Pourquoi le couple Hollande-Fabius tient tellement à sa Pax Elysea
C’est l’échec de la négociation israélo-palestinienne tenue entre juillet 2013 et avril 2014 sous l’égide de John Kerry qui a donné au couple Hollande-Fabius l’idée de réussir un retour de la France au centre du conflit israélo-palestinien.
D’emblée, la négociation Kerry n’avait aucune chance d’aboutir. Mahmoud Abbas n’a jamais été prêt à signer un accord de paix devenant ipso facto un acte de reconnaissance d’Israël. Et Israël n’était pas prêt, sans de très solides garanties, à laisser le champ libre aux clones locaux du Hezbollah, du Hamas ou de l’État islamique, à proximité immédiate de ses centres démographiques, politiques, et économiques.
Sous la pression de l’administration Obama, Mahmoud Abbas avait fini par accepter un simulacre de pourparlers. En échange, il avait obtenu de Kerry l’élargissement d’une centaines de détenus des prisons israéliennes, y compris des Arabes israéliens, tous auteurs de crimes terroristes abominables. Il pouvait ainsi conforter une image de dirigeant authentiquement dévoué à la cause palestinienne, alors qu’il est plutôt affublé du sobriquet de Monsieur 20% pour ses pratiques de corruption. La rupture de la fausse négociation Kerry, inévitable, était actée à la fin avril 2014 après un dernier pied de nez du cacique de Ramallah, la signature d’un accord de gouvernement avec le Hamas.
Immédiatement, Abbas reprenait le cours de sa stratégie de règlement unilatéral du conflit en demandant l’adhésion de son Autorité à diverses instances internationales plutôt bienveillantes, pour aboutir in fine à la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU. Peu lui importe la stipulation centrale des accords d’Oslo qui subordonne toute modification de la situation des parties à des négociations bilatérales.
C’est alors que le couple Hollande-Fabius eut une grande idée : organiser à travers une résolution française votée par le Conseil de Sécurité, le pilotage par l’ONU d’une solution définitive du conflit en deux temps.
Le premier temps est celui de la négociation : Palestiniens et Israéliens auraient l’obligation de négocier pendant deux ans au plus un règlement sur la base des lignes de 1967 (en fait celles de l’armistice de 1949). En bref une négociation aux conditions palestiniennes.
Le second temps appartient à la « communauté internationale »: en cas d’échec de la négociation bilatérale, un plan élaboré par la communauté internationale serait imposé aux parties. Ce plan reprendrait inévitablement la stipulation initiale d’un partage sur les lignes de 1967 qui attribue la Judée et la Samarie aux Palestiniens et re-divise Jérusalem.
Ce plan français a été différé à deux reprises.
D’abord en décembre 2014. Les Palestiniens de Ramallah voulurent présenter en compagnie de la Jordanie au Conseil de Sécurité une résolution inspirée du plan français, en fait une caricature de leur cru tant elle était violente et humiliante. Le Conseil de Sécurité la repoussa à la majorité le 30 décembre 2014, sans que le veto américain ait été nécessaire. Mais la France, à la différence du Royaume Uni vota en faveur du texte caricatural.
Ensuite, un second délai a été imposé par les élections israéliennes décidées au début décembre 2014. L’arrivée aux affaires de la nouvelle coalition, en place depuis le 6 mai, aura nécessité cinq mois.
L’initiative française pouvait donc refaire surface avec la formation du dernier gouvernement Netanyahou.
Mais la fatalité lui impose un troisième délai, à la demande personnelle d’Obama. En effet, le président américain donne la priorité absolue à un accord sur le nucléaire iranien qui devra être signé à la date limite du 30 juin. Il faudra ensuite laisser au Congrès 30 jours pour exercer son contrôle, ce qui renvoie le bouclage définitif du dossier nucléaire iranien aux environs du 31 juillet. Obama ne veut pas qu’une décision américaine défavorable à Israël à l’ONU aboutisse à une crispation du Congrès sur l’accord nucléaire avec l’Iran. La voie sera alors libre pour le plan Hollande-Fabius.
Ce plan ne pourra s’appliquer que si le Conseil de Sécurité adopte la résolution française, c’est-à-dire si les États-Unis n’apposent pas leur veto, comme de nombreuses déclaration officielles d’Obama et de son équipe l’ont laissé entendre.
Que se passerait-il alors sur le terrain?
La phase de négociation prendra fin sur un échec. C’est inévitable car les Palestiniens ne signeront jamais avec Israël un document les contraignant même indirectement à reconnaître la légitimité du pouvoir juif dans la région. Abbas se verra alors offrir sur un plateau par la « communauté internationale » la souveraineté sur la Judée et la Samarie et la division de Jérusalem, sans reconnaître l’État juif et sans s’engager à clore définitivement le conflit et à renoncer à toute revendication ultérieure..
Si conformément au « plan international » voté au Conseil de Sécurité Israël se retire complètement de l’espace entre les lignes de 1967 et le Jourdain, l’histoire récente de la région et l’examen des forces en présence laissent prévoir un scénario extrêmement fiable.
Après quelque mois, Abbas sera balayé du pouvoir qu’il occupe d’ailleurs illégalement depuis six ans, à moins qu’il ait la sagesse de prendre les devants et de fuir vers un pays frère. Le Hamas, le Jihad Islamique ,l’État islamique, ou quelque groupe de la même eau surgi entre temps, rempliront le vide créé par le retrait des forces armées israéliennes.
La première victime sera le fragile régime jordanien, dont la pérennité est assurée par la présence de Tsahal sur ses frontières. Il ne pourrait échapper lui-même à l’effondrement un jour ou l’autre.
Par ailleurs, les nouveaux maîtres de la Judée et de la Samarie feraient ce que leur dicte leur génétique idéologique et politique, le djihad contre le pouvoir juif dans des conditions particulièrement favorables. La parole serait aux missiles, tunnels, commandos, le tout mâtiné peut-être de moyens lourds (terrestres, aériens et humains) apportés par le Califat syro-irakien.
Enfin la division de Jérusalem provoquerait en Israël un chaos aux dimensions imprévisible du fait du reflux brutal des habitants juifs et arabes des quartiers de Jérusalem passés sous contrôle arabe. Les premiers pour échapper au massacre, les seconds pour continuer de bénéficier des droits démocratiques et sociaux offerts par la société israélienne.
En résumé l’initiative française est une immense machine à produire confusion, guerre et chaos. Des mouvements massifs de population dus à la division de Jérusalem, l’effacement d’un pouvoir arabe stable de plus, le pouvoir hachémite, et la guerre djihadiste et contre-djiahdiste de part et d’autre des fameuses lignes d’armistice de 1949, sans doute trop pacifiques aujourd’hui pour les cranes d’œuf de l’Élysée et du Quai d’Orsay.
Ce remarquable aboutissement de Hollande et Fabius, les deux grands architectes de la pax elysea, ne sera pas cantonné au Proche-Orient. On peut imaginer qu’en France la banlieue s’embrasera sous le feu des commentaires du Monde, de Libération, ou de France Télévision, et les flots d’images sanglantes d’al Djazairia. Les conversions au djihad se multiplieront, avec leurs déclinaisons terroristes.
La prospective décrite ci-dessus est fondée sur l’observation des faits dans les quinze dernières années. En septembre 2000, une guerre djihadiste était lancée en Israël depuis les territoires évacués dans le cadre des accords d’Oslo (à Gaza et en Judée-Samarie) sous la pression de Bill Clinton. En juin 2000, Israël avait évacué le Sud-Liban sous la pression de Bill Clinton toujours. S’y installa alors le Hezbollah, qui ouvrit un redoutable front Nord, avec une guerre féroce en 2006 et aujourd’hui une armée entraînée et 100.000 missiles guidés prêts a frapper tout point du territoire d’Israël. La défaite des djihadistes d’Arafat et du Hamas à l’époque n’empêcha pas la diffusion d’une nouvelle technique sanguinaire, l’attentat suicide, rare auparavant, dont l’Europe allait faire la douloureuse expérience. Une vague mondiale de propagande antisémite et de haine anti-occidentale rayonnait dans le monde, en particulier au cœur de l’immigration arabo-musulmane européenne. En août 2005, Israël évacuait Gaza sous la pression de G W Bush. Un front Sud de la guerre djihadiste surgit sans attendre. Il aboutissait à trois guerres (2009, 2012, 2015). Dans la même veine le vide politico-militaire au Sinaï est aujourd’hui rempli par des djihadistes affiliés à l’État islamique que le président égyptien Sissi, un homme déterminé, a bien du mal à réduire.
Le processus est d’une simplicité désarmante. Le vide créé par les retraits d’Israël sont remplis par des forces corrompues et gangrenées (l’Autorité palestinienne, les Frères musulmans traditionnels) qui cèdent vite la place à des djihadistes déterminés dont la raison d’être est la guerre de conquête et la soumissions des Juifs au nom de l’Islam revu à l’aune des ambitions et des rivalités d’émirs et de califes autoproclamés. Le phénomène est aujourd’hui en train de putréfier l’espace arabe moyen-oriental à l’exception du Golfe, mais aussi la Corne de l’Afrique. L’équation est simple: retrait israélien = nouvelle base djihadiste et déclenchement de guerres.
Tel est donc le menu concocté par les énarques Hollande et Fabius.
Ces personnages sont en principe cultivés et relativement informés. Ils ont autour d’eux une multitude de conseillers, de chercheurs, de diplomates qui leur fournissent une cartographie détaillées des forces en présence, de leur affiliation idéologique, de leurs objectifs stratégiques et de leurs techniques opérationnelles.
Il savent donc que non seulement leur initiative est le plus sûr chemin pour introduire encore plus de guerre et de chaos au Proche-Orient, mais que l’Europe et le territoire national ne seront pas épargnés par les ondes de choc idéologiques et terroristes qui se propageront avec la force du tsunami.
Pourquoi donc le couple Hollande-Fabius amorce-t-il avec gourmandise cette déflagration?
Nous ne pouvons avancer que des hypothèses:
D’abord celle de l’orgueil. Le couple infernal a pensé que la tendance au retrait des États-Unis du Moyen-Orient lui ouvrait des opportunités de prestige au moment où son échec est dramatique sur la scène intérieure. Hollande et Fabius rêvent de voir leur nom associé au règlement du vieux conflit israélo-arabe, et en tirer une gloire éternelle. Ce rêve les empêche peut être de mesurer les vraies conséquences d’un retrait israélien. Il les pousse à minorer la mécanique djihadiste et à majorer l’impact des mesures illusoires qu’ils imaginent pour museler de l’extérieur l’explosion des forces de guerre.
D’autant que l’optimisme inusable et la préciosité du président français se conjuguent mal avec la rudesse extrême des mœurs au Moyen-Orient. Les chimères élyséennes sur l’inversion de la courbe du chômage ont laissé sur le bas-côté un nombre impressionnant de nos compatriotes, et appauvri la nation. Qu’en sera-t-il du cynisme présidentiel sur le Moyen-Orient? Comment mesurer les déboires qui attendent de ce fait chacun des citoyens de l’Hexagone?
Il ne faut jamais oublier ensuite que nos dirigeants sont des court-termistes, focalisés sur la prochaine échéance électorale. En infligeant à Israël une défaite humiliante à l’ONU, Hollande pense sans doute récupérer l’électorat immigré qui ne lui pardonne pas le mariage pour tous, le formatage des enfants par les idéologues du « genre », et son échec magistral en matière d’emploi, d’emploi des jeunes en particulier.
Le dernier mirage de ces hommes confrontés aux tourments quotidiens de l’impopularité et de l’incompétence, c’est l’ivresse illusoire d’intégrer le club fermé des grands décideurs des affaires du monde pour retrouver leur dignité. Le plus grand succès et la plus grande joie de sa vie politique, c’était, selon ses dires, au Mali que François Hollande les avait trouvés. Pas en Corrèze où il a laissé un monceau de dettes, ni à Paris où les sondages lui répètent jour après jour ce que les Français pensent de ses exploits.
Enfin, il ne faut pas négliger les phénomènes d’auto-intoxication. A force de véhiculer les poncifs et les aberrations de la propagande palestinienne, et de rabâcher les mêmes éléments de langage depuis des lustres à gauche comme à droite sur la « colonisation », les « colons », « la disproportion », « l’occupation », les « violations du droit international » les souverains laïcs du pays et leur cour finissent pas croire à ce qu’ils racontent, quitte à rompre de nombreux ponts avec la réalité. On se prend alors inventer des « initiatives diplomatiques » désastreuses, à l’image des discours marqués par l’addiction aux élucubrations antisionistes fabriquées sur une échelle industrielle par les bureaucraties corrompues de Ramallah et de Gaza.
Il peut arriver que des personnages qui n’ont aucune faculté naturelle pour créer, élever, construire, inventer, apporter, parviennent au sommet des États et déploient une immense virtuosité quand il s’agit de nuire. Ils rencontrent en général des obstacles puissants sur leur route. En sera-t-il ainsi avec le projet Hollande-Fabius?
par Jean-Pierre Bensimon
Publié le 8 mai 2015