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Je ne me suis pas converti au christianisme pour ces raisons-là

By 16 avril 2020Le mot du jour

Un article d’Owen Strachan, paru sur le site reformandamin.org

Les non croyants qui entrent en contact aujourd’hui avec des chrétiens évangéliques pensent probablement que ces derniers se sont convertis pour tout un tas de raisons sympas : leurs leaders ne ressemblent plus à ceux d’hier, ils sont devenus cools, et aux États Unis on peut les voir dans des émissions de télé, chantant des chansons du top 40 ou évoluant dans des églises qui ressemblent à des plateaux télé.

Ce genre de vision aurait pourtant de quoi en décontenancer plus d’un. Mais si les non croyants peuvent prendre du plaisir devant de tels spectacles, ce n’est pas le cas de tous ceux qui connaissent le Christ. Les chrétiens disent qu’ils suivent le Dieu du ciel, mais lorsque vous regardez l’image que renvoient les églises modernes, vous constaterez que les gens suivent plutôt des formules recyclées du monde. On se sent parfois comme dans un spectacle, comme des spectateurs d’une bonne émission de divertissement.

Il existe de mauvaises raisons de devenir chrétien

J’aimerais partager avec vous un témoignage différent. Je ne me suis pas converti pour intégrer une religion de l’exhibition, de la visibilité, et beaucoup d’autres chrétiens pensent comme moi.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que l’église était équipée d’installations ultramodernes. J’ai été élevé dans une petite église baptiste. Le bâtiment était vieux et moisi. Il y avait une seule toilettes dans tout l’édifice. Les bancs grinçaient. Ce dont je me souviens le plus, outre les magnifiques vitraux qui témoignent d’un véritable savoir-faire, c’est l’odeur familière de l’église.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que les gens de mon église étaient des « influenceurs culturels ». Les gens autour de moi étaient humbles. Ils n’avaient pas de coupe de cheveux cool. Ils avaient des talents et des dons, des expériences intéressantes et des capacités inattendues, comme les gens normaux quand on les connaît. Mais je ne suis pas entré dans la maison de la foi parce que tous les membres de la First Baptist Church of East Machias, dans le Maine, étaient illuminés par leur potentiel d’influenceurs culturels.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que l’église avait des danses sensuelles sur des rythmes entraînants. Pour moi c’était plutôt un truc d’ado. À l’église, on ne trouvait pas ce genre de divertissement. Les cultes étaient célébrés avec simplicité, respect et dévouement, et l’église n’avait rien de séduisant d’un point de vue mondain pour m’attirer, moi ou quelqu’un d’autre.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que l’église avait réussi un savant mélange entre la laïcité et le christianisme. Dieu soit loué, il y avait même une forte dose de « Christ contre la culture » dans cette congrégation. Bien sûr, j’aime apprécier les bénédictions qui viennent du monde, comme cela m’a été enseigné par mes parents, en même temps qu’ils m’ont apporté une éducation spirituelle. Mais ce qui me frappe lorsque je réfléchis à mes racines, ce n’est pas que mon église ait trouvé le moyen de saupoudrer une peu de philosophie séculière dans la pâte à gâteau chrétienne, mais plutôt le peu d’intérêt que ce groupe de personnes portait au monde.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que l’église a emprunté au monde son modèle. Mon église a pris une grande joie à soutenir les missionnaires, des hommes et des femmes qui avaient tout abandonné en Amérique pour aller à travers le monde afin de parler de l’espoir en Jésus. En apprenant à connaître ces missionnaires, j’ai pensé à eux comme à des héros. Nous avions une carte du monde dans notre foyer avec des petites punaises indiquant où vivaient les missionnaires que nous soutenions. Je me souviens encore d’eux : Ann qui enseignait aux enfants, Beth qui faisait des missions médicales, la famille en Afrique qui vivait dans une hutte. L’église avait ses propres priorités, et elles m’ont façonné.

Je ne me suis pas converti au Christ parce que l’église offrait un calendrier événementiel bien rempli. Nous avions l’école du dimanche et pas grand chose d’autre. Mais je me souviens encore de la leçon que Mlle Elsie Dennison nous a donnée sur le livre de vie de l’Agneau. Avec sa douceur, elle nous donnait des enveloppes et nous encourageait à les ouvrir. Nous avons trouvé un jour nos noms soigneusement écrits sur de petits bouts de papier. « Avant que Dieu ne crée la terre », nous a-t-elle dit, « Dieu a écrit vos noms dans son livre ». Rien de ce que j’ai appris dans deux programmes de théologie de deuxième cycle ne m’a appris de façon plus indélébile la vérité de la souveraineté de Dieu dans le salut.

Je ne me suis pas converti à Christ parce que mon église a été complaisante avec mes péchés. Ils ne me proposaient rien de tel. Les membres de l’église m’ont accueilli tel que j’étais et m’ont témoigné un amour sincère.  Mais ils m’ont prêché l’Évangile : je ne connaissais pas grand chose à la théologie, mais j’ai compris que je méritais l’enfer pour mes péchés et que Jésus était mort sur la croix afin d’ôter ces péchés et me donner une vie éternelle avec Dieu. Quand j’étais jeune, Dieu m’a sauvé par sa Parole et son évangile. Et ce qui m’a fait courir vers Jésus, c’est que j’ai cru dans la vérité du jugement.

Je ne me suis pas converti parce que l’église a découvert un nouveau truc pour atteindre les jeunes. Notre église a travaillé dur pour évangéliser. Une année, nous avons utilisé une bonne partie de notre petit budget pour envoyer de petits Nouveaux Testaments dans chaque foyer de la ville avant Noël pour les convier à la commémoration. Pas une seule personne n’a répondu à l’invitation. Nous avons quand même tenu notre service aux chandelles ; nous avons quand même prié, adoré le Christ et éteint les lumières à la fin, en tenant nos bougies allumées en l’air. Même sans trucs ni recettes savantes, c’est cette église qui, dans la bonté de Dieu, a atteint un pécheur comme moi.

Nous devrions être vigilants sur notre manière de chercher les brebis perdues, sinon nous pourrions finir par nous retrouver avec des chèvres

Ce petit témoignage n’est pas une tentative de répondre à toutes les questions ecclésiologiques et missiologiques difficiles. Il n’est pas facile de faire de vrais disciples ; c’est en fait la chose la plus difficile sur cette terre. Pourtant, en cette époque d’églises divertissantes, d’églises communautaristes, il semble utile de signaler aux personnes sincèrement intéressées que beaucoup de chrétiens évangéliques ne sont pas issus de telles églises, mais ont été forgés à partir de choses beaucoup plus simples.

Gardez cela à l’esprit lorsque vous voyez que les églises utilisent toutes les méthodes possibles et imaginables pour « atteindre » les gens. Nous devrions être vigilants sur notre manière de chercher les brebis perdues, sinon nous pourrions finir par nous retrouver avec des chèvres.

Pour conclure, je me rappelle d’un dernier souvenir: beaucoup de gens dans mon église étaient âgés. Deux dames de l’église voulaient participer à la Cène mais ne pouvaient pas quitter leur maison de retraite. Et il ne leur restait pas beaucoup de temps ! Dans mon souvenir, je revois encore mon père, équilibrant le plateau de la sainte Cène alors qu’il entre dans la maison de retraite, l’air vif et grand dans sa veste et sa cravate marine. Les dames sont alors assises dans la grande salle de devant, le sourire aux lèvres, attendant cet homme simple et tranquille. Il leur donne solennellement leur petit morceau de galette, leur petite tasse de jus de raisin. Personne n’a vu cela. Personne, sauf moi et peut-être un employé de la maison de retraite. Mais je le revois maintenant.

Je repense à tout ça trente ans plus tard, et je ne l’oublierai jamais. Cette petite scène n’avait rien d’excitant, de révolutionnaire ou d’innovant. Quelques chrétiens anonymes observant la Cène jusqu’à ce qu’Il vienne ; un homme pieux entrant dans une maison de retraite pour s’occuper spirituellement de deux dames oubliées, avec à peine la force de le remercier d’être venu ; un fils observant son père, apprenant comme les enfants font sans un mot. Contrairement aux autres non-raisons de devenir chrétien exprimées ci-dessus, c’est sans aucun doute au travers de cet évangile-là, symbolisé dans la communion, ce christianisme fruit de l’esprit, et par-dessus tout la prédication du Christ, qui m’a aidé à trouver le Sauveur.

Et au milieu des mondanités et des distractions et des absurdités de notre époque, c’est une prédication (et une vie) humble qui, par la bonté divine, gagnera les vrais convertis jusqu’au retour de Jésus.


Commentaire du Sarment

Ce témoignage d’Owen Strachan, n’est pas une pleurnicherie nostalgique à propos d’une époque révolue, mais une critique mesurée de dérives d’un système qui, aux États Unis, se matérialise par l’accumulation de signes mondains dans l’église. Une perte de repères, qui pour certains est un symptôme de perte d’identité.

Aujourd’hui comme hier, le christianisme a besoin de chrétiens consacrés et clairvoyants pour accompagner les progrès, tout en protégeant les fondements. Et il y a certainement de tels chrétiens dans les églises qu’Owen Strachan décrit. Face aux transformations, il ne sert à rien de brandir le vieux modèle pour combattre le nouveau. Il y a de la stérilité dans l’opposition systématique à la modernité, mais faut-il pour autant dire « amen » à tout, et laisser le progressisme réviser les fondements ? Tous les changements sont-ils vraiment des progrès ? C’est toute la difficulté de cet exercice compliqué qu’on appelle l’équilibre.

Mais en y réfléchissant bien, je ne pense pas que notre but premier soit l’équilibre, mais plutôt la fidélité à la vérité qui a été révélée aux saints une fois pour toutes (Jude 1/3). Et forcément, la subjectivité des uns et des autres entre en jeu (pragmatiques, ou conservateurs).

Pourquoi les auteurs du Nouveau Testament insistent-ils tellement sur la nécessité de ne pas laisser l’héritage se corrompre ? De ne pas se conformer à l’époque dans laquelle nous vivons ?

D’une certaine manière, le chrétien est condamné à assumer d’être un défenseur d’anciennes valeurs et d’un héritage qui vient du passé. Mieux : à être désireux de prendre rang parmi ceux qui l’ont fait, et qui l’ont parfois payé de leur vie.

Il ne faut pas mal comprendre les appels au changement qui émanent de la Bible : il ne s’agit pas d’inventer une nouvelle église, ou une nouvelle évangélisation, ou une Nième traduction de la Bible à notre sauce, mais de vivre le changement de notre nature, la transformation de notre caractère. La plupart des autres discours réformistes ne sont que des écrans de fumée, prônés par des gens qui veulent changer le monde, mais qui ne veulent pas changer eux-mêmes et se débarrasser de leurs péchés.

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