Chapitre 3 – le pasteur biblique
Dans certains chapitres suivants de ce livre, j’aborderai une réflexion partielle sur les cinq ministères, le diaconat, et la fonction d’ancien, ainsi que leur interaction dans le corps. Je continuerai cette réflexion dans un second tome à venir de Kehila/Ecclésia. Et puisque nous en étions à parler de pasteurs, je vais commencer par ce ministère, bien qu’il m’aurait fallu en saine logique entamer cette réflexion par le ministère apostolique, ministère de fondements.
Commençons par un constat. Prenons un pays comme la France protestante et évangélique. Combien d’hommes et parfois de femmes portent-ils le titre de pasteur ? Je suis incapable, bien sûr, de vous le dire, car je n’en ai pas fait le compte exact. Admettons qu’il y en ait bien quelques milliers, cinq mille ? Plus ?
Bien, combien avons-nous d’apôtres, de prophètes, de docteurs ou d’évangélistes, bibliquement dignes de ces titres, ou simplement déclarés ? Tous ensemble, ils doivent faire le total de combien ? vingt, maximum trente personnes ? Quelle effarante disproportion, qui à elle seule suffit déjà à corroborer tout ce qui vient d’être écrit précédemment.
Replongeons-nous à présent dans le Livre des Actes ; qu’y voyons-nous ? Ou dans les lettres de Paul, de Pierre, etc. ? Déjà en termes d’auteurs rédigeant le Nouveau Testament, nous avons une majorité écrasante d’apôtres, de prophètes. La plus grosse partie des Évangiles a été écrite par des apôtres (sauf Luc). Les lettres de Paul et de Pierre furent rédigées par des apôtres. Le Livre des Actes rédigé par Luc, met essentiellement en scène des apôtres et, dans une mesure déjà bien moindre, des prophètes et des évangélistes.
L’Apocalypse est un livre de prophète. Jacques, frère de Jésus, qui nous laissa une épître, était un apôtre, et vraisemblablement un ancien à Jérusalem.
Nous avons là un quatuor dominant que l’on retrouve dans l’Église primitive. Le Nouveau Testament l’atteste comme essentiel.
Parallèlement, si nous cherchons dans le Nouveau Testament la mention du ministère pastoral, nous n’en trouvons la mention qu’ une fois, en Éphésiens 4 v.11…
J’ai fait une recherche dans ma concordance, et j’ai trouvé le mot « apôtre » cité 64 fois, dans des passages qui ont tous trait au Nouveau Testament. Dans le chapitre consacré aux apôtres plus loin dans ce livre, nous verrons qu’il existe, bien entendu, plusieurs figures d’apôtres dans l’Ancien Testament.
Mais restons-en au Nouveau Testament pour le moment.
Premier constat : l’Église primitive, pleine de la gloire de D.ieu, avait une structure, une ossature, évidemment apostolique, et cela avec une violente et écrasante majorité qui relève du bon sens le plus limpide, puisque l’onction et le ministère apostolique sont pour les fondements.
Le ministère pastoral n’a donc ni l’onction, ni la fonction quant à la pose des fondements. Dites-moi alors : tous les pasteurs de France et les dizaines de milliers – voire plus – que l’on trouve aujourd’hui sur la planète, tous milieux protestants confondus, sont-ils des apôtres qui s’ignorent ? Peut-être est-ce le cas pour certains, mais qu’ils sachent alors qu’à force de travailler dans un système pyramidal (et ceci concerne aussi bien une structure dénominationnelle ou fédérative, que la plupart des églises locales) ils perdront et la compréhension et l’onction qui s’attachaient peut-être à leur appel originel d’évangéliste, ou de prophète, ou d’ancien ou autre.
Qu’ils sachent que l’Église est aussi en bien des points, et encore aujourd’hui, une machine à broyer, déformer l’authenticité d’un appel. J’ai observé moi-même de quelle façon l’Église peut être génocidaire à ce niveau, et il faut en bien des points un extraordinaire courage à un jeune ministère pour rester fidèle à son authentique appel dans un tel système.
J’ai entrevu de quelle façon un merveilleux ministère d’évangéliste fut transformé en « pasteur » sous l’effet de conflits et de pressions incessants. Cet homme n’est plus aujourd’hui ni évangéliste, ni pasteur, ni même croyant. Il est séparé de l’église et son couple a volé en éclat.
Ailleurs, j’ai assisté avec consternation à la « mise à mort » de deux merveilleux ministères d’évangélistes puissamment oints, par les critiques et la jalousie de la corporation pastorale. Ces hommes ont été poussés à bout, et usés en grande partie par la négativité incessante de ce milieu.
Que sont donc dans une très large mesure cette foule de « pasteurs », si nous les observons tels qu’en eux-mêmes dans leur fonctionnement et leur cadre ?
Avec bien entendu d’énormes différences de doctrines, ils sont chacun dans leur paroisse la continuation de ce qu’étaient les prêtres catholiques romains. Et de la même façon qu’un prêtre recrutait jadis, et recrute sans doute encore aujourd’hui un bedeau ou des notables pour son comité de paroisse (si possible des hommes bien nantis financièrement), ces « curés protestants » que sont tant de pasteurs rechercheront, parmi les membres de leur communauté locale, des diacres et des anciens tout à fait approximatifs en regard des normes bibliques concernant les anciens et les diacres, comme nous le verrons plus loin dans ce livre. Et pourtant il revenait et il revient toujours, pour les mêmes raisons qu’à l’origine, aux apôtres d’établir des anciens qui étaient, si leur fonction était bien comprise et leurs qualités en rapport avec les exigences bibliques, les clés de voûte véritables (après Christ) d’une église locale établie sur le fondement des apôtres et des prophètes. (Eph.2, v.20)
A cet égard, j’aimerais vous raconter un émouvant témoignage.
Durant de nombreuses années je fréquentai de chers amis dans l’Isère (France). Dès leur emménagement dans un nouvel habitat j’eus la conviction qu’un jour prochain une assemblée prendrait à partir d’eux son essor dans la région. Peu à peu je les entretins de la chose mais sans appuyer. Ils le pensaient eux aussi, mais sans vouloir du tout mettre ce projet sur un « char à bœufs » (référence à l’histoire tragique d’Uzza, plus haut) en provoquant la chose avant le temps. Il faut ajouter que sévissait alors dans leur région une « baronnie chrétienne typiquement pyramidale » avec laquelle il ne s’agissait pas d’entrer en conflit sous peine de bien des douleurs vaines. Il fallait attendre que D.ieu écarte Lui-même l’obstacle et c’est ce qu’Il fit douloureusement.
Ces chers amis m’invitaient régulièrement à prêcher parmi eux, mais à titre amical dans leur esprit. Ils n’étaient pas prêts encore à faire le saut car inconsciemment peut-être encore retenus subtilement par des schémas aux origines non-bibliques. Mais D.ieu veille ! Je savais en mon cœur que le frère et ami serait un jour ou l’autre établi comme ancien. Il en avait profil et capacité.
Et le jour vint. Ils m’avaient invité pour un week-end. Sur le chemin, roulant en voiture, accompagné de ma famille, le Saint-Esprit me parla : « Il faut qu’au cours du culte de famille où tu vas prêcher, tu établisses le frère Eric comme ancien de l’assemblée en genèse ». Fort bien mais j’étais embarrassé car je ressentais chez notre frère toutes sortes de freins malgré son intérêt pour le projet d’une assemblée à venir. Je priai intérieurement : « Seigneur, tu établis l’église sur le fondement des apôtres et des prophètes. Certes j’ai été reconnu comme prophète et comme apôtre au cours des dernières années mais ce serait tellement mieux que nous soyons deux ministères, deux frères pour pratiquer cela. Moi comme apôtre et quelqu’un d’autre comme prophète ». Le Seigneur ne me répondit pas et je demeurai intérieurement frustré. La réunion se déroula normalement et tira à sa fin. Je savais intérieurement que le moment approchait, mais priant intérieurement je disais sans cesse à D.ieu : « Seigneur, avec un autre prophète ce serait mieux ».
Le moment était venu et j’allais me résoudre, déçu, à agir seul. C’est alors que mon fils David intervint. David avait quelquefois déjà manifesté une disposition prophétique dans le passé mais j’étais à cent lieues de penser à lui ici. « Papa » gémit-il quasiment, embarrassé. « Il y a quelque chose d’inhabituel qui pèse sur mon cœur depuis que nous sommes arrivés. Me permets-tu de le dire ? » « Bien sûr », lui dis-je. « Voilà, le Seigneur me dit fermement que tu dois établir Eric comme ancien ». La suite vous la devinez.
De façon très intéressante, la même chose survint quelques mois plus tard. Alors que je voyageais en direction de la maison de ces bien-aimés, le Saint-Esprit me parla d’établir un autre frère appelé au ministère pastoral (version biblique et non traditionnelle) dans cette assemblée. Arrivé sur place je m’en ouvris au frère ancien, Eric et son épouse. A peine eus-je terminé de parler que je vis les larmes leur venir aux yeux, l’émotion. Dans une semi-stupeur, ils me confessèrent avoir eu exactement la même conviction depuis un certain temps. Peu de temps après, nous établîmes en priant le premier pasteur (version biblique) de ma carrière apostolique. Quelle émotion durant ce week-end, bien que nous traversions en famille une de nos épreuves les plus cruelles. D.ieu agit et le diable attaque.
Un pasteur biblique : un très précieux donneur de soins, doux, humble et d’une profonde intelligence spirituelle. Un homme équipé d’un rare don de discernement, souple dans les mains de D.ieu et totalement disponible pour ALLER VERS les brebis nécessitant des soins.
Je dédie cette section du chapitre à deux ou trois jeunes « pasteurs » de mes amis qui auront un jour (le plus tôt possible, espérons-le) à basculer de l’autre côté de la colline en abandonnant leur faux ministère et la structure babylonienne dans laquelle ils sont coincés, pour rentrer enfin dans leur véritable appel qui est ailleurs.
Je n’ai étrangement jamais été reconnu et établi comme pasteur par l’establishment.
J’ai été identifié tour à tour, en Europe, en Afrique et aux U.S.A comme manifestant l’onction et la fonction d’autres ministères. Mais par le fait de la position dans laquelle j’ai été placé presque automatiquement lorsque je plantais une église au cours de mes vingt années de ministère écoulées, et par la pression culturelle du monde protestant évangélique, qui me faisait sans m’en rendre compte rentrer dans un schéma pyramidal, j’acquérais à chaque fois, comme par automatisme, le titre de pasteur.
Je devenais donc à chaque fois un curé évangélique. Et un certain enlisement, subtil mais bien réel, n’était jamais loin malgré la puissance dans l’exercice du ministère. A Gap, France, notre point de contact d’évangélisation en ville et notre jeune assemblée virent en leur début et en peu de temps deux puissantes guérisons du Sida, une quasi résurrection, toutes sortes de prodiges. Ce fut le cas ailleurs, en Belgique, en Italie, en Suisse. La puissance de D.ieu était chaque fois au rendez-vous, voyez quelques exemples dans le chapitre intitulé « Vous avez dit puissance ? » mais aussi un certain enlisement progressif, je vous l’ai dit… Pourquoi ?
La structure pyramidale favorisera toujours étonnamment à un certain moment de son développement (assez vite en fait) l’esprit religieux qui est un dangereux erzats de l’Esprit Saint tout simplement, une caméra obscura, un fourre-tout au fond desquels se perd toute idée de consécration authentique (avec la vie vraie, disponible et difficile, voire dangereuse que cela implique) au profit de fadasses grimaces et d’hypocrisies abjectes autant qu’abortives, meurtrières souvent.
Trop de chrétiens de nom, jusque dans les milieux qui se veulent « réveillés » sont en fait des candidats complaisants pour ce genre de choses hélas. Retirez-leur la béquille religieuse, ils viendront à grogner et griffer, mordre même. J’ai connu cela quelquefois en passant si aisément du statut de héros à celui de paria calomnié à haute dose…
J’ai seulement pris conscience il y a peu que sous mon costume de « prêtre protestant-évangélique » endossé souvent et involontairement ces dernières années par adhésion à une vision et une organisation pyramidale d’églises locales plantées de façon totalement anti-biblique, il y avait vraiment, en plus des autres ministères qui m’ont été reconnus, celui de pasteur biblique.
Laissez-moi vous l’expliquer par un exemple pour moi très émouvant.
Pendant plusieurs années, j’ai fréquenté de chers amis quelque part en France, en ayant la conviction prophétique qu’un jour ou l’autre je planterais dans leur maison, à partir de leur foyer, une assemblée de maison.
Je vous ai expliqué un peu plus haut, de quelle façon mon fils et moi fûmes amenés dans un « assemblage » apôtre et prophète à établir le chef de cette famille comme ancien dans les premiers temps de cette église de maison. Plus tard, c’est ce frère, son épouse et moi-même qui reçûmes qu’un autre frère était arrivé à maturité pour être bientôt établi comme pasteur biblique et non comme curé protestant. Je vous l’ai aussi rapporté plus haut.
Le jour vint où nous eûmes à le faire.
Et ce jour vint au terme d’un processus effectué très en profondeur que j’eus à réalisé dans la vie de ce frère et de son épouse. D’aucuns nomment ce processus « cure d’âme », et d’autres « relation d’aide ». Pour ma part, je définirai ce travail comme étant : du soin à domicile en vue de s’assurer que l’œuvre de sanctification et de restauration est véritablement accomplie en profondeur dans la vie d’un frère converti, ce qui nécessite bien sûr une profonde et spirituelle connaissance des Écritures, alliée au discernement des esprits, à d’autres dons, à beaucoup d’amour et de patience, et à une certaine culture générale.
Je vous renvoie, pour comprendre mieux ces choses, à la lecture du chapitre suivant : « Les deux piliers ».
Nous sommes ici, à mon sens, au cœur même de la fonction pastorale essentielle. Le pasteur biblique authentique est un soigneur. Il n’est ni un enseignant, ni un prophète, ni autre chose, à moins qu’il n’ait en plus reçu ces appels. Au corps de discerner.
La fin du processus de soins (apportés dans la vie de ce frère et de son épouse), soins qui n’avaient jamais été donnés, la décision de l’établir pasteur, et sa première vision, son premier plan d’action reçus de D.ieu dans le cadre de son tout jeune ministère furent étonnamment concomitants.
Durant le même week-end où nous priâmes pour l’établir en tant que pasteur, ce frère me dit :
« J’ai beaucoup observé et appris au travers de tes méthodes, pendant que tu t’occupais de moi, et j’ai compris comment toucher aux racines souvent cachées des problèmes en matière d’âme et d’esprit par exemple. Je vais appliquer ces principes, et mon premier champ d’action va être, selon ce que D.ieu m’a inspiré ces derniers jours, toute une série de couples et de familles chrétiennes qui sont comme des brebis perdues autour de nous dans la région, qui ont connu une vie d’assemblées pyramidales, mais ont quitté celles-ci faute de soins appropriés ».
L’Esprit de D.ieu avait parlé à cet homme et il me réjouissait à travers lui, car j’assistais, éperdu de bonheur, à la naissance de ce qui était pour moi un authentique ministère pastoral, un berger qui partirait soigner des brebis malades, là où elles se trouvent, perdues sur les collines.
J’ai traversé en vingt ans des centaines d’églises, sur quatre continents. La plupart des hommes de D.ieu qui m’invitaient étaient satisfaits de mes prestations de prédicateur, mais, plus encore semble-t-il, de ce que j’étais amené à faire en plus, à savoir un travail de soins. J’ai ainsi pris en charge, quelquefois durant des jours entiers de quinze ou dix-huit heures – voire des semaines, à plusieurs reprises, des communautés entières, dont certaines entrèrent ensuite dans un processus de réveil.