interprétation originale de l’Apocalypse ». C’est un livre écrit évidemment par un auteur qui est parfaitement au courant de l’histoire de la papauté : il me fournit aussitôt la solution de la difficulté. L’image de la Bête n’est autre pour l’auteur que la Vierge Mère ou la Madone. A première vue on peut trouver la solution invraisemblable, mais si on la rapproche de l’histoire religieuse de la Chaldée, l’invraisemblance disparaît entièrement. Il y avait, dans l’ancien paganisme babylonien, une statue de la Bête qui monte de la mer ; quand on saura ce qu’était cette statue, la question, je le crois, sera bien résolue. Lorsque Dagon fut pour la première fois exposé à l’adoration, il fut représenté de bien des manières différentes et sous différents caractères, mais on l’adorait de préférence, le lecteur l’a vu déjà, sous la forme d’un enfant dans les bras de sa mère. Dans le cours naturel des événements, la mère finit par être adorée en même temps que l’enfant, et même elle devint l’objet favori de ce culte. Pour le justifier, comme nous l’avons déjà remarqué, la mère dut certainement avoir été divinisée, et on dut lui attribuer des pouvoirs et des prérogatives divines. Cependant quelle que soit la dignité que le fils fût censé posséder, on attribua à la mère une dignité semblable. Quel que fût le nom dont on honorait le fils, on donna à la mère un nom équivalent. Le fils s’appelait Belus, le seigneur, elle fut appelée Beltis, la dame. Il s’appelait Dagon, le poisson de mer, elle s’appela Derketo, la sirène ; comme maître du monde, il portait des cornes de taureau ; elle, comme nous l’avons vu, sur l’autorité de Sanchoniathon, portait sur la tête une tête de taureau, comme emblème de sa royauté. Comme dieu soleil, il s’appelait Beël-Samen, le Seigneur du Ciel, elle, comme déesse de la lune, Melkat-ashemin, la Reine du Ciel. Il était adoré en Egypte comme le révélateur de la bonté et de la vérité ; elle était adorée à Babylone sous le symbole de la colombe, comme la déesse de la douceur et de la miséricorde, la mère au gracieux accueil, miséricordieuse et compatissante envers les hommes. Sous le nom de Mithra, il était adoré comme Mesitès ou le Médiateur ; elle comme Aphrodite, ou celle qui apaise la colère, était appelée Mylitta, la Médiatrice. Il était représenté comme écrasant le grand serpent sous son talon, elle, comme écrasant la tête du serpent dans sa main. Sous le nom de Janus, il portait une clef ; c’était le dieu qui ouvre et qui ferme les portes du monde invisible ; elle, sous le nom de Cybèle, avait une clef semblable comme emblème du même pouvoir. Comme étant le purificateur du péché, il était appelé le dieu sans souillure ; elle aussi avait le pouvoir de purifier du péché, et bien qu’elle fût la mère de la race humaine, on l’appelait la vierge pure et immaculée. Il était représenté comme le juge des morts, elle, comme se tenant près de lui sur le siège du jugement dans le monde invisible. Après avoir été tué par l’épée, il se leva, dit-on, du tombeau, et remonta au ciel. Elle aussi, bien que l’histoire la fasse périr par l’épée sous la main d’un de ses enfants, fut néanmoins d’après le mythe, emportée corporellement dans le ciel par son fils, et devint Pambasileia, la reine de l’univers. Enfin pour conclure, on la connaissait alors sous le nom de Sémélé, mot qui, dans le langage babylonien, signifie statue. Ainsi, à tous les points de vue, à un iota près, elle est devenue l’image expresse de cette Bête babylonienne « qui avait été frappée de l’épée, et qui cependant vivait encore ».
Après tout ce que le lecteur a déjà vu dans ce livre, il est à peine nécessaire d’ajouter que c’est cette même déesse qu’on adore aujourd’hui dans l’Eglise romaine sous le nom de Marie. Bien qu’elle ait le nom de la mère de notre Seigneur, tous les attributs qu’on lui décerne dérivent simplement de la Madone babylonienne, et nullement de la vierge mère du Christ. Il n’y a pas une seule ligne ou une seule lettre dans toute la Bible qu’on puisse invoquer à l’appui de cette idée que Marie doit être adorée, qu’elle est le refuge des pécheurs, qu’elle est immaculée, qu’elle a offert une expiation pour le péché quand elle se tenait près de la croix et que suivant Siméon, « une épée lui transperça l’âme », ou qu’après sa mort elle soit ressuscitée pour être élevée dans la gloire céleste. Mais tout cela se trouvait déjà dans l’ancien système babylonien, et maintenant toutes ces doctrines sont incorporées dans le système de Rome. On nous montre le sacré-coeur de Marie percé d’une épée, parce que, dit l’Eglise apostate, son angoisse, au moment de la crucifixion, a été une expiation aussi vraie que la mort de son fils. Nous lisons, en effet, ces paroles blasphématoires dans l’office de dévotion adopté par la confrérie du Sacré-Coeur : « Va donc, dévot adorateur, va au coeur de Jésus, mais que ton chemin passe par le coeur de Marie ; l’épée de douleur, qui lui perça l’âme, t’ouvre un passage ; entre par la blessure que l’amour a faite ». Nous entendons aussi un défenseur de la foi nouvelle, comme M. Genoude en France, dire que Marie a réparé la faute d’Eve comme notre Seigneur a réparé la faute d’Adam, et un autre, le professeur Oswald de Paderborn, affirme que Marie n’était pas qu’une créature humaine comme nous, qu’elle est la Femme, comme Christ est l’Homme, que Marie est présente avec Lui dans l’Eucharistie, et qu’il est incontestable que, suivant la doctrine de l’Eglise sur l’Eucharistie, cette présence de Marie dans l’Eucharistie est véritable et réelle, et non seulement idéale et figurative ; de plus, nous lisons dans le décret papal de l’Immaculée Conception, que la même Madone, blessée par l’épée, se releva d’entre les morts, fut en haut et devint la Reine du Ciel. S’il en est vraiment ainsi, qui peut se refuser à voir dans cette communion apostate ce qui correspond exactement à la confection et à l’élévation au milieu de la chrétienté d’une « image de la bête qui avait été blessée par une épée et qui cependant vivait encore ? »
En consultant la parole inspirée, on verra que cela a dû se faire par quelque acte public et général de la chrétienté apostate (vers. 14). « Disant à ceux qui habitent sur la terre, qu’ils devraient se faire une image de la bête, et ils la firent ». Or, il y a un fait important à observer, c’est que cela ne s’est jamais fait, et que cela n’a pu se faire qu’en 1854 ; et la raison évidente, c’est que jusque-là jamais la Madone de Rome n’a été reconnue comme combinant tous les caractères qui appartenaient à l’image babylonienne de la Bête. Jusqu’alors, on n’admettait pas, même à Rome, bien que ce mauvais levain eût longtemps et puissamment fermenté, que Marie fût vraiment immaculée ; aussi ne pouvait-elle être encore la contrepartie exacte de l’image babylonienne. Cependant ce qui ne s’était fait jusque-là se fit en décembre 1854.