Abbas envisage la fin des relations sécuritaires avec Israël; beaucoup estiment qu’il n’en a pas les moyens
Le ministre israélien de la Défense Moshé Ya’alon a rejeté vendredi les menaces de hauts responsables palestiniens de mettre un terme la coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne à la suite de la mort de Ziyad Abu Ein au cours d’une manifestation suivie de heurts avec les forces de sécurité israéliennes cette semaine.
« La coordination sécuritaire est plus importante pour l’Autorité palestinienne que pour nous », a déclaré Ya’alon à la chaîne de télévision Aroutz 2. « Nous nous arrangerons sans coordination sécuritaire. Ce sont des menaces en l’air », a poursuivi le ministre.
Le président de l’Autorité palestinienne a très fermement condamné la mort de Ziyad Abu Ein, un haut responsable palestinien, déclarant qu’il s’agissait d’un « acte de barbarie qui ne peut être accepté ou ignoré », ajoutant que les Palestiniens allaient prendre des mesures de rétorsion contre Israël.
Jibril Rajoub, un haut responsable du Fatah, a souligné cette semaine que l’Autorité palestinienne envisageait la fin de la coopération sécuritaire.
Mahmoud Abbas a convoqué pour samedi matin la direction palestinienne afin de débattre et de décider d’une éventuelle suspension de la coopération sécuritaire avec Israël.
La réunion était prévue pour vendredi, mais, selon une source palestinienne des pressions « internationales et régionales » seraient à l’origine du report de la réunion.
Vendredi après-midi, après l’attaque à l’acide à Goush Etsiyon (Cisjordanie) d’une famille israélienne par un terroriste palestinien, un officier israélien de haut rang a déclaré que la coopération sécuritaire se poursuivait et que « pour tout ce qui concerne la lutte contre le Hamas et le terrorisme, tout se passe comme d’habitude ».
« Cependant, il y a des soubresauts occasionnels (avec la coordination) », a-t-il précisé.
Abbas a-t-il les moyens de mettre un terme à la coopération sécuritaire avec Israël ?
Fustigée par les opposants au processus d’Oslo, Hamas et le Djhad islamique en tête, la coopération sécuritaire est désormais critiquée jusque dans les rangs du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas qui avait réactivé cette coopération, suspendue lors de la Seconde Intifada (2000-2005), après son élection en 2005. En mai, le président Abbas a, à nouveau, défendu son caractère « sacré », mais les pressions s’accentuent pour y mettre un terme face à l’escalade des tensions entre Israéliens et Palestiniens.
Les accords d’Oslo I, signés au Caire en mai 1994, prévoient que les forces de sécurité palestiniennes agissent contre toute incitation au terrorisme et à la violence contre Israël. Cette coordination implique ainsi l’échange d’informations – avec des rencontres régulières des chefs des services de sécurité – et des opérations conjointes entre forces de sécurité israéliennes et palestiniennes.
La poursuite de cette coopération avec Israël est aussi un gage donné à la communauté internationale, et notamment aux Etats-Unis, qui y voient un prérequis dans l’optique d’un accord de paix.
Soutenue par les Etats-Unis et l’Union européenne, principaux bailleurs de l’Autorité (dont 30 % du budget est consacré à la sécurité), cette réforme s’est traduite par le démantèlement des groupes armés en Cisjordanie, ainsi que la restructuration et la modernisation des forces de sécurité, pourvues de 30 000 hommes. Avec l’aval d’Israël, des unités spéciales ont été créées, notamment en matière de lutte antiterroriste, dotées d’équipements modernes.
Cette coopération est, pour Israël, un élément-clé de sa lutte antiterroriste. Elle en a tiré, au cours des dernières années, des renseignements lui permettant de déjouer des dizaines d’attentats sur son territoire, ainsi que contre les habitants des implantations et les soldats en Cisjordanie.
L’Autorité trouve aussi son intérêt dans la surveillance accrue du Hamas et des groupes radicaux ou djihadistes, ses principaux opposants. Des responsables israéliens ont affirmé que la coopération a fait échouer plusieurs tentatives de déstabilisation de l’Autorité palestinienne par le Hamas. Mais elle permet aussi aux services palestiniens – régulièrement accusés d’exactions et d’arrestations arbitraires contre les opposants – de prévenir tout soulèvement en Cisjordanie qui pourrait se retourner contre l’Autorité.
Si Mahmoud Abbas a indiqué que toutes les options étaient sur la table, les commentateurs s’accordent pour estimer qu’il n’est pas dans son intérêt de mettre ces menaces à exécution, tant sur le plan interne qu’international. La fin de cette coopération pourrait donner lieu à un nouvel embrasement sur le terrain.
Mahmoud Abbas sait également qu’une telle décision risquerait de renforcer la camp de la droite « dure » alors qu’Israël entre en période électorale.
Contesté dans son camp, le président de l’Autorité palestinienne risquerait de perdre le contrôle du terrain face à ses opposants ainsi que le soutien de la communauté internationale.