FIGAROVOX/TRIBUNE – Jean d’Ormesson a dénoncé ce mercredi les massacres des chrétiens d’Orient perpétrés par Daech, qu’il qualifie de Génocide. Maxime Tandonnet approuve cette prise de position et s’indigne du refus d’agir de la communauté internationale.
Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l’exercice de l’État pour FigaroVox. Il est haut fonctionnaire, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013.
Mercredi 25 février, sur Europe 1, Jean d’Ormesson a dénoncé le génocide des chrétiens d’Orient par le Daesh, ou État islamique d’Irak et de Syrie, à la suite de l’enlèvement de 100 chrétiens d’un village syrien, rappelant le martyr médiatisé subi par 21 Coptes en Libye quelques jours plus tôt.
Il faut craindre le massacre dans les jours à venir, des villageois enlevés femmes et enfants inclus, à des mises en scène d’une cruauté qui dépasse l’imagination. Ce génocide, comme tous les grands génocides de l’histoire, se déroule dans la passivité et la lâcheté de la communauté internationale.
Une poignée de Kurdes déterminés, dont de nombreuses femmes, a montré que l’État islamique était loin d’être invincible. Dès lors, l’échec de la communauté internationale à mettre fin au massacre, ou bien son indifférence, est incompréhensible. L’histoire retiendra les noms des dirigeants qui n’ont pas bougé le petit doigt face à ce génocide. La France a certes pris des initiatives, dont l’envoi du porte-avion Charles de Gaulle, mais elle ne peut pas être seule, engagée sur tous les fronts, dans la lutte contre la barbarie. Le silence des milieux politiques et intellectuels, en Europe et dans le monde, est une abomination. Où sont-ils passés les défenseurs des droits de l’homme? Pourquoi une telle indifférence face au sort de minorités chrétiennes?
Serait-ce la vieille haine de la religion chrétienne -écraser l’infâme- qui s’exprime dans cet abandon? La Jordanie et l’Egypte ont réagi aux atrocités dont leurs citoyens ont été l’objet. Il est invraisemblable que les grandes puissances, Etats-Unis, Russie, Allemagne, Chine, le Japon, qui ont tous été victimes à travers leurs citoyens, ne mettent pas entre-parenthèse leurs conflits pour constituer un front commun, une coalition face à une menace qui pèse sur la civilisation.
Il a fallu qu’un écrivain nonagénaire prenne la parole pour tenter de secouer les esprits. Ce qui se passe est évidemment dans l’ordre du crime contre l’humanité. Est-ce que la parole de ce grand Monsieur, courageux et lucide, dans le brouillard de l’aveuglement et de la lâcheté qui pèse sur le monde, va enfin permettre une prise de conscience? Une intervention armée d’une coalition internationale, pour mettre fin à un génocide, cela n’aurait strictement rien à voir avec les opérations militaires passées qui ont eu pour effet de déstabiliser des États et de répandre le chaos au Moyen-Orient. Cette fois-ci nous sommes dans une situation radicalement différente, celle d’un génocide en cours, comparable au «Kamputchéa» des Khmers rouges dans les années 1976-1979, ou au Rwanda dans les années 1990, pour ne parler que des génocides récents. Le refus d’agir, dans de telles circonstances, relève de la non assistance à personne en danger, voire de la complicité passive de la part de la communauté internationale. Après, avec le recul des années, on le regrette amèrement, on ne comprend pas comment une telle lâcheté a été possible. On se dit que c’est la dernière fois, qu’on ne laissera plus jamais faire… Et puis cela recommence, sous d’autres formes, dans d’autres circonstances, toujours dans l’indifférence générale et la passivité…