Les versets fantaisistes de Paul Moreira
Publié le 22 avril 2015 à 9:00 dans Médias Religion
Mots-clés : Daech, Etat Islamique, Islam, Jesus, Paul Moreira
Je ne connaissais pas Paul Moreira il y a encore quelques minutes. À la vérité, je ne savais pas ce que je perdais. Je ne le connaissais donc pas jusqu’à ce que j’ouïsse qu’invité au Grand Journal de Canal + lundi soir pour présenter son documentaire sur le « nouveau Front national », marronnier de la décennie, il se serait laissé aller à affirmer que la Bible comptait deux fois plus d’appels au meurtre que le Coran. Bien. Pourquoi pas ? Tout le monde sait que ce que l’on appelle la Bible – et qui n’est d’ailleurs pas exactement le même livre selon que l’on est juif, protestant ou catholique, il eût peut-être fallu le préciser – est un très vaste ouvrage qui, au doigt mouillé, doit bien représenter dix fois le Coran en nombre de caractères, et encore je suis gentil. D’où l’invention du papier bible. On n’a jamais vu de papier coran pour la seule raison que c’est un livre d’une taille normale.
Donc, la Bible, livre inspiré pour les croyants et non livre éternel directement écrit de la main de Dieu contrairement à certain autre, est faite de strates diverses, de multiples époques, et personne, même avant l’époque de Jésus, ne s’est jamais laissé aller sottement à la lire de manière littérale. Tout le monde connaît l’histoire des Amalécites qu’il faut anéantir et des tentations génocidaires de Josué. Tout le monde les connaît mais personne n’a jamais eu l’intention de les réitérer, parce que la Bible se lit à différents niveaux de lecture (typologique, allégorique, etc.) et surtout parce que tout le monde se fout de savoir si les événements racontés dans ces temps très anciens sont véridiques. Il doit bien exister quelques sectes nées au XIXème ou au XXème pour prendre cela au pied de la lettre. Heureusement pour nous, ce ne sont pas là des mouvements de masse – et je n’en ai d’ailleurs jamais rencontré.
Mais cela est de la petite bière. Le gros, le grand, l’hénaurme, c’est quand M. Moreira, dont je lis qu’il possède au moins deux titres plaidant en faveur de la scientificité de son propos – une maîtrise d’anthropologie et de sociologie de Paris IV et une participation au “Vrai Journal” de Karl Zéro – affirme ceci sur le plateau de la chaîne à bobos : « Jésus, deux fois il appelle à couper la tête de ceux qui croient pas en lui » (« – À les égorger », renchérit quelqu’un que l’on n’identifie pas parmi les journalistes présents). Devant tel mensonge ou telle stupidité, j’hésite encore, on en reste comme deux ronds de flan. Je déteste cette expression d’ailleurs, mais j’avoue n’en pas trouver d’autre. Comment peut-on affirmer cela, et en se réclamant de quelle source, de quel verset de quel évangile, de quelle interprétation, de quelle tradition ? C’est incroyable, stupéfiant, renversant. Les mots manquent.
Moreira, pas fier, avoue qu’il n’a pas vraiment lu la Bible, mais qu’il a fait appel à des spécialistes. Qu’ils soient aveugles de naissance, baloutches ou schizophrènes, je serais joyeux de les rencontrer, ces spécialistes.
LEVE-TOI, Suite de l’article publiée sous réserve: ( Ils nous diront enfin, à nous les chrétiens impuissants et bêlant comme les agneaux à l’abattoir, le moyen d’aimer son prochain en le passant au fil de l’épée. Ça fait deux mille ans qu’on cherche à justifier nos envies de meurtres : on en rêvait, les spécialistes de Moreira ont trouvé. À l’attaque.)
*Photo : BALTEL/SIPA. 00586462_000006.
Cet article, cher Haïm, me rappelle un souvenir très ancien, une réflexion entendue dans la rue venant d’un monsieur à qui je donnais une invitation à venir écouter l’Evangile. Cet homme m’avait répondu, avec sérieux et arrogance, en des termes crus que je reformulerai ainsi : « moi, la Bible, j’y crois pas : les douze travaux d’Hercule, j’en ai rien à faire ! »
Ils sont nombreux ceux qui parlent sans savoir en essayant de se faire passer pour de fins connaisseurs… doctes et péremptoires.
Faut-il en rire ou en pleurer ?
On peut en sourire et en pleurer, mais secrètement, car si on montre son dépit devant les sots ils se lèvent et alors, relisant le poème de Rimbaud « Les assis », on prend garde à tout jamais…
On doit aussi les craindre. Oui, le manque de connaissances élémentaires, de culture en maints domaines, maintes circonstances et maints lieux a favorisé si souvent l’émergence de la bête terrible nommée foule. Cette bête-là le plus souvent dort en rêvassant à d’improbables paradis matériels ou à peine artificiels, mais si vous la fédérez un tant soit peu à coup de mensonges, de cris, de rumeurs vers ceci ou cela…
Hitler, artiste raté lui-même, déclarait les foules sottes et donc aisément séductibles. C’est dire. J’imagine le contact, haleines contre haleines de pauvres individus illettrés armés de fourches et envoyés, au Moyen Age, vers ces « Juifs perfides qui sacrifiaient, paraissait-il, des enfants non juifs à Pessa’h ou empoisonnaient les puits, etc. ». Oui, on peut sourire et pleurer… Mais redouter encore plus.
Je suis fils et petit-fils d’instituteur et chez nous, bonheur, une certaine connaissance était favorisée en maints domaines. La bibliothèque était un meuble central. Venu à Christ il y a 35 ans, j’ai hélas rencontré en maintes occasions le triste marécage de l’ignorance transmutée en haine et jalousie sous couvert « évangélique ».
Rude école de patience et d’amour ! Prions pour plus d’éducation « chrétienne », prions pour un éveil. Le besoin créatif serait, parait-il, un mystère chez l’individu. Je pense que ce besoin et celui de connaître et comprendre vont de pair.
Meilleur shalom, chère et aimable soeur !
Haïm Goël