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La doctrine militaire publiée par Moscou en décembre 2014 voit en l’Otan une « menace fondamentale » pour la sécurité de la Russie.
Aussi, on ne peut que s’interroger sur les motivations du Kremlin au sujet de la vente de systèmes de défense aérienne S-400 « Triumph » à la Turquie, pays membre de l’Alliance atlantique depuis 1952. La réponse se trouve dans les réactions suscitées par la commande turque.
Depuis quelques déjà quelques temps, les relations entre Washington et Ankara battent de l’aile à cause de plusieurs contentieux.
Et l’affaire des S-400 n’arrange évidemment rien. Pour les États-Unis, il est hors de question de voir cohabiter le F-35A, commandé à 100 exemplaires par la Turquie, avec un système de défense aérienne russe.
Et cela pour deux raisons : les liaisons de données tactiques seraient compromises [alors que c’est l’un des points forts du F-35] et la Russie serait en mesure de collecter des informations sur les caractéristiques de furtivité de cet appareil, et donc en apprendre beaucoup sur ses capacités.
Et cela vaudrait aussi bien pour les avions turcs que pour ceux de l’Otan mis en oeuvre depuis la base aérienne d’Incirlik.
En outre, et c’est un problème supplémentaire, l’industrie turque est impliquée dans la production des F-35, avec notamment la fabrication de pièces pour les trains d’atterrissage et des composants en titane pour le compte de Lockheed-Martin et Pratt & Whitney.
Aussi, le Pentagone cherche une alternative, comme l’a indiqué son chef, Patrick Shanahan. au début de ce mois.
« Si la Turquie juge que le S-400 est une décision qu’elle veut prendre, alors il faut que nous déplacions la fabrication hors de Turquie », a en effet déclaré M. Shanahan, avant de préciser qu’il avait rencontré des responsables de Lockheed-Martin et de United Technologies [maison-mère du motoriste Pratt & Whitney, ndlr].
En attendant, la livraison aux forces turques de l’équipement nécessaire à la mise en oeuvre du F-35 a été suspendue par Washington.
Qui plus est, le 16 mai, la Maison Blanche a annoncé, comme prévu, la fin du traitement commercial préférentiel dont bénéficiait la Turquie aux États-Unis.
Mais cette mesure a été « adoucie » par la baisse de moitié des droits de douanes appliqués aux importations d’acier turc [qui avaient augmenté de 50% en 2018 afin de faire pression sur Ankara pour obtenir la libération du pasteur américain Andrew Brunson, accusé de « terrorisme » par les autorités turques, ndlr].
Cela étant, l’achat de S-400 par la Turquie expose cette dernière à des sanctions prévues par la loi américaine dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act], dont l’objet est d’empêcher tout commerce avec des entreprises russes du secteur de l’armement.
Pour autant, l’exécutif turc ne peut plus faire machine arrière étant donné ses déclarations passées. Sauf à perdre la face, ce qui est inconcevable.
« Les menaces de sanctions des États-Unis signifient qu’ils ne connaissent pas la Turquie. Personne ne peut travailler avec la Turquie en employant le ton de la menace », a ainsi fait valoir Fuat Oktay, le vice-président turc, le 5 mai.
« La décision au sujet des S-400 a été prise. Une fois un accord conclu, une parole donnée, la Turquie respecte la parole donnée », a-t-il insisté.
Mais le président turc, Recep Tayyip Erdogan, veut aller encore plus loin. Ayant récemment fait dans la surenchère en affirmant s’être mis d’accord avec Vladimir Poutine, son homologue russe, pour accélérer la livraison des batteries S-400 aux forces turques, ce dernier a indiqué que la Turquie allait poursuivre sa coopération avec la Russie dans le domaine de l’armement.
« Il n’est absolument pas question que [la Turquie] recule sur l’achat des S-400. C’est une affaire conclue », a une nouvelle affirmé M. Erdogan, le 18 mai.
Mais mieux encore, a-t-il continué : « Les livraisons doivent débuter en juillet ou peut-être plus tôt. Après quoi, nous parlerons du S-500, y compris de sa production conjointe. »
Selon la presse russe, les performances du S-500 devraient nettement supérieures à celle du S-400, avec une portée de 600 kilomètres et la capacité de détecter et de frapper simultanément jusqu’à 10 cibles supersoniques.
Il « incorporera les systèmes de défense antimissile. Il sera ainsi capable de détruire les cibles terrestres, ainsi que les missiles balistiques de moyenne portée et les têtes de missiles balistiques intercontinentaux », avait assuré, en mai 2018, le général Andreï Demine, des Forces aérospatiales russes.
Ce n’est pas la première fois que M. Erdogan évoque le système russe S-500 « Prometheus ». En octobre 2017, il fit part de l’intention d’Ankara de se le procurer. « Dans nos discussions avec le président Poutine, nous n’envisageons pas de nous arrêter aux S-400. Nous discutons également sur les S-500 », avait-il en effet déclaré.
Pour le moment, Moscou n’a pas fait de commentaires sur les propos de M. Erdogan. Cela étant, fin avril, citant des responsables de Rosoboronexport, la structure russe chargée des exportations de matériels militaires, et de Rostec, l’agence TASS avait indiqué que plusieurs projets de coopération russo-turcs étaient envisagés, notamment dans les domaines de l’aéronautique et des blindés.
« Nous discutons actuellement avec nos partenaires turcs de la mise en œuvre de projets très importants en matière de coopération militaire et civile… Nous sommes sans aucun doute prêts pour divers types de coopérations technologiques, y compris dans des domaines à forte intensité scientifique comme l’aérospatial, la construction d’hélicoptères et le secteur de l’énergie « , a expliqué Sergeï Chemezov, le directeur de Rostec.
Quant aux F-35 commandés par Ankara, le président turc s’est montré, une fois plus, très confiant.
Les États-Unis « font circuler le ballon au milieu du terrain et se montrent réticents. Mais tôt ou tard, nous récupérerons les F-35. Les Américains n’ont pas d’autre choix que de les livrer », a-t-il assuré.
source: www.opex360.com