nov 23, 20141
L’horrible attentat commis dans une synagogue de Jérusalem est venu mettre en sourdine l’âpre combat qui se déroule autour de la « loi sur la nationalité » portée ces jours-ci à la réflexion des députés. Quelle doit être la nature de l’Etat d’Israël? Démocratique mais juive? Juive mais démocratique? Démocratique et Juive? Quel aspect doit prédominer? Peuvent-ils coexister?…
La violence aveugle avec laquelle des terroristes arabes ont assassiné des fidèles en prière, au lieu de relativiser ce débat, lui donne au contraire tout son sens.
Que visaient ces barbares? La démocratie ou l’aspect juif de cet Etat? Lorsque le rabbin Yehuda Glick fut gravement blessé, les chorales médiatiques virent unanimement un lien évident entre cet acte et le fait que Glick milite pour le droit des Juifs à prier sur l’Esplanade du Temple.
Comment expliquer alors le dernier attentat qui visait un public aux antipodes du rav Glick, qui pense qu’il est interdit de pénétrer sur ce lieu saint juif par crainte de le profaner? N’est-ce pas la preuve que les terroristes cherchent à atteindre… les Juifs tout « simplement »?
Cette loi sur la nationalité vient à point nommé éclaircir deux débats : la judéité de l’Etat d’Israël sur le plan extérieur et intérieur.
Le père spirituel du sionisme religieux, le grand rabbin Abraham Itzhak Kook a beaucoup écrit sur le phénomène miraculeux du Retour des exilés en terre d’Israël. Décédé en 1935, il a cependant écrit des pages prophétiques sur ce qui allait se passer durant les premières décennies de l’Etat et dont il percevait les prémices.
Il expliquait notamment que le Retour du peuple juif allait passer par deux étapes, l’une physique et l’autre spirituelle. Le contenant et le contenu ! La première serait constituée de l’édification physique de l’Etat, du retour des Juifs exilés, de la « re-création » d’une société, de l’instauration de structures politiques et économiques etc.
Viendrait alors un moment où la population se demanderait : « Dans quelle finalité cet Etat a-t-il été créé? », « Pour quoi (et non pourquoi) sommes-nous revenus dans ce pays? ». « Sommes-nous juste un Etat-refuge, une structure politique destinée à ‘régler la question juive’ sur le plan physique ou sommes-nous revenus pour y recréer une société basée sur notre culture, notre histoire, notre religion, nos valeurs propres? ».
La libération des lieux historiques et spirituels de l’Histoire juive en 1967 a été le point de départ de cette seconde étape. Elle a engendré une sorte de « Kulturkampf » dans lequel s’affrontent les partisans d’un Etat « comme tous les autres » et ceux qui pensent que cet Etat doit fonctionner selon les règles de la Tradition juive avec les nombreuses nuances existantes entre ces deux positions.
Comme souvent, une partie de la réponse vient d’ailleurs.
La seule vraie raison pour laquelle Abou Mazen et ses successeurs refuseront toujours de signer un quelconque traité de paix avec Israël, est la reconnaissance d’Israël comme patrie du peuple juif. C’est là un détail en apparence, mais il s’agit en réalité du cœur du problème.
Ce postulat a été longtemps nié par une partie de la population du pays et de ses élites « libérales », soucieuses de « normaliser » l’Etat d’Israël, pensant que le conflit avec nos voisins n’était qu’une question foncière à régler à coup de bonne volonté. Ceux qui affirmaient qu’il s’agissait d’un enjeu plus profond étaient regardés comme des mystiques dangereux et…des pyromanes, terme à la mode ces jours-ci.
Depuis l’annonce de cet attentat à teneur symbolique très élevée, des voix ont commencé à surgir ici et là dans le débat interne israélien : Et si la racine était plus profonde ? Le combat qui se livre à Jérusalem et qui mobilise tout le monde musulman rend l’adoption de cette Loi fondamentale qui définit Israël comme patrie du peuple juif plus urgent.
Mais cette loi n’est pas uniquement à « usage externe ». Elle définira également le caractère juif de l’Etat d’Israël, dans son calendrier, ses institutions et ses symboles, contre ceux – et il y en a – qui voudraient remettre en cause la Loi du Retour, l’hymne national ou le drapeau pour en faire un « Etat de tous ses citoyens » expression pudique pour désigner la fin d’un Etat spécifiquement juif.
L’aspect démocratique de l’Etat d’Israël sera entièrement préservé : les minorités jouiront des mêmes droits civiques et sociaux que leurs concitoyens juifs, elles seront respectées dans leur spécificité, mais ne pourront pas brandir de revendications nationales.
Nous n’avons qu’un seul Etat au monde. Il faut le protéger contre ceux qui remettent en cause son existence, à l’extérieur comme à l’intérieur. L’attitude de plus en plus hostile des Arabes à notre égard doit nous servir d’enseignement. Plus le conflit se focalisera autour de la « question juive » de l’Etat d’Israël et de Jérusalem, plus la population prendra conscience que c’est pour créer une société juive que cet Etat a été créé. Cette « loi de la nationalité » va dans ce sens
Les épreuves douloureuses que nous traversons servent aussi de révélateurs sur ce que nous sommes, et nous aident à nous débarrasser des scories d’un très long séjour en exil.
Shraga BLUM source
Shraga Blum est un journaliste indépendant qui contribue à l’hebdomadaire « P’tit Hebdo » et un analyste politique pour plusieurs sites internet en français