Israël vote une loi pour empêcher la division de Jérusalem
Le Parlement israélien a adopté mardi un projet de loi visant à compliquer le passage sous souveraineté palestinienne de certaines zones de la ville dans le cadre d’un futur accord de paix.
LE MONDE | |Par Claire Bastier
Jérusalem ou la souveraineté à tout prix. Moins d’un mois après la reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu, Israël rend plus difficile une division territoriale de la ville sainte.
Le projet de loi, adopté mardi 2 janvier par le Parlement israélien, la Knesset, prévoit un relèvement de la majorité requise pour céder des portions de Jérusalem à toute « entité étrangère ». Il ne faudra donc plus 61 mais 80 députés (sur 120) pour approuver un transfert vers une souveraineté palestinienne, dans le cadre d’un futur accord de paix.
Adoptée avec 64 voix pour, 51 contre et une abstention, la législation consiste en un amendement de la Loi fondamentale de Jérusalem. Votée en 1980, celle-ci avait fait de la ville sainte « entière et unifiée » la capitale d’Israël. La communauté internationale n’a jamais reconnu Jérusalem de la sorte, ni l’annexion de sa partie orientale en juin 1967.
L’actuelle coalition de droite au gouvernement, qui a soutenu le projet de loi, fait tout pour rendre irréversible l’unification de 1967 et garantir l’unique souveraineté israélienne sur Jérusalem. « Nous avons sauvé l’unité de Jérusalem », s’est félicité après le vote le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, chef du Foyer juif, un parti sioniste religieux. « Le mont des Oliviers, la Vieille ville et la cité de David resteront nôtres à jamais », a-t-il ajouté, faisant référence à des sites de la partie palestinienne de Jérusalem.
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Le texte voté en première lecture fin juillet doit « empêcher les concessions dans le cadre d’accords diplomatiques futurs, avait précisé à l’époque la députée Shuli Moalem-Refaeli (Le Foyer juif), qui avait porté le projet de loi à la Knesset. Jérusalem ne sera jamais sur la table des négociations. » En cas de reprise du processus de paix, au point mort depuis 2014, le présent amendement risque donc de compliquer les pourparlers en vue d’un accord entre Israël et les Palestiniens, anticipe Aviv Tatarsky, un responsable de l’ONG israélienne Ir Amim.
« Une menace » mais aussi « une opportunité »
Si l’amendement à la Loi de Jérusalem « ajoute des obstacles juridiques » à sa division, elle pourrait aussi « faciliter sa partition, en désacralisant les limites municipales actuelles de Jérusalem », observe néanmoins Ofer Zalzberg, analyste israélien à l’International Crisis Group.
En juillet, Naftali Bennett et Zeev Elkin, ministre de Jérusalem (Likoud), avaient présenté l’amendement de la Loi de Jérusalem comme le moyen de redessiner les frontières de la ville sainte pour s’assurer une majorité démographique juive dans les limites municipales ainsi redéfinies. Il s’agirait donc, à terme, d’expulser les quartiers arabes de Jérusalem situés au-delà du mur de séparation – le camp de réfugiés de Shaoufat, les quartiers adjacents de Kafr Aqab et d’Al-Walaja – et où vivent 120 000 des 300 000 Palestiniens de Jérusalem-Est.
La loi votée le 2 janvier prévoit finalement que le paragraphe 5 de la Loi de Jérusalem, rappelant que les frontières de la ville sont celles définies en juin 1967, puisse être modifié par un vote à la majorité simple (parmi les députés présents lors du vote) au lieu de 61 voix. Zeev Elkin pourrait donc plus facilement proposer une nouvelle carte de Jérusalem.
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Décrié par l’opposition, comme par les dirigeants palestiniens, l’amendement de la Loi de Jérusalem est à la fois « une menace » et « une opportunité », conclut Ofer Zalzberg : « Tout dépend de qui est au gouvernement. » Si Zeev Elkin décide de modifier les frontières de Jérusalem, les Palestiniens concernés se verront retirer leur statut de résident de Jérusalem et ne bénéficieront plus des services alloués par la municipalité. La situation humanitaire dans les quartiers exclus pourrait donc se dégrader très rapidement.
En revanche, tempère l’analyste, « si l’opposition revient un jour au pouvoir », elle pourrait utiliser cet élément de l’amendement dans le cadre de négociations de paix « pour définir les contours de la capitale d’un futur Etat palestinien ».