Si Obama, qui n’est pas un enfant de chœur, veut que la gauche israélienne l’emporte, ce n’est pas pour le bien d’Israël mais pour arriver à ses objectifs.
Et ses objectifs, il les a clairement déroulés en mai 2011.
La veille de la visite de Netanyahou à Washington, Il déclarait que les frontières d’avant la guerre de 1967 doivent« servir de base préalable aux discussions de paix ». (préalable, c’est à dire avant les compromis douloureux – c’est son expression – qu’il entend obtenir d’Israël).
Je vous laisse libre d’imaginer quels « douloureux » compromis le plus islamo-compatible président des Etats Unis a en stock pour Israël…
Tout le monde sait-il bien où passent ces « frontières d’avant 1967″ (le mot frontière est d’ailleurs incorrect, il s’agit de la ligne de démarcation provisoire tracée après la guerre d’indépendance) ?
- Elles passent si près de l’aéroport Ben Gurion que celui-ci devra être fermé, car les avions se trouveront à portée des roquettes palestiniennes.
- Elles font passer la vieille ville de Jérusalem, y compris le quartier juif, y compris le mur des lamentations, du coté palestinien.
- Elles mettent le Golan entre les mains de l’Etat islamiste, et le positionne en situation stratétique à quelques minutes des villes israéliennes.
- Elles correspondent à ce que Lord Caradon, rédacteur de la Résolution 242 en 1967, a décrit comme « une ligne indéfendable pour Israël » – et vous imaginez bien que depuis 1967, l’armement à fait quelques progrès en précision et portée.
- Elles font perdre à Israël le bénéfice naturel procuré par la vallée du Jourdain que les chars et les troupes ennemis ne peuvent franchir, rendant le territoire israélien soudainement très attractif pour les velléités de l’Etat islamiste.
Et c’est parce que Obama est certain que Tzipi Livni acceptera les « douloureuses » concessions qu’il veut imposer à Israël, qu’il a envoyé Jeremy Bird, le directeur de sa campagne électorale de 2012, en Israël pour organiser la victoire du parti de Livni.
A chacun ses convictions, disais-je.
Mais quand Obama se mêle des élections israéliennes pour faire perdre Netanyahou, il y a un comme un problème d’ingérence, et sauf à servir de paillasson à Obama, aucun Israélien ne devrait accepter cette intrusion dans le processus démocratique israélien. Le fait que Tzipi Livni et Isaac Herzog l’acceptent pose en soi un sérieux problème : élus, ils devront renvoyer l’ascenseur, et pas à vide.
A chacun ses convictions, mais quand Obama monte sur ses grands chevaux en reprochant au premier ministre israélien son insupportable ingérence dans les affaires américaines, parce qu’il a répondu favorablement à l’invitation du Congrès américain, et qu’il envoie, lui Obama, une organisation d’extrême gauche du nom de V15 faire campagne pour les opposants au Likoud, il y a un sérieux souci.
Pour tout vous dire, même le très à gauche Haaretz s’en est ému. Haaretz a dévoilé que le plan de l’organisation envoyée par Obama en renfort consiste à « recruter des milliers de volontaires qui vont faire du porte à porte avant l’élection afin de persuader au moins un million de personnes de voter pour un changement de gouvernement ».
Haaretz ajoute que “louer les services d’une telle organisation coûte une fortune. Nous parlons de financement étranger d’une amplitude énorme, en violation des lois de financement des partis ».
Obama représente pour Israël son danger le plus immédiat.
Obama, tous les sondages confirment qu’une majorité d’Israéliens ne s’y trompent pas, n’est pas l’ami rêvé pour Israël, si je peux employer cet euphémisme.
Il ne peut pas être réélu pour un troisième mandat, il n’a donc rien à perdre et peut se permettre tous les excès, tous les coups bas.
Il veut laisser son nom dans l’histoire pour être celui qui a négocié et signé la paix entre Israël et les Palestiniens, et il n’hésitera pas un instant à le faire au détriment d’Israël.
Il a clairement dit et répété qui doit faire les compromis, et qui doit supporter les sacrifices d’une telle paix.
Ses positions vis à vis du nucléaire iranien ne sont un secret pour personne (sauf pour les médias français, mais vous, les francophones israéliens, savez parfaitement quoi penser des positions des médias français). Obama vient d’exiger qu’Israël ne soit pas tenu informé des négociations en cours avec l’Iran – alors qu’Israël est le plus proche allié des Etats Unis au Moyen Orient. Est-ce ainsi qu’on traite son plus proche allié ?
Son soutien aux Frères musulmans d’Egypte lors de la dernière révolte, son indécision et sa faiblesse de réaction vis à vis de l’Etat islamique, ne sont pas non plus des scoops.
A chacun ses convictions, mais si Obama s’en mêle, c’est qu’il y a anguille sous roche.
Souvenez-vous du vote au Conseil de sécurité de l’ONU pour la Palestine, en décembre dernier.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry – encore un bon ami celui-là – avait expliqué qu’il serait plus astucieux de reporter le vote de trois mois, soit après les élections israéliennes. Vous voyez où il voulait en venir ? Il espère la victoire de la gauche, laquelle sera plus « maléable », réceptive si vous préférez, au message « de paix » de Mahmoud Abbas, qui prévoit le retour sous la contrainte internationale des 5 millions de « réfugiés » palestiniens sous un délai de un an si les pourparlés de paix n’aboutissent pas.
Savez-vous que Jacques Dutronc ne pensait pas à Tzipi Livni quand il a écrit la chanson l’opportuniste ?
Et pourtant…
- Entre 1999 et 2005, Tzipi Livni est à droite, elle portait les couleurs du Likoud.
- En 2005, elle vire centre gauche, adhère au parti Kadima, et se présente aux élections sous sa bannière.
- En 2012, elle déclare qu’elle se retire définitivement de la politique. Lorsque nous avons diné à la même table – nous étions invités par une amie commune – elle était restée très vague sur le sujet.
- La revoilà pourtant en 2013, chez Hatnuah, plus à gauche que Kadima qu’elle ne trouvait pas assez « progressiste ».
- Et en 2014, après avoir soutenu des thèses post-sionistes, elle forme l’Union Sioniste avec Itzhak Herzog, du parti travailliste à la dérive.
Dans quel camp sera-t-elle demain ?
Le sait-elle elle-même ?
Et vous ?
Donneriez-vous votre main à couper qu’elle n’abandonnera pas ses promesses de campagne, une fois à la tête du pays ?
Et le parti travailliste, son allié du jour, lorsqu’il était dirigé par Shelly Yachimovich de 2011 à 2013, a tenté une alliance avec les partis arabes israéliens antisionistes pour remporter les élections. Dans quel camp seront-ils, eux, demain ?
Savez-vous que les mêmes partis arabes israéliens ont fait annuler la réunion électorale du « camp sioniste » Livni Herzog qui devait se tenir à Nazareth, parce qu’ils craignent qu’ils leur prennent des électeurs arabes israéliens ? Je vous laisse, là encore, imaginer quelles idées futures ils ont derrière la tête, mais je peux vous assurer que si les arabes israéliens ont dans l’idée de voter pour la liste Livni Herzog, ça n’est probablement pas très bon pour le sionisme.
Il avait fallu près de 8000 roquettes pour que le gouvernement Olmert/ Livni/ Barak se décide enfin à réagir, fin décembre 2008, et déclenche l’opération Plomb durci pour protéger sa population.
A chacun ses positions, mais en Israël, se mentir ou se bercer d’illusions coûte cher, et le prix se paye en vies humaines, pas en hausses d’impôts ou mauvais choix sociétaux.
Avec l’Etat islamiste aux portes d’Israël, le Hezbollah en embuscade, l’Iran dans sa course au nucléaire, le Hamas qui n’est plus une organisation terroriste et qui se réarme de façon non terroriste, les « valeureux » pacifistes de la gauche israélienne ont-ils comme stratégie de préparer des affichettes Je suis Charlie pour protéger le pays ?
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