L’accord est un pas dans une direction « très très dangereuse »; le Congrès américain « très inquiet »
La réunion du cabinet de sécurité convoqué ce matin par le Premier ministre israélien, s’est finie en début d’après-midi sur une opposition unanime à un accord sur le nucléaire iranien.
Benyamin Netanyahou doit encore s’exprimer « prochainement ».
L’accord-cadre conclu jeudi entre l’Iran et les grandes puissances sur le programme nucléaire de Téhéran est une étape dans une direction « très dangereuse », a déclaré vendredi le porte-parole du Premier ministre israélien, qui estime que le « seul objectif » de l’Iran était de se doter de la bombe atomique.
« Non seulement il (l’accord) laisse à l’Iran une infrastructure nucléaire étendue, mais il ne conduit pas à la fermeture d’une seule installation nucléaire iranienne, il autorise l’Iran à garder des milliers de centrifugeuses pour continuer à enrichir de l’uranium (…) et il permet à l’Iran de poursuivre la recherche et le développement afin de construire de nouvelles centrifugeuses plus performantes », a déploré Mark Regev.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a dit dans la nuit de jeudi à vendredi au président américain Barack Obama que l’accord sur le nucléaire iranien menaçait la survie d’Israël, va mener vendredi des consultations de sécurité, ont indiqué ses services.
M. Netanyahu n’avait pas hésité à défier la Maison Blanche en allant le 3 mars dire devant le Congrès américain tout le mal qu’il pensait des tractations entre les grandes puissances et l’Iran. Cet épisode a contribué à l’une des pires crises dans les relations entre Israël et les Etats-Unis.
Barack Obama a appelé jeudi Netanyahou, après l’annonce d’un accord cadre avec Téhéran, réaffirmant l’engagement « sans faille » des Etats-Unis à défendre l’Etat Hébreu.
« L’accord d’étape sur le nucléaire iranien, s’il est appliqué, menace la survie d’Israël », a répondu Netanyahou au président américain, cité vendredi matin par son porte-parole.
« Un accord menacerait la survie d’Israël », a écrit Regev, sur son compte Twitter, ajoutant que l’accord d’étape mènerait l’Iran à la bombe nucléaire, aux risques « d’une guerre horrible ».
Le président américain, qui s’est rendu jeudi après-midi à Louisville, dans le Kentucky, a parlé avec M. Netanyahou depuis l’avion présidentiel Air Force One, a indiqué l’exécutif américain.
M. Obama a demandé à son équipe de sécurité nationale d' »intensifier » les discussions avec le nouveau gouvernement israélien sur les moyens de renforcer la coopération sur la sécurité.
Il a également souligné que les progrès sur le dossier nucléaire iranien ne diminuaient « en aucun cas » les inquiétudes américaines concernant « le soutien de l’Iran au terrorisme et les menaces vis-à-vis d’Israël ».
Un peu plus tôt, défendant l’accord cadre visant s’assurer que l’Iran ne se dote pas de la bombe atomique, M. Obama avait souligné sa volonté de dialoguer avec les autorités israéliennes pour les convaincre du bien-fondé de la voie diplomatique.
« Si le Premier ministre Netanyahou cherche effectivement la façon la plus efficace de s’assurer que l’Iran n’obtienne pas une arme nucléaire, c’est la meilleure option », avait-il déclaré.
Après un incroyable marathon de tractations de 18 mois entre Genève, Vienne, New York et Lausanne, et une dernière ligne droite de discussions ininterrompues pendant huit jours et nuits au bord du lac Léman, les négociateurs sont parvenus à s’entendre sur la majorité des points clés d’un accord nucléaire avec l’Iran.
Forte inquiétude
Un responsable gouvernemental israélien a par ailleurs dénoncé jeudi cet accord cadre, évoquant « une erreur historique qui rendra le monde beaucoup plus dangereux ».
« C’est un mauvais accord cadre qui conduira à dangereux accord final », a décrié ce responsable israélien, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
« Il donne une légitimité internationale au programme nucléaire iranien, dont l’unique but est de fabriquer la bombe atomique », a-t-il encore dit.
« L’Iran va continuer à enrichir de l’uranium, va poursuivre la recherche et le développement sur les centrifugeuses, et ne va fermer aucune de ses installations nucléaires, y compris le site souterrain de Fordo », a dénoncé ce responsable.
Le ministre israélien des Renseignements, Yuval Steinitz, avait lui affirmé plus tôt dans la journée que toutes les options, y compris l’action militaire, restaient sur la table pour son pays face à la menace d’un Iran doté de l’arme nucléaire.
« Au moment où les représentants des grandes puissances serrent la main de (responsables) iraniens à Lausanne, l’Iran poursuit sa campagne de terreur et d’occupation au Yémen et à travers le Moyen-Orient », a déclaré Steinitz.
« Les sourires à Lausanne sont déconnectés de la réalité, dans laquelle l’Iran refuse de faire des concessions sur la question nucléaire et continue de menacer Israël et le reste du Moyen-Orient », a-t-il ajouté.
Les républicains du Congrès inquiets
Les républicains du Congrès ont exprimé jeudi leur scepticisme et annoncé qu’ils persisteraient à demander un droit de regard sur tout accord final sur le nucléaire iranien.
« Les paramètres d’un accord final représentent un écart inquiétant par rapport aux objectifs initiaux de la Maison Blanche », a déclaré le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, dans un communiqué, avant de se dire particulièrement inquiet à la perspective d’une levée à court terme des sanctions.
« Le Congrès doit avoir le droit d’examiner totalement les détails de tout accord, avant que les sanctions ne soient levées », a-t-il dit.
Une proposition de loi, dite Corker-Menendez, doit faire l’objet d’un vote à la commission des Affaires étrangères du Sénat le 14 avril, quand le Congrès reviendra de congés. La loi forcerait Barack Obama à donner 60 jours au Congrès pour examiner et éventuellement bloquer, par un vote, tout accord nucléaire. La Maison Blanche refuse cette approche et estime que l’engagement de l’exécutif suffit, et que l’immixtion du Congrès risque de créer un précédent.
Mais les républicains sont unis derrière cette stratégie et ont réussi à convaincre un nombre notable de démocrates, comme Robert Menendez.
Le président républicain de la commission, Bob Corker, a confirmé qu’il ne reporterait pas le vote du 14 avril.
« Il est important d’attendre de voir les détails spécifiques de l’annonce d’aujourd’hui », a déclaré Bob Corker. Mais il a prévenu: « Je suis certain que le vote sera très largement en faveur » de sa loi.
Son partenaire démocrate, Robert Menendez, a réitéré son soutien, dans un communiqué au ton certes mesuré.
A l’inverse, des républicains très hostiles à tout accord avec Téhéran ont rejeté l’entente annoncée jeudi, au motif que l’Iran conservera une capacité d’enrichissement, de recherche et développement, et son installation souterraine de Fordo.
Le sénateur Marco Rubio, probable candidat à la présidentielle de 2016, a évoqué « une erreur colossale ». Deux de ses rivaux probables, Jeb Bush et Scott Walker, ont dénoncé des concessions américaines excessives.
« L’Iran n’est pas obligé de dévoiler ses activités militaires passées et la plupart des clauses de l’accord expireront dans un avenir proche », a dit Jeb Bush.
« Neville Chamberlain a signé un meilleur accord avec Adolf Hitler », a fustigé le sénateur Mark Kirk, coauteur de plusieurs lois de sanctions contre l’Iran, en référence aux accords de Munich en 1938.
Le président américain a exhorté les parlementaires à ne pas s’opposer au processus diplomatique en cours.
« Si le Congrès tue cet accord, sans se fonder sur des analyses d’experts et sans proposer d’autre solution raisonnable, alors les Etats-Unis seront accusés d’avoir fait échouer la diplomatie », a-t-il déclaré. La Maison Blanche devrait commencer un siège du Congrès pour convaincre les élus.
Anticipant un débat qui s’annonce difficile, le chef des démocrates du Sénat, Harry Reid, a adressé un conseil à ses collègues: « Dans les prochains jours et prochaines semaines, nous devons tous respirer un grand coup, examiner les détails et laisser le temps à ce processus extrêmement important de se développer ».
(i24news avec AFP)