Et nous, que faisons-nous pour tous ces martyrs au quotidien qui préfèrent abandonner leur maison, leur terre, voire leur famille, plutôt que de renoncer à leur foi ?
L’honnête homme qui suit la folle marche du monde a de bonnes raisons de se pincer. Rarement les valeurs qui fondent notre civilisation ont été attaquées de manière aussi systématique et aussi violente par ces élites autodésignées qui mènent, sinon le monde, du moins notre pays.
Nous avons largement commenté dans ces colonnes le jugement stupide qui a chassé d’un bâtiment public une simple crèche de Noël. Que l’on croit au ciel ou que l’on n’y croit pas, tous les Français se retrouvent dans une même identité faite de traditions simples, de rappels historiques ou de jours fériés liés à des motifs religieux. Il y a quelques mois, une bande de terroristes de la pensée a attaqué et abîmé les cloches de Notre-Dame de Paris exposées au public. Pour leur méfait, ces décérébrées ont été moins condamnées que les gardiens de la cathédrale qui les ont expulsées. Ce qui en dit long sur la manière dont la justice est désormais rendue à partir d’une échelle de valeurs inversée.
Les chrétiens et les juifs de France sont de plus en plus montrés du doigt.
Au nom d’une laïcité négative imposée, il y a un siècle, par certaines obédiences de la IIIe République. Au nom d’une idéologie socialiste qui vise à déconstruire les fondements traditionnels de notre société.
Et ce sont les mêmes qui méprisent les catholiques ou laissent les propalestiniens défiler dans les rues aux cris de “mort aux juifs” qui s’étonnent ensuite que la France devienne intolérante, que des églises soient profanées et que les actes antisémites se multiplient.
Mais ces agressions que vivent les chrétiens et les juifs de France ne sont rien à côté du martyre que les islamistes imposent à tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Jamais les chrétiens n’ont été aussi persécutés sur l’ensemble de la planète depuis deux millénaires. Au point que leur unité finit par se faire dans le sang qui coule tous les jours sur la terre même où Abraham a découvert l’existence de Dieu. Et nous, que faisons-nous face à ce massacre insupportable ? Face à ce génocide odieux ? Et nous, que faisons-nous pour ces martyrs au quotidien qui préfèrent abandonner leur maison, leur terre, voire leur famille, plutôt que de renoncer à leur foi ? Et nous, que faisons-nous pendant ce temps-là, sinon nous lamenter sur la disparition des feux de cheminée, l’opportunité de rouler au diesel ou l’ouverture des commerces une poignée de dimanches dans l’année ?
À la lumière des sombres événements qui secouent une partie de la planète et contribuent au choc des civilisations, il est temps de relire le discours qu’Alexandre Soljenitsyne a prononcé, en juin 1978, devant les étudiants de Harvard. À peine installé aux États-Unis, le rescapé du goulag ne mâchait pas ses mots face au matérialisme qu’il découvrait outre-Atlantique. « Le déclin du courage est ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui. Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais même chacun des pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis, ainsi que, bien sûr, l’Onu. » Et l’auteur du Pavillon des cancéreux d’enfoncer le clou : « Une société qui s’est installée sur le terrain de la loi sans vouloir aller plus haut n’utilise que faiblement les facultés les plus élevées de l’homme.[…] Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme. Et face aux épreuves du siècle qui menacent, jamais les béquilles juridiques ne suffiront à maintenir les gens debout. »
Combien Soljenitsyne, qui a subi un vrai procès en sorcellerie après ce discours, disait vrai ! Il n’existe pas de droit pour les chrétiens martyrs partout sur la planète. Il n’y a que le témoignage de leur incroyable courage. Un courage auquel l’Occident a renoncé.
Yves de Kerdrel