Le quotidien israélien Haaretz a affirmé en début de semaine que l’Union européenne (UE) envisagerait des sanctions contre Israël. Cette affirmation a ensuite été démentie par la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Federica Mogherini, ce qui a amené le professeur Gerald Steinberg de l’Université Bar Ilan à accuser les journalistes Barak Ravid du Haaretz et Raphaël Ahren du Times of Israel de faire du journalisme à sensations. Selon les deux journalistes, un document interne inédit de l’UE appellerait à imposer des sanctions contre Israël pour ses actions jugées contraires à la « solution des deux États. » Les sanctions incluraient le rappel des ambassadeurs européens et le boycott des dirigeants israéliens qui s’opposent à la « solution des deux États. »
Cela montre que la « solution des deux États » est devenue un dogme religieux, puisque l’expression d’une opinion différente est désormais punissable. Être en faveur du retour de la Cisjordanie à la Jordanie ou de son annexion totale par Israël (avec l’octroi de la citoyenneté israélienne à tous ses résidents), par exemple, ne constitue pas une opinion légitime mais une infraction punissable. Ainsi, le président israélien pourrait être déclaré persona non grata du fait de son adhésion à la « solution d’un seul État. »
La « solution des deux États » est devenue un dogme théologique non seulement parce que des opinions divergentes sont maintenant considérées comme un blasphème, mais aussi parce que le dogme refuse d’être contredit par les faits. Lorsque Galilée s’exclama eppur si muove (« et pourtant elle tourne ») au moment de l’Inquisition, il voulait dire que, en dépit du dogme catholique, la Terre tourne bel et bien, et que les faits sont les faits. Aujourd’hui, le dogme officiel européen est qu’Israël est responsable de l’échec de la « solution des deux États. » Pourtant, les faits ne peuvent pas être niés, que ce soit en astronomie ou en Histoire.
Les faits sont que toutes les propositions de partition l’ancien mandat britannique entre un État juif et un État arabe ont été acceptées par les Juifs et rejetées par les Arabes. Ces propositions comprennent le plan de la Commission Peel de 1937, le plan de partition des Nations Unies de 1947, l’offre de Barak de juillet 2000, les paramètres de Clinton de décembre 2000, et l’offre d’Olmert de septembre 2008. Arafat rejeta les paramètres Clinton et Abbas rejeta l’offre d’Olmert en raison du soi-disant « droit au retour. » L’ultime obstacle à la « solution des deux États » est le refus palestinien de faire tout compromis sur le « droit au retour. »
Les implantations israéliennes représentent 2% du territoire de Judée-Samarie. Dans les propositions de Barak et d’Olmert, il était prévu que la plupart des implantations israéliennes fussent démantelées. Ces implantations ne sont ni la source du conflit (le conflit existait avant elles), ni un obstacle à sa résolution. Israël a prouvé deux fois par le passé sa volonté et sa capacité à démanteler des implantations : lors de la signature de l’accord de paix avec l’Egypte en 1979 et lors du retrait israélien de la bande de Gaza en 2005. Par ailleurs, dans le cadre d’une « solution des deux États » et d’une véritable paix, pourquoi ne peut-il pas y avoir une minorité juive dans l’État palestinien de la même manière qu’il existe une minorité arabe en Israël?
Cela aussi fait partie du dogme. Il y a des Hindous au Pakistan, des Musulmans en Inde, des Grecs dans le nord de Chypre, des Turcs dans le sud de Chypre, des Tchèques en Slovaquie et des Slovaques en République tchèque, etc. Dans tous les cas de partition dans le monde, les minorités ont été autorisées à rester des deux côtés de la ligne de démarcation. C’est seulement dans le cas d’Israël et des Palestiniens qu’on considère comme évident que l’État juif doit tolérer une minorité arabe alors que l’État arabe n’a pas à tolérer une minorité juive.
Si l’UE est tellement préoccupée par l’avenir de la « solution des deux États, » pourquoi ne fait-elle pas aussi pression sur les Palestiniens pour qu’ils abandonnent le fantasme du soi-disant « droit au retour ? » Pourquoi ne pas exiger de l’Autorité palestinienne (AP) qu’elle cesse d’inculquer à sa jeunesse que Jaffa et Haïfa sont des territoires occupés qui doivent être « libérés ? » Pourquoi ne pas demander à Mahmoud Abbas pourquoi aucun Juif ne sera toléré dans un État palestinien et pourquoi la simple présence d’un Juif sur le Mont du Temple constitue une « souillure ? »
Pour avoir un impact sur la scène internationale, un pays ou une organisation ne peuvent se contenter de prêcher et de brandir des menaces vides. C’est là une leçon que l’Europe aurait dû apprendre avec la fin de la guerre froide. Lorsqu’une guerre civile violente éclata en Yougoslavie au début des années 1990, les dirigeants européens déclarèrent qu’ils savaient exactement comment gérer la crise. Or ils échouèrent lamentablement, et c’est finalement l’armée américaine qui mit fin à l’expansionnisme serbe. Les Européens ont tendance à oublier que c’est la puissance militaire américaine qui les protégea de la menace soviétique. La résurgence de l’expansionnisme russe révèle à quel point l’Europe est aussi impuissante en Ukraine aujourd’hui qu’elle le fut en Yougoslavie il y a deux décennies.
Le catéchisme européen est inefficace vis-à-vis de la Russie. Au Proche-Orient, il est nuisible et contre-productif car il est fondé sur un dogme plutôt que sur des faits, et parce qu’il absout ceux qui ont systématiquement empêché la mise en œuvre d’une « solution des deux États » depuis sept dernières décennies.
Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.
2 poids 2 mesures … or Elohim a horreur des balances fausses ..!