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Israël: l’histoire revisitée…

By 22 septembre 2014Etz Be Tzion

L’histoire revisitée: le jour où le Vieux lion, d’une voix brisée, a rendu le Sinaï…

Publié le : 22 septembre 2014

Parce que celui qui oublie l’histoire est une personne sans avenir, JSSNews innove et décide de re-publier, dès aujourd’hui et le plus régulièrement possible, des articles anciens parus dans la presse française de l’époque et qui traitent d’Israël.

Aujourd’hui un article traitant de la fin de la « campagne du Sinaï. »

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Dans la nuit du 5 novembre 1956, le Général Moshe Dayan descend de sa voiture devant le 17, Boulevard Keren Kayemet, à Tel-Aviv. Il monte au deuxième étage de la modeste maison grise et est admis dans une petite pièce. C’est la chambre à coucher de David Ben Gourion. Le premier ministre, malade; s’assoit dans son lit pour entendre le rapport de son chef d’état-major.

« David, dit Dayan, je suis venu t’informer (en hébreu le « vous » n’existe pas) que Charm-el-cheikh a été pris aujourd’hui. Le Sinaï tout entier est entre nos mains. La campagne est terminée. »

Ben Gourion lui lance un regard pénétrant et glisse, mi-plaisant, mi-sérieux: « et tu ne peux pas t’en consoler, n’est-ce pas? »

« Je ne lui ai pas répondu, écrit Dayan dans ses Mémoires. Il sait bien que ce qui m’inquiète ce n’est pas la fin des combats, mais le doute quant à notre capacité de tenir bon dans la campagne politique qui commence. »

Or la campagne politique a déjà commencé. Depuis quelques jours déjà, Israël subit la pression de l’ONU, à laquelle s’est jointe, discrètement, une pression américaine émanant de la Maison Blanche. Dès le 30 octobre, moins de 24 heures après le début de la campagne du Sinaï, l’adjoint d’Eisenhower, Sherman Adams, a pris contact avec l’influent leader sioniste américain Abba Hillel Silver. « Le président, lui a t-il dit, vous demande de contacter Ben Gourion et de lui transmettre le message suivant: le président Eisenhower propose, vu que vos objectifs ont été accomplis et que les bases des feddayin ont été détruites, que vous acceptiez de retirer immédiatement vos troupes en territoire israélien. Si vous agissez de cette façon, le président s’engage à publier immédiatement une déclaration de profonde estime et de solide amitié à l’Etat d’Israël. Le président souligne que malgré l’identité temporaire d’intérêts entre Israël d’une part, la France et la Grande-Bretagne d’autre part, vous ne devez pas oublier que la puissance d’Israël et son avenir sont liés surtout aux Etats-Unis. Il attend une réponse immédiate. »

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Le 31 octobre, deuxième message.

Cette fois c’est Eisenhower lui-même qui a téléphoné à Silver: « Ben Gourion a t-il reçu mon message d’hier ? A-t-il l’intention de retirer ses forces ? Vous pouvez l’informer que je suis intéressé dans l’amélioration immédiate de nos rapports avec Israël ; si je suis informé dans les heures qui viennent de son intention d’évacuer le Sinaï, je suis prêt à faire une déclaration extrêmement amicale à Israël dans une allocution radiotélévisée, ce soir même. »

Les deux appels n’ont pas été écoutés. Mais une fois la guerre du Sinaï terminée, le ton des américains est devenu beaucoup plus dur. Dès la fin des combats, le Ministre adjoint des Affaires Etrangères, Hoover, a convoqué Reuven Shiloah, ministre plénipotentiaire d’Israël à Washington; dans une note verbale, il a menacé Israël de sanctions économiques, d’un arrêt total de la collecte du Fonds National Juif aux Etats-Unis, ainsi que de l’interruption de l’aide américaine. Il a laissé entendre que les Etats-Unis ne s’opposeraient pas à une éventuelle proposition d’expulser Israël de l’ONU, et ne pourraient pas assister Israël si l’Union Soviétique dépêchait des « volontaires » en Egypte pour reconquérir le Sinaï.

Les Russes sont allés même plus loin. Le maréchal Boulgamine, Président du Conseil Soviétique, a envoyé à Ben Gourion une missive qui a l’aspect d’un ultimatum: « A la fois criminel et irresponsable, le gouvernement israélien est en train de jouer avec le destin du monde, avec le sort de son propre peuple. Il est en train d’attirer sur l’Etat d’Israël la haine des peuples de l’Orient., haine qui ne manquera pas de laisser son empreinte sur l’avenir de ce pays en tant qu’Etat. Intéressé au premier chef par le maintien de la paix et du calme dans le Moyen-Orient, le gouvernement soviétique prend actuellement les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à la guerre et faire obstacle aux agresseurs. »

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Malgré ces menaces de l’est et de l’ouest, malgré les appels urgents des Nations Unies, Ben Gourion ne renonce pas de sitôt aux fruits de la victoire. Le 7 novembre, il prononce un discours de la victoire à la tribune de la knesset. « L’accord d’armistice avec l’Egypte est mort et enterré, dit-il. Le Sinaï n’a jamais été territoire égyptien ; notre opération s’est limitée au Sinaï. L’île de Yotvat (Tiran) , qui fut jusqu’au VIè siècle un Royaume Juif indépendant, deviendra de nouveau une partie du troisième Royaume d’Israël. »

Il n’y a pas de doutes que le « Vieux » nourrit des rêves politiques ambitieux sur le Sinaï et la bande de Gaza. Il veut certainement les garder et les annexer à IsraËl. Il le laisse clairement entendre en déclarant « qu’Israël n’acceptera à aucune condition que des forces militaires étrangères, quel que soit leur nom (c’est une allusion aux « casques bleus » de l’ONU), soient stationnées sur son territoire ou dans un territoire occupé par lui. »

Massivement, le parlement israélien lui vote la confiance. Dans un rate élan d’unanimité, tous les partis israéliens, sauf le minuscule parti communiste, votent une résolution de soutien à la politique de Ben Gourion au Sinaï. Par la même occasion, le premier ministre lance une nouvelle proposition de paix à l’Egypte.

La Nation israélienne est en liesse. Elle ne se sent plus en danger mortel. La guerre a été gagnée; la puissance militaire égyptienne a été brisée. D’ailleurs le comportement de l’armée égyptienne sur le champ de bataille a démontré qu’elle n’était qu’un « tigre de papier ». Les colonnes victorieuses du général Dayan ont découvert dans le Sinaï un fabuleux arsenal: d’énormes stocks de pétrole et de vivres, de l’équipement, des munitions, des centaines de canons, de tanks, de half-tracks, de camions de fabrication anglaise et soviétique. On estime la valeur du butin, que l’on transporte en Israël, à 50 millions de dollars. Jamais Israël ne s’est senti plus sûr de lui et de son avenir.

Manifestation israélienne à Jérusalem contre la décision de l'ONU concernant la libération du territoire de Gaza. Le peuple juif ne veut pas laisser les fruits de sa victoire dans les mains des casques bleus.

Mais la victoire est éphémère. Le 7 novembre fut le jour de l’euphorie; le 8 est le jour de la désillusion. Dès l’aube, les pressions se multiplient. Les américains deviennent encore plus intransigeants; des rumeurs alarmantes parlent de l’arrivée imminente de plusieurs milliers de « volontaires » soviétiques. Les services de renseignements français et britanniques rapportent que des escadres de chasseurs et de bombardiers, ainsi que des sous-marins et navires de guerre voguent vers le Moyen-Orient. Dans un ultime effort d’obtenir des garanties de ses alliés, Ben Gourion a dépêché à Paris, à bord d’un avion spécial, deux de ses confidents en mission secrète. Ce sont Golda Méir et Shimon Peres. Ils sont chaleureusement accueillis par leurs amis français. Pourtant, Christian Pineau leur dit: « nous sommes à votre côté. La France va partager avec IsraËl tout ce qu’elle a. Mais contre la menace d’intervention soviétique, nos moyens combinés ne sont pas suffisants. Dans ces conditions, nous vous le conseillons, retirez-vous. »

Ben Gourion doit prendre ses responsabilités. Le cabinet siège pratiquement toute la journée. Dans l’antichambre souffle déjà le vent de la défaite. Certains ministres du parti Mapai affirment ouvertement qu’ils ont peur d’une intervention soviétique. « Ben Gourion aussi a craint les Russes, dira, des années plus tard, un de ses confidents. Mais il a préféré céder aux américains. » En effet, le vieux leader rédige une réponse énergique et fière à Boulgamine et rejette toutes ses accusations. Mais dans la lettre qu’il prépare pour répondre à Eisenhower, il glisse une phrase clé: « ni moi, ni aucun porte-parole autorisé du gouvernement israélien n’avons jamais projeté d’annexer la péninsule du Sinaï; nous retirerons volontiers nos troupes du Sinaï dès qu’un accord satisfaisant sera intervenu avec les Nations Unies à propos de l’entrée d’une force internationale dans la zone du canal de Suez. »

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Cette lettre ne part pourtant pas aussitôt. Malgré l’atmosphère de capitulation diplomatique qui règne au Conseil des Ministres, Ben Gourion essaye de sauver quand même au moins une partie des fruits de sa victoire. Son conseiller Jacob Herzog, saisit le téléphone. Il appelle Paris, Londres, Washington, New-York. Il essaye d’obtenir des assurances et des garanties de la part des Etats-Unis sur la liberté de passage des navires israéliens dans les détroits de la Mer Rouge; il s’emploie aussi à arracher la promesse que la bande de Gaza ne sera pas rendue à l’Egypte et qu’elle ne deviendra plus, dans l’avenir, un nid d’espions et une base de feddayin. Tard dans la nuit, un accord se dessine. L’Amérique promet à Israël d’appuyer ses demandes.

Le vieux lion à la voix brisée

Le conseil des ministres est convoqué de nouveau. Ben Gourion l’informe, la mort dans l’âme, de sa décision d’obéïr aux résolutions de l’ONU et d’annoncer l’intention d’Israël d’évacuer le Sinaï. Il est approuvé par la majorité du cabinet. Les ministres du parti Mapai (extrême gauche) sont parmi ceux qui s’opposent à la résolution. Or ces mêmes ministres avaient voté une semaine auparavant contre la résolution de lancer la campagne du Sinaï…

Il est 0 h 30 quand une voix fatiguée, lasse, retentit dans les récepteurs de radio à travers Israël. Personne ne s’est couché cette nuit, depuis des heures, des speakers ont demandé à la nation de rester à l’écoute pour entendre une communication de la plus haute importance. Et maintenant, 2 millions d’israéliens entendent la voix brisée. C’est Ben Gourion qui parle. Il informe la nation de la décision du gouvernement de se retirer du Sinaï; il donne lecteur du texte de sa lettre à Eisenhower. Finalement, il rend hommage aux soldats qui ont conquis le Sinaï: « Israël, après la campagne du Sinaï, ne sera plus le même qu’avant cette grandiose opération. Aux combattants je dis: l’histoire nous récompensera pour votre action, et je crois que notre peuple tout entier l’aura mérité. »

L’allocution plonge le peuple israélien dans un profond malaise. Il a la sensation qu’on lui a arraché, par des moyens diplomatiques, les fruits de sa victoire. Un instant, les israéliens avaient songé que peut-être ils avaient en mains des atouts importants qu’ils pourraient échanger avec l’Egypte, maintenant ils sentent que tout va recommencer. Ils ne se posent qu’une seule question: quand ?  Quand reprendra ce cycle infernal des meurtres, de provocations et de représailles ?

La suite de cet article en images:

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Par Michel Bar-Zohar – mis en ligne par Delphine Haziza – JSSNews

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