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Le jeune photographe de Marine Le Pen qui like le nazisme

By 2 mai 2017Monde

Le jeune photographe de Marine Le Pen qui like le nazisme
Laurent L. accompagne Le Pen à Rignac en Aveyron (ldd)

Il travaille au sein d’e-politic, une boîte de la « Gud connexion ».

Nolwenn Le Blevennec et Juliette Montilly Nolwenn Le Blevennec et Juliette Montilly

Le photographe des meetings de Marine Le Pen est un jeune homme d’une vingtaine d’années amateur de pages et d’images nazies. Il s’appelle Laurent L., mais se promène sur internet sous le pseudonyme d’Alex Vril.

Ceci n’est pas une anecdote ni un hasard. Laurent-Alex Vril est employé par e-Politic, la boîte de communication dans laquelle Frédéric Chatillon, l’ami intime de Marine Le Pen, ancien du Gud, est impliqué.

La première fois que nous l’avons vu, c’était au meeting de Marine Le Pen, au Zénith de Paris. Le jeune homme faisait un va-et-vient en coulisses, un appareil photo autour du cou. Bonne dégaine, tête sympa, l’air un peu timide…

Nous avions entendu qu’il s’appelait Laurent et quand nous lui avions posé la question, il avait admis travailler pour e-Politic.

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Mais plus tard, on l’a trouvé sous le nom d’Alex Vril sur Facebook. Et ce qui nous a mis la puce à l’oreille, c’est sa photo de couverture. Une capture d’écran de la première version du dessin animé Walt Disney « Les trois petits cochons » : le loup y est déguisé en colporteur — barbe, chapeau, grand nez et accent yiddish — qui essaye de vendre des babioles aux trois petits cochons pour entrer dans leur maison.

Cette scène, qui renvoyait aux caricatures antisémites, a été refaite après la guerre.

Pourquoi Laurent avait-t-il choisi comme pseudo « Alex Vril » ? Etait-ce un pseudo inspiré de la « société du Vril« , « sorte de cercle intérieur de la société de l’ordre de Thulé », une société secrète nazie pré-Troisième Reich ?

Pages néonazies

En regardant de plus près : sur Facebook, le jeune photographe s’active sur des pages comme « Natiocratie » (regardez bien sur la photo de profil, le signe en blanc qui se confond avec les nuages) et « Ghettoinfini » (où l’on ambiance les boîtes de nuit à base de saluts nazis) : clairement – et ultra – néonazies.

Sur ces pages, les membres discutent « beauté aryenne » et « homogénéité ethnique », ils encensent la Waffen-SS et se parlent à base de citations de Himmler. Alex Vril sur les réseaux, Laurent à la ville, like régulièrement des posts à l’image de ces deux soldats SS :

Ou de ce post appelant à « faire rejaillir la puissance de notre lignée », illustré par une image des jeunesses hitlériennes :

Ou encore cette « blague » antisémite :

Sur la page « Un jour, un héros », qui célèbre « la crème de chaque race », Laurent-Alex Vril aime la photo d’Otoya Yamagushi, étudiant nationaliste japonais qui a assassiné à l’aide d’un sabre le chef du parti socialiste.

Il y aime également l’image de Maximine Portaz, plus connue sous le nom de Savitri Devi (1905-1982), une « philosophe, théoricienne d’un néonazisme mêlé d’hindouisme, et militante de la cause animale. »

(Sur Facebook, il se moque aussi des adversaires et fait rire ses copains. Il est, par exemple, allé se faire prendre en selfie avec Emmanuel Macron.)

« T’es de la police ? »

Alors, après avoir découvert ces likes, nous avons voulu le revoir. Dimanche 23 avril, à Hénin-Beaumont, lors de la soirée du premier tour de la présidentielle, nous lui avons montré le profil d’Alex Vril et nous lui avons demandé si c’était bien lui.

Il n’a pas démenti, mais s’en est tiré ainsi :

« N’importe qui aurait pu prendre une photo de moi et la mettre sur son profil. »

Sauf que les personnes qui aiment les publications Facebook d’Alex Vril sont aussi ses vrais amis dans la vie (plusieurs photos en attestent), et d’autres membres de l’équipe d’e-Politic apparaissent aussi dans certaines publications, comme ici sur « Ghettoinfini ».

A ses côtés ce soir-là, ses collègues d’e-Politic ont répondu que de toute façon ce n’était pas une « page » mais « un profil personnel ».

L’un d’eux est devenu agressif :

« Dégage. On vous déteste, vous, les journalistes. »

Avant d’appeler des membres du DPS (l’équipe de sécurité du FN) qui l’ont ensuite éjectée de la soirée électorale à 23h. A l’entrée, devant les grilles, le responsable des DPS a livré son verdict :

« E-Politic, c’est nous… Donc s’ils sont dérangés par votre présence, on va vous demander de quitter les lieux, mademoiselle. »

« Aigle » en breton

En fait, e-Politic, c’est Frédéric Chatillon.

L’ancien du Gud, dont le député européen ex-FN Aymeric Chauprade affirme qu’il est antisémite dans le livre « Marine est au courant de tout » (Flammarion), est mis en examen parce qu’il est soupçonné d’être le personnage central du système de financement illégal organisé par le FN depuis 2011 pour ses campagnes électorales.

Dans cette affaire, sorte de Bygmalion de l’extrême-droite, Chatillon, comme personne physique, et Riwal, comme personne morale, font l’objet d’une interdiction de relations commerciales avec le Front national.

E-Politic a quant à elle fait son apparition le 3 juin 2014. Elle est née à peine deux mois après l’ouverture par les juges de l’enquête sur Riwal.

L’entreprise poursuit, en partie, le travail de l’ancien prestataire.

Elle s’occupe de la gestion des réseaux sociaux et de la réalisation de sites internet. Officiels comme le site de campagne Marine2017 ou le site de la délégation FN au parlement européen, ou plus « trollesques », comme LeVraiFillon et LeVraiMacron.

Chatillon est le deuxième investisseur d’e-Politic : par le biais du groupe Erer (« Aigle » en breton) qui en détient, selon les documents que nous avons pu consulter, 370 parts.

« Cercle restreint »

L’actionnaire majoritaire d’e-Politic est Paul-Alexandre Martin via la holding Sowinvest (630 parts). P-A., PAM pour les collègues a participé dans sa jeunesse à la direction nationale du FNJ, à l’époque où son ami et coloc, Julien Rochedy, en était à la tête.

Il est incroyable de constater sa métamorphose : il était un petit gars perdant les élections législatives de 2012 (dans la 8ème circonscription du Rhône). Il est devenu massif et taiseux, comme son mentor.

On peut le voir ici dans le « cercle restreint », à l’arrière plan, avec Frédéric Chatillon, Julien Rochedy, Jean-Lin Lacapelle et Axel Loustau (qui maîtriserait bien le salut nazi).

Opacité

E-Politic, le reponsable des DPS avait raison, c’est aussi le FN. Dans le reste de l’équipe d’e-Politic, comme Paul-Alexandre Martin, plusieurs membres ont été candidats à des élections locales.

François Paradol par exemple, ancien secrétaire départemental du FNJ, aujourd’hui conseiller municipal FN à Vitry-sur-Seine. Estelle Arnal aussi, « Stellou Chou » pour les intimes, ancienne membre du bureau national du FNJ, avant de se présenter aux législatives de 2015 (et de perdre).

Ou encore Donatien Véret, lui aussi passé par le FNJ, et candidat FN aux départementales de 2015.

On peut les voir ici, accompagnés de Martin R., un autre membre de l’équipe, lors du débat télévisé du 20 mars :

Nous avons réussi à les identifier, mais tout ce qui entoure cette boîte est tout à fait opaque.

Sur son site internet ultra sobre, pas de numéro de téléphone (pas pratique pour les potentiels futurs clients), seulement des initiales sous des dessins pour présenter l’équipe, pas d’onglet « nos réalisations », quasiment rien sur Facebook et Twitter, pas de sortie Linkedin…

Les responsables auxquels Rue89 s’est adressé sont restés silencieux. Paul-Alexandre Martin a refusé de discuter avec nous. Tout comme Gaëtan Bertrand, en charge de la communication numérique de la campagne. David Rachline, le directeur de la campagne, a répondu :

« Si je souhaitais communiquer sur e-Politic, vous seriez informée. Je n’y tiens pas particulièrement et je l’assume. »

Qui est Alex Vril ?

Il a été difficile de trouver qui se cachait derrière le pseudo Alex Vril. Nous ne disposions que d’un prénom (« Laurent ») et de plusieurs surnoms utilisés par ses proches lors des meetings.

Le jeune photographe apparaissait aussi sur plusieurs photos du Front national Val-de-Marne (photos de meeting ou de tractage lors des régionales en décembre 2015).

Au FN, les cadres interrogés ont prétendu ne pas connaître son nom de famille. D’autres ont refusé de nous les communiquer. Et puis, finalement le nom de Laurent L. nous a été communiqué.

A la chocolaterie

Vérifications faites, le jeune photographe n’a pas de passé d’élu au FN. On le trouve uniquement en tant que « remplaçant » dans un canton, sur les listes départementales du Val-de-Marne, en mars 2015.

Mais depuis le début de la campagne, il joue un rôle important auprès du parti. Il est admis dans le premier cercle de la présidente, lors de tous ses déplacements. Sous l’étiquette e-Politic, il prend en photo Marine Le Pen sous tous les angles pour alimenter les réseaux sociaux.

Sur les vidéos des déplacements, postées sur la chaîne Youtube de la candidate, on le voit à chaque fois.

  • comme le mois dernier ici au marché de Rungis (à 3’07 et 4’25),
  •  au château de Jaunay-Clan (à 0’20) en avril,

Et en mars,

  •  dans une chocolaterie à Chalezeule (à 0’21),
  • ici sur un pont dans l’Aveyron (2’11),
  • et  lors d’un déplacement dans le Gers (à 2’21).

« Toute la bande au QG »

L’intégration d’e-Politic au dispositif de campagne se vérifie aussi avec cette photo dans « Paris Match » sur laquelle Marine Le Pen pose aux côtés d’Estelle Arnal, une des community manager d’e-Politic : la jeune bande de Frédéric Chatillon travaille au QG, près de la place Wagram à Paris.

Dans leur livre « Marine est au courant de tout » (Flammarion), les journalistes Marine Turchi et Mathias Destal indiquent :

« A l’approche de l’élection présidentielle, les gudards occupent en nombre le QG de campagne de Marine Le Pen, rue du Faubourg-Saint-Honoré. « Toute la bande est planquée dans les locaux », peste un membre du Comité stratégique de la campagne. Les frontistes classiques en ont marre, beaucoup n’y mettent pas un pied. »

D’après « Le Canard Enchaîné« , Frédéric Chatillon est même depuis le 2 novembre chargé de mission  avec des fonctions de « coordinateur technique du print et du web ». Un mi-temps payé 2.550 euros brut par mois.

Pourtant, l’ancien du Gud est un cas évidemment problématique.

Sa présence et celle de Laurent L. dans les équipes de com de Marine Le Pen posent au moins deux questions.

Pourquoi Marine Le Pen, qui a rompu avec son père et qui vient de « démissionner » Jean-François Jalkh, son remplaçant à la présidence du FN, pour des propos négationnistes, travaille-t-elle toujours avec cette bande ?

Que lui doit-elle ?

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