Le rapprochement Israël-Egypte-Arabie Saoudite se précise
Le gouvernement égyptien a nié avoir fait la proposition, je sais. Quand ce genre de proposition est refuse par celui à qui on l’a faite, dans un contexte tel que le monde arabe, il est logique de nier qu’on l’a faite.
Tout indique que la proposition a été faite, et qu’elle a été refusée.
De quoi s’agit-il ? D’une proposition faite par le maréchal Sisi, Président de l’Egypte, de donner un fragment du territoire du Sinaï jouxtant la bande de Gaza à l’Autorité Palestinienne aux fins que soit créé là un Etat palestinien strictement démilitarisé et vivant en paix avec Israël.
Le territoire proposé était suffisamment grand pour accueillir l’essentiel de la population définie comme « palestinienne ».
Le territoire étant en bord de mer, il y avait la possibilité d’y construire un port, voire plusieurs.
Cette proposition aurait été censée donner à l’Autorité Palestinienne ce qu’elle est censée réclamer, un Etat. Elle aurait été censée mettre fin à ce à quoi l’Autorité Palestinienne est censée vouloir mettre fin, la situation de « réfugiés » des « Palestiniens ». Elle aurait été censée mettre fin au « conflit israélo-palestinien ».
Elle a paru inacceptable à Mahmoud Abbas. Pourquoi ? Parce qu’elle aurait impliqué le renoncement au « droit au retour » des « réfugiés » susdits. Parce qu’elle aurait impliqué une démilitarisation contrôlée par l’Egypte et Israël et un traité de paix avec Israël.
Je suis très loin d’être certain que le maréchal Sisi s’attendait à ce que sa proposition soit acceptée.
Mais qu’il l’ait faite est très intéressant.
C’est un geste d’amitié envers Israël, car proposer d’essayer de mettre fin de cette façon au « conflit israélo-palestinien » ne peut être vu autrement que comme un geste d’amitié envers Israël.
C’est aussi une façon de révéler le vrai visage de Mahmoud Abbas et de l’Autorité Palestinienne, et de montrer au monde occidental que Mahmoud Abbas ne veut pas la paix et un Etat, mais autre chose, vraiment autre chose.
On peut ajouter que cette proposition ne peut pas avoir été faite sans l’aval de l’Arabie Saoudite et des émirats du Golfe (sauf le Qatar), qui financent l’Egypte et lui permettent présentement de survivre.
On voit ainsi se dessiner un peu plus nettement le rapprochement entre des pays qui furent les alliés fondamentaux des Etats Unis dans la région, qui se sentent trahis par l’administration Obama et considèrent que l’alliance avec les Etats Unis n’est plus ce qu’elle était, et qui discernent que face au danger principal dans la région, ils ont des intérêts communs.
Le danger principal est l’intrication des forces radicales. Il est l’Etat Islamique financé et assisté par le Qatar et la Turquie d’Erdogan (axe radical sunnite), et l’Iran, qui finance et assiste la Syrie, l’Irak chiite, et le Liban aux mains du Hezbollah (axe radical chiite), et qui a financé jusqu’à un moment récent l’Etat Islamique.
Malgré une alliance de façade, et au delà d’une volonté de voir affaibli l’Etat Islamique, Israël, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les émirats (sauf le Qatar) voient que les forces radicales sont et resteront à l’offensive, et voient aussi que l’administration Obama et les pays européens gardent des liens étroits avec le Qatar et la Turquie d’Erdogan, et sont en train de se rapprocher de l’Iran.
Ils voient l’Autorité Palestinienne comme une nuisance au service des forces radicales. Ils voient que la barbarie du Hamas l’a rendu plus populaire auprès des populations « palestiniennes », et voient en Mahmoud Abbas un homme usé par ses exercices de double langage que fort peu, en réalité, distingue du Hamas.
Ils voudraient se débarrasser de la nuisance et la délégitimer, la déstabiliser, la réduire.
Ni l’Egypte, ni l’Arabie Saoudite, ni les émirats (hors Qatar) ne feront de geste plus explicite en direction d’Israël, ou contre l’Autorité palestinienne et le Hamas : nous sommes dans le monde musulman, et il ne faut pas rêver.
Nous sommes néanmoins dans une situation inédite. Israël, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les émirats (sauf le Qatar) sont (implicitement) unis, pour l’heure, face à l’islam radical et laissent entendre que l’Autorité Palestinienne, le Hamas, l’Etat Islamique, font partie du même danger, qu’il faut se défier de la Turquie d’Erdogan et du Qatar, et que l’Iran est une puissance dangereuse, alors que l’Europe et l’administration américaine présente disent que l’Autorité palestinienne est très fréquentable, que le Hamas et l’Etat Islamique, ce n’est pas la même chose, que la Turquie d’Erdogan et le Qatar sont sympathiques, et que l’Iran a ses charmes.
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